• Chapitre 32 •

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Naomi

Je ne sais pas comment je vais me dépatouiller avec toute cette paperasse mais, j'ai comme l'impression que je vais en avoir pour la journée. Tiens bon Nomi ! Hurle ma conscience, d'une voix pleine d'encouragement.
Je retrousse mes manches comme si j'allais attaquer la plus grosse des bêtes et jette un coup d'œil aux dizaines de couloirs et catégories qui s'offrent à moi.
Lorsque je suis arrivée ce matin, la toute nouvelle secrétaire m'est directement tombée dessus, me précisant qu'Adan me convoquait dans son bureau.
Au début, j'ai pensé qu'il voulait parler de ce qu'il s'était passé samedi soir mais, pas du tout. Ce John Poders semble être crûment détesté par Adan, ça ne fait aucun doute. La rage, la haine et la rancœur qu'il contient au plus profond de ses yeux ne passe pas inaperçu.
Cette forte rivalité me fiche la trouille. "Le faire tomber." Mais pourquoi ? Je conçois totalement le fait qu'il y ait des choses atroces qu'il se passe dans le monde du travail mais, de là à vouloir le faire "tomber" m'embrouille quelque peu. Parle-t-il de son agence ? Ou de sa réelle personne ?
Je balaye la salle d'un œil attentif et trouve ce que je cherchais, le plan des étagères toutes numérotées. Seigneur, alléluia !
— Alors, l'étagère numéro trois à six...marmonné-je, tentant de déchiffrer le tableau.
Je passe le doigt sur les étagères et m'arrête à la numéro 4. Les dossiers doivent être classés dans l'ordre alphabétique si j'ai bien compris.
— K-L-M-N-O...dis-je à voix haute, P-H6...elle est là.
Voilà une bonne chose de faite, l'étagère est sous mes yeux mais, je pense en avoir pour un moment, le temps de trouver le nom de John Poders parmi tous les autres. Je sens que cette journée va être longue...

Fin d'après-midi, la faim me tiraille l'estomac et les os qui me servent de vertèbres veulent se faire la mâle. Je commence à croire que Gale Brown n'avait rien contre John, ce fichu dossier est introuvable ! J'ai beau me plier en quatre pour fouiner, je ne le vois nulle part.
Éreintée, je me redresse et referme les pans de ma veste, il fait pas chaud ici.
Il n'y a pas à dire, l'archivage numérique est bien plus simple que tout ça. Je pourrais en toucher deux mots à Adan ou à Suzie mais est-ce que ça vaut sérieusement le coup de les déranger pour si peu ? Je suis sûre que je vais finir par mettre la main dessus.
— Courage...ronchonné-je, Poders Poders Poders où es-tu...
Je l'ai ! Hurlé-je intérieurement au moment où mes yeux se posent sur un classeur avec pour étiquette « John.Poders »
Je suis à deux doigts de faire une danse de la joie tant cette fouille m'a usée physiquement et mentalement. Je colle le classeur contre ma poitrine et pousse un soupir de soulagement.
Lorsque je quitte enfin ce frigidaire humain, la secrétaire semble étonnée de me voir sortir avec un grand sourire. Tu ne t'y attendais pas hein ? Voilà le travail ma poule !
— Je l'ai trouvé ! Affirmé-je, comblée.
Son regard indifférent me flanque un coup de froid. Apparemment ça ne fait plaisir qu'à moi...
Je me laisse tomber sur la chaise de bureau, éventre le classeur et inspire un grand coup, me donnant une bonne dose de courage.
— Maintenant, c'est entre toi et moi Poders.

Je repousse la tête en arrière et fixe un point invisible sur le plafond incolore. Je ne sais quoi penser de cette affaire, de ces clichés de John serrant la main à des personnes douteuses, de ces photocopies anormalement longues et incriminantes et...cerise sur le gâteau, le scan d'un vieux journal démontrant le piteux état des canalisations Poders en Turquie. Ce salopard s'en est sorti indem, l'argent comme échappatoire, comme toujours.
Je balance un coup d'œil évasif à ma montre et constate avec grand étonnement qu'il est déjà tard. Merde...
Mais, alors que je m'apprêtais à étreindre ma session, deux coups fermes contre la porte me surprennent.
— Oui ?
La porte s'ouvre sur Adan, la mine impeccable. Comment fait-il pour être parfait en toutes circonstances ? Je dois ressembler à un morceau de croûton que l'on a noyé dans de la soupe.
— Je vous ai cherchée dans la salle d'archive mais, vous n'y étiez pas.
Le ton de sa voix est indéchiffrable. Il me cherchait ?
— J'ai trouvé le dossier il y a plusieurs heures déjà, j'allais venir pour vous le remettre.
Je désigne du menton, les nombreuses feuilles encore éparpillées sur la large surface boisée du bureau et il se décolle de la porte afin de se placer dans mon dos, posant une main à plat sur le meuble. Son souffle chaud vient chatouiller le dessous de mon oreille. En un court laps de temps, mon visage vire au rouge cerise. Alerte rouge, la zone cérébrale rend l'âme.
— C'est super, merci beaucoup. Avec ça, nous allons grandement avancer. dit-il, soulagé.
Sa main vient doucereusement se poser sur mes cheveux et il émet une légère caresse. Ce simple petit geste pourtant si anodin, me trouble.
Je picote de son côté, rouge comme un camion de pompier et l'observe intensément. Il ne semble pas remarquer que sa main est presque nichée dans mes cheveux. Plongée dans le silence, je ne dis rien. Cependant, son regard heurte le mien et comme s'il comprenait la situation. Il recule brusquement sa main et s'éloigne de moi, la mine embarrassée.
— Vous devriez rentrer, il est tard.
— Oui. dis-je à bout de souffle.
Il opine de la tête et s'enfuit presque en courant de la pièce. C'était quoi ça ? J'ai cru que mon cœur allait brutalement sortir de ma poitrine.
Je fourre maladroitement les feuilles dans le classeur avant d'attraper mes affaires et de sortir du bureau. Son geste affectueux me reste en travers de la tête, est-ce que ça voulait dire quelque chose ou je me fais des idées ? Il a très bien pu faire cela pour me remercier mais, a-t-il déjà fait cela à Suzie qui fait également très bien son travail ?
Je presse le pas et passe devant la porte grande ouverte d'Adan. Il est assis derrière son bureau, la tête entre les mains, est-il soucieux ? Regrette-t-il ce geste ?
Sans que je m'y attende, il relève la tête droit vers moi. Merde. Nos regards viennent de se croiser.

Arrivée au bord de la rue, je prends de grandes inspirations. J'ai retenu mon souffle aussi longtemps que ça ? Oh mon dieu, je suis tellement embrouillée et à cran ces temps-ci...
J'aimerais pouvoir me confier à mes amis mais, la tension qu'il y a entre eux me donne du fil à retordre, je ne vais certainement parler de tout cela à Jenna qui est en pleine déception amoureuse et encore moins à Jeff qui...reste lui-même, il ne comprendrait pas tout cela. Autant dire que je suis seule, avec mes plus intenses sentiments.
L'hostilité qu'il y avait entre nous à nos débuts s'est bien ramollie et à vrai dire le Japon n'y est pas pour rien. Pourquoi ça me travaille tant ? Peut-être qu'il me plaît un peu ? Ou beaucoup ? Merde...
Il faut que je trouve mon réconfort dans un chocolat chaud et un bon film télé. Une fois chez-moi, je lance mes chaussures sur le parquet et m'effondre sur le canapé, la télécommande à la main.
J'appuie sur une touche au hasard et me blottie  contre les coussins en moumoute. Le hasard fait visiblement bien les choses puisque je tombe sur une romance.
La jeune femme, au bord des larmes se met à se déchirer sa voix sur l'homme qui reste les bras ballants. La pluie heurte leurs visages, camouflant les pleurs de la pauvre femme au regard brisé.
Est-ce qu'un jour je vivrai ce genre de chose ? Rrr trop de questions !

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant