• Chapitre 72 •

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Naomi

Cela fait trois jours que je n'ai pas croisé ne serait-ce que son regard. Il m'échappe des doigts à chaque fois, et à chaque fois que cela se produit, mon cœur se fait méchamment entailler par des centaines de petites aiguilles aussi aiguisées que des couteaux de boucher. Je suis qu'une maladie pour lui, qu'un virus qu'il cherche à éviter à tout prix !
J'ignore comment je fais pour continuer de me rendre à la Brown'sEntreprise en sachant pertinemment qu'il n'est plus dans la pièce voisine, qu'il ne viendra plus me voir pour me taquiner, pour m'embrasser ou me monter au septième ciel sur ce foutu bureau trop encombré.
Il me manque à en crever, tout me semble si terne sans sa présence à mes côtés. Son odeur me manque, sa voix, ses yeux, ses lèvres, son corps. Tout de lui me manque et c'en est insupportable...
Les mails que j'ai envoyés, les messages, les appels, aucune réponse. A-t-il besoin de temps pour digérer mon passé merdique ?
Mais tout ça c'est du passé, j'ai oublié cette partie de ma vie. Alors pourquoi ça te gâche encore la vie ? Ajoute ma conscience, s'enfilant un pot de glace au chocolat, les yeux humides.
Alors que j'étais noyée dans mes pensées les plus profondes, mon téléphone se met à sonner. Ce n'est pas vraiment le moment...L'écran clignote, m'indiquant le nom de Jeffrey en italique. Parler avec mon ami me fera peut-être penser à autre chose ?
Je décroche, imitant la voix mielleuse d'une hôtesse de l'air. Jouons la carte de l'humour.
— Bien le bonjour monsieur Williams, ici Naomi Anders...
— Naomi ? Est-ce que c'est vrai ?
Il me coupe, d'une voix bondée de panique.
— De quoi ?
Il ne me répond pas. Qu'est-ce qu'il se passe encore ?
— Jeff ? Tu es là ?
Mon impatience se fait ressentir.
— Regarde le lien que je viens de t'envoyer.
— Quoi ? Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe Jeff ? Ça m'inquiète !
— Clique sur le lien et...reste au téléphone.
Rester au téléphone ? Bon sang mais, pourquoi ? Je soupire, troublée et clique sur ce fameux lien. Assis sur un fauteuil noir en forme d'œuf style futuriste, Adan croise les bras, le visage tiré par la fatigue. Mon cœur loupe un battement en le voyant ainsi.
Il redresse le petit boîtier noir - un micro je suppose - et pousse un lourd soupir. Les interviews ne lui plaisent définitivement pas.
*— Récemment, nous avons pu remarquer dans les rues de Manhattan, les nombreux journaux qui ont tourné sur vous et votre famille. Qu'est-ce que cela vous fait ?
— Qu'il y ait des choses sur moi me passe au dessus de la tête mais, que cela atteigne mes proches me déplaît...fortement.*
Retrouver son autorité à travers un écran me fait sourire. Il n'a pas vraiment changé...
*— Est-ce pour cela que lors d'un écrit sur votre jeune sœur Flora Brown, cela s'est brutalement terminé au poste de police ?*
Adan hoche la tête, agacé par les questions plutôt indiscrètes de cette reporter. Comment est-elle au courant de ça ?
*— Nous avons également vu qu'une jeune femme nommée « Naomi Anderson » serait impliquée dans votre vie en tant qu'assistante mais aussi comme petite amie. Pouvez-vous nous en dire plus sur la nature de votre relation ?*
Son visage se métamorphose, il fronce les sourcils, serre les dents et regarde droit devant lui. J'ai l'impression qu'il s'adresse directement à moi, c'est terriblement stressant.
*— Mademoiselle Anderson et moi, avons effectivement eu une relation il y a quelques temps. Mais, désormais la nature de notre relation est purement...professionnelle.*
Je me décompose sur mon siège. Purement professionnelle ?
*— Cela voudrait dire que vous n'êtes plus « ensembles » ? Insiste cette fichue reporter bien trop indiscrète. De quoi je me mêle ?
— Non.*
Une balle s'enfonce dans mon estomac tandis que mon sang fait un looping complet dans mon crâne. Non...Il vient de rompre. Je lâche mon téléphone, coupant la vidéo et tente de me mettre debout mais, un vertige violent me saisit à la seconde. Je retombe sur la chaise, la vision brouillée.
Il faut que je sache...Il faut que je sache pourquoi ! Pourquoi il me fait ça ! S'il fait ça dans le but de me protéger, il se trompe complètement. J'ai mal, terriblement mal.

Dans le hall de l'immeuble, la jeune femme de la dernière fois m'interrompt une nouvelle fois. Ma frustration s'accentue de plus en plus lorsque je m'avance vers elle.
Ce n'est plus la peine, ni le chagrin qui me prend aux tripes, c'est la colère, la frustration et le désespoir que ressent l'intégralité de mon corps.
— Je dois voir Adan. Laissez-moi passer.
Je suis sèche et prête à tout.
— Excusez-moi, je ne peux pas faire une chose pareille.
— Non, vous ne m'écoutez pas. Je dois le voir, c'est urgent !
Elle commence à me taper sur le système cette vieille peau.
— Veuillez sortir. m'ordonne-t-elle, me lançant un regard aussi noir que la nuit.
Je n'en peux plus.
— Je vous en prie, faites-le descendre...
Je la supplie et lutte contre moi-même afin de ne pas fondre en larmes devant elle. J'ai tellement besoin de le voir, de lui parler et de comprendre...
Avoir besoin de temps, d'espace est une chose, mais me rejeter et rompre à travers un écran en est une autre. La dernière fois qu'il a été aussi froid, c'était lors de notre rencontre et nous étions que de simples inconnus et je refuse d'être qu'une inconnue pour lui !
— Je suis désolée, mademoiselle. Mais monsieur Brown ne peut pas recevoir de visite.
Va-t-elle arrêter de s'excuser à tout bout de champs ? Nous ne sommes pas dans un hôpital bordel !
— Vous plaisantez ? Je crie, c'est vraiment urgent et puis merde vous m'avez bien vu vivre ici !
Je hurle, comme pour appeler Adan du haut de tous ces étages qui nous séparent.
— Vous n'êtes pas autorisée. Affirme-t-elle, crachant ses mots de la manière d'un reptile.
— S'il vous plaît, accordez moi juste une petite minute. Vous pensez réellement que je puisse être une menace pour Adan ?
— Ce n'est pas cela, mademoiselle. Souffle-t-elle, la mine peinée. J'ai reçu l'ordre de ne pas vous laisser entrer. Je fais seulement mon travail.
— Vous ? Murmuré-je, choquée. Qui n'est pas autorisé à le voir ?
J'étouffe un sanglot, m'accrochant au comptoir comme à un bouée de sauvetage et penche la tête vers la dame.
— Il n'y a qu'un seul nom. Déclare-t-elle, les yeux débordant de pitié. Naomi Anderson.

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant