• Chapitre 16 •

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Naomi

Captive par les mains de la charmante femme, j'atterris dans une immense chambre — bien plus grande et luxueuse que mon minuscule appartement New-yorkais. — Elle me pousse dans une pièce qui me semble être une salle de bain. Bon sang ce que c'est grand...Quelqu'un pourrait vivre là-dedans !
— Je vais vous préparer un bain avec des arômes traditionnels du Japon, vous ne sentirez plus vos muscles engourdis !
— Mes muscles engourdis...? Quand est-ce que j'ai parlé de muscles engourdis ?
Avant que je n'aie le temps de refuser sa franche générosité, elle verse toutes sortes d'huiles, d'herbes et de liquides parfumés dans la grande baignoire. L'odeur de fleur, d'épice et de bonbon vient chatouiller le bout de mon nez. Seigneur ce que ça sent bon ! Ça me rappelle l'odeur des vergers de pommes près de mon ancienne maison.
— Je vous laisse profiter de ce bain. Appelez-moi au moindre souci, d'accord ?
Sans attendre ma réponse, elle quitte la pièce plus vite que son ombre. Que vient-il de se passer ? Mon regard se perd contre la surface laquée et nuancée de l'eau qui fait de lents vas et vient contre les parois du bain. Je dois vraiment prendre un bain alors que je suis censée travailler ici pour mon patron ? C'est à ni rien comprendre, pensé-je tout bas, dubitative. Malgré mes nombreux questionnements, je me glisse dans l'eau qui vient, finement câliner le bout de mes orteils. Je mentirais si je disais que je n'avais pas besoin de ça...Dans un sens détourné, une phrase vient me titiller l'oreille. Le réconfort avant l'effort, je suis sûre que Monsieur-je-ne-tolère-que-la-perfection n'apprécierait pas cette phrase.
Je reste dans mon nuage d'ivresse pendant de longues et interminables minutes avant que la voix enjouée et dynamique de Mme.Mori vienne m'arracher de ce pur moment de bonheur.
— Excusez-moi ? Êtes-vous sortie ?
— P...pas encore, attendez une petite minute s'il vous plaît. Finalement, j'aurais aimé y rester toute la nuit. Je sors de la baignoire d'un pas pressé et attrape une serviette au vol avant de la blottir contre ma poitrine dénudée. Je l'attache comme je peux autour de moi.

C'est alors, les fesses clouées sur un tabouret. Qu'elle me recouvre le visage de plusieurs produits, j'ai beau répéter que ce n'est pas nécessaire. Cette femme est atrocement têtue.
Le sommeil m'appelle avec une telle puissance que je lutte pour ne pas fermer les yeux et m'endormir sur le champ. Faites qu'elle ait bientôt terminée, faites qu'elle ait bientôt terminée...
— Vous êtes tellement jolie. Chante-t-elle en pinçant gentiment le bout de mes pommettes.
— Merci...c'est très gentil.
— Adan doit dormir comme une marmotte, vous devriez faire de même. N'aillez pas d'inquiétude, je viendrai vous réveiller.
— Merci.
Suite à cela, elle quitte la pièce avec un sourire satisfait et me laisse seule, au beau milieu d'une chambre dont la luxure me pique les yeux. Tout ça n'est pas un peu trop pour moi ? Une chambre d'hôtel m'aurait amplement suffi. J'oublie de retirer la serviette de bain et plonge dans les draps, fermant les yeux, épuisée par cette journée chargée d'émotions.

Comme prévu, le matin suivant. Mme.Mori vient m'extirper de mon sommeil étrangement calme. Ça fait du bien...Je lance les couvertures et saute du lit, en forme pour la grosse journée qui s'annonce. J'ai pratiquement dormi une journée entière ! Oh mon Dieu...Quelle catastrophe.
— Naomi, vous avez une mine merveilleuse !
— Oh...merci.
— Asseyez-vous, je vous ai concocté des Takoyaki.
— Des Tako...Quoi ?
Une tradition Japonaise ?
— Des Takoyaki, un beignet garni de poulpe. Dit une voix grave sortant de l'ombre d'un couloir. Je sursaute sur le tabouret. Bon sang ! Mais quand va-t-il arrêter de me surprendre comme ça ?
— Du poulpe au petit déjeuner ? C'est assez atypique comme repas.
Je dis, une pointe de moquerie dans la voix.
Adan passe dans mon dos, laissant flotter une légère odeur de shampoing et d'after-shave puis s'assied face à moi. L'eau que je venais d'avaler semble passer par le mauvais chemin lorsque je lève les yeux vers lui.
— Ce n'est pas vrai, Naomi est-ce que tout va bien ? S'affole Mme.Mori avant de me donner plusieurs tapes dans le dos, essayant de me sauver de l'étranglement qui étreint mes cordes vocales.
— Buvez de l'eau.
Sérieusement ? Monsieur est de retour pour me donner des ordres alors que c'est de sa faute si je m'étouffe comme une bécasse. Je parviens à calmer la toux qui m'assaille en me concentrant sur mon assiette au lieu de mon patron, vêtu d'un simple kimono. Ça alors ! Si je m'attendais à ce qu'il soit dans cette tenue. Ce vêtement laisse apercevoir sa mâchoire bien tracée, sa gorge, puis le creux de son torse. Je m'égare !
— Votre maladresse est telle que vous n'arrivez pas à boire sans accident ? Ou bien c'est le fait de voir un homme en Yukata peut-être ?
"Boom" Dans le mille, susurre ma conscience. Les mots restent coincés dans ma gorge et j'oserais dire, heureusement car ce ne sont pas de jolis mots.
— Je suis navrée que cela vous mette mal à l'aise Naomi, j'oublie parfois les bonnes manières. Intervient la bonne femme, embarrassée.
— Vous...n'avez pas à vous excuser. Articulé-je en évitant soigneusement le regard carnassier de la personne responsable de mon étranglement.
— J'ai demandé à Adan de ne pas enfiler ses multiples costumes sombres et professionnels, pour ne pas vous mettre mal à l'aise mais ça à été le contraire alors, je m'en excuse.
Elle aborde une moue coupable. Mince, elle a voulu bien faire et moi je fais tout capoter...
— S'il vous plaît, ne vous excusez pas pour ça. Cela ne me met pas mal à l'aise. Oh que si et tu le sais très bien, Nomi !
J'ai l'impression que si je regarde trop longtemps cette zone particulièrement dévoilée, mon cœur pourrait se mettre à faire un triple salto arrière, ce qui serait de toute évidence, très fâcheux.
— Merci pour le déjeuner, je vais aller me préparer.
Je saute du tabouret et m'efforce d'éviter le regard qui me torture intérieurement.
Une fois la porte de la chambre verrouillée, je me sens protégée de tout. De mes émotions curieusement affolées en sa présence et de la tension lourde qui règne près de lui.
Avant de retourner dans le grand salon, je prends une douche, me brosse les dents, remets en ordre ma tignasse et enfile une tenue correcte pour le travail. Porter ça m'aidera à faire la différence entre le boulot et les vacances.

— Adan se prépare, voulez-vous un thé ?
— Non merci, ça ira.
Je m'assois sur l'un des fauteuils et tapote nerveusement mes cuisses du bout des doigts.
— Dites-moi Naomi, êtes-vous ravie du poste que vous entretenez ? D'où sort cette question ?
— Oui, bien sûr.
— Vous n'aviez pas de rêves étant jeune ? Qu'est-ce qu'il lui prend ?
— Hum...non.
Elle sourit tristement avant de tourner les talons pour s'en aller, son regard si peiné me pousse à balancer, bredouille :
— La photographie...peut-être.
— La photographie ? Qu'est-ce qu'il me prend de lancer ça comme ça...Comme fortement intéressée par ce que je raconte, elle s'installe près de moi.
— Hum...J'ai toujours aimé photographier le monde autour de moi, surtout lorsque j'étais plus jeune.
Capturer un merveilleux instant pour qu'il reste à jamais dans une photo, me rendait heureuse. La ferme Nomi...Qu'est-ce qu'il te prend ? J'ai arrêté depuis...Le temps, les gens et le monde ont changé autour de moi et je ne me voyais pas capturer tous ces instants qui me semblaient ternes. Quelle tarte !

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant