• Chapitre 65 •

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Adan

Les deux lourdes portes de l'ascenseur s'ouvrent sous mes yeux, dévoilant peu à peu la silhouette de Naomi. La tête plongée vers le bas, les mains pataugeant dans son sac, elle marmonne des râlements et j'esquisse un sourire.
Tu devrais t'éloigner d'elle le temps que les choses se calment.
Les paroles de ma Flora refont surface dans mon esprit, cependant je les chasse prestement d'un coup habile de la main. Je ne peux pas m'éloigner, je n'y arriverai pas, c'est impossible. Est-elle déjà au courant de ce qu'il se passe ? J'ai une boule au ventre.
Au bout de plusieurs secondes, elle lève les yeux vers moi. Son visage prend tout de suite de la couleur, il s'illumine d'une douce chaleur rosée. Si belle. Je suppose qu'elle n'est pas au courant.
— Salut. Ronronne-elle, est-ce que j'ai oublié de noter un rendez-vous ?
Le fait qu'elle ne sache pas ce qu'il se passe me fout un coup dans le ventre. J'ai juste des comptes à régler avant de te dire la vérité Naomi...
— Non, j'ai une course à faire. Mens-je, le ton distant. Merde, ne commence pas Adan ! Enfin, juste une petite course sans importance. ajouté-je, le timbre plus calme.
J'essaie tant bien que mal de me rattraper en caressant sa joue du bout des doigts mais son regard transpire l'incompréhension.
— Est-ce que tout va bien Adan ? Tu...
— Tout va bien, tranché-je. Je reviens vite, va travailler.
Ma moquerie semble la distraire puisqu'elle lève les yeux au ciel avant de passer devant moi, les épaules droite, la mine hautaine mais amusée. Est-ce qu'elle va se retourner ?
Naomi tourne la tête et me regarde, un sourire coquet sur les lèvres. Ce que j'aime cette femme.

— Agence Poders, s'il te plait. Conduis sans poser de questions, Chesters.
— Vous voulez parler à John Poders ? Fait chier.
— C'est le but. Avoué-je, agacé.
— Monsieur, je ne suis pas sûr que cela soit une très bonne idée. Conrad vous l'a dit.
Depuis quand me fait-il la leçon ? J'ai déjà un père pour ça.
— Comment diable sais-tu cela ? Depuis quand parles-tu à Conrad dans mon dos ?
— Conrad m'a ordonné de vous empêcher de faire quelque chose de regrettable
Conrad, espèce de...Je n'ai plus 6 ans merde !
— Est-ce Conrad qui donne les ordres ?
Je suis cassant.
— Non, monsieur.
— Alors, conduis-moi à l'agence Poders.
Il hoche la tête sans un mot. J'hallucine, depuis quand Chesters me contredit comme cela ? Je ne vais pas me battre avec John nom de Dieu.
Le reflet brillant de ma montre me pousse à y jeter un œil, j'espère que Naomi n'est pas encore tombée sur l'article.
— Nous sommes arrivés, monsieur. Puis-je vous accompagner ?
M'accompagner ? Sérieusement.
— Si ça t'enchante.
Je soupire, fatigué par ses conneries.
L'endroit est propre mais l'odeur de l'argent sale y règne. Chesters marche dans mon dos et le sentiment d'être mis sous protection m'insupporte. Sa gestuelle de garde du corps ne passe pas inaperçu auprès des employés.
— Bonjour monsieur. Vous cherchez quelqu'un ? Me dit une blondinette à l'accueil.
Elle étire ses lèvres rose bonbon en un sourire égocentrique. À ce que je vois, personne ne se prend pour de la merde ici.
— Bonjour, John Poders est-il présent ?
Ses doigts manucurés au vernis rouge frappent plusieurs fois les touches de son clavier avant qu'elle ne relève les yeux vers moi.
— Monsieur Poders doit être occupé avec un rendez-vous, monsieur.
Un rendez-vous...
— Dites-lui qu'Adan Brown est ici. Il va venir, j'en suis sûr.
La blonde soupire un coup puis chope son téléphone à fil. Après plusieurs mots écourtés et obéissants, elle pivote de mon côté.
— Monsieur Poders arrive.
Bingo.

— Que me vaut le plaisir de ta visite, Brown ?
Quelques minutes plus tard, le voici et le mot « plaisir » semble lui avoir écorché les cordes vocales.
— Pas grand chose, juste l'article rempli de tes mensonges à la con.
Je suis calme, étonnement calme. Il rit, un rire mauvais qui n'augure rien de bon.
— Ma surprise ne t'a pas plu ? Enculé.
Je fais un pas vers lui.
Chesters agrippe mon épaule et me lance un regard qui veut tout dire « Ne fais pas le con Adan. » J'expire ma rage comme je l'ai si bien appris et repousse la main de Chesters d'un mouvement calme et serein.
Je gère.
— Ça fait longtemps que t'as besoin d'un garde du corps pour t'empêcher de réagir comme un chien enragé ?
Je t'emmerde, toi et ton sourire de Bourge à la con.
— Tu ferais mieux de faire gaffe à ton cul Poders, le karma s'occupe toujours des enfoirés dans ton genre.
Son ricanement me tend et me retourne l'estomac.
— Le lycée c'est fini Brown, ne joue pas au mec menaçant.
Si j'étais vraiment menaçant, tu ne serais pas sur tes deux jambes.
— Et toi, ne joue pas au mec intouchable.
Je fulmine, le ton gorgé de hargne. Ses lèvres se tordent, formant un sourire répugnant.
— Comment va ta petite copine, Naomi Anderson c'est ça ?
Le nom de Naomi sonne comme des grelots résonnant à la suite d'un troupeau de vaches. Je vais...
— Si tu t'en prends encore une fois à elle...
— Qu'est-ce que tu vas faire ? Moisir dans un coin comme tu l'as fait après la mort de ta mère ?
Le tonnerre gronde, se fracasse contre le sol et transperce le béton dans un bruit déchirant.
J'attrape dans mon poing, le col de sa chemise et le serre de toutes mes forces.
— Je te conseille de bien faire attention à ton petit cul d'enfoiré, Poders. Lorsque tu seras derrière les barreaux, ne t'attends pas à recevoir de la compassion de la part des autres. Toi et moi savons très bien quel genre d'activité tu pratiques lors de ton temps libre.
Je crache la fin de ma phrase avec un sourire inhumain et relâche brusquement son col avant de tourner les talons.
Je m'élance le plus rapidement possible vers la voiture, retenant mon envie de lui faire regretter ses paroles à coups de poings.
Chesters, constamment impassible m'examine dans le rétroviseur.
Qu'est-ce qu'il veut ? Des excuses ?
Ne me regarde pas de cette façon, je ne me suis pas jeté sur lui à ce que je sache.
Je lève les yeux au ciel.
— Si je peux me permettre, vous étiez à deux doigts de le faire. Correct. Avez-vous pensé aux conséquences derrière tout ça ?
— Serais-tu en train de me faire un reproche ? (Je m'énerve.) Tu n'es pas à ma place alors garde tes remarques pour toi et fais ton boulot.
Mon ton est sans appel, Chesters se tait et démarre la voiture dans un grondement sourd.
"Moisir dans un coin comme tu l'as fait après la mort de ta mère..."

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant