• Chapitre 66 •

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Naomi

Pourquoi est-il parti si vite ? Avec ce regard, reflétant quelque chose de sinistre, ce regard voulait à tout prix me cacher quelque chose...C'est quoi son problème à la fin ?
Je suis épuisée d'essayer de mettre un doigt sur tout ce qu'il ne va pas. Pourquoi refuse-t-il de se confier à moi ? Je ne suis pas une imbécile, je sais que ce n'était pas un simple souci professionnel. Cependant il ne dit rien !
Je sors de mon bureau pour la neuvième fois de la journée. Il me faut un café, noir et bien corsé. Mes idées ne sont pas claires, c'est comme si mon esprit était noyé dans un brouillard dense et sans fin, voire complètement égaré au centre d'un désert.
Je pousse le bouton de la machine et suis du regard le liquide sombre qui s'écoule dans le petit contenu de carton brun. Qu'es-tu en train de faire, Adan ? Que se passe-t-il ?
Je suis une vraie boule de nerf, fraîchement irrécupérable par dessus le marché. Je me sens bête...
Une fois la potion magique entre mes doigts, je fais volte-face mais, me fige à la seconde où je reconnais la femme, positionnée devant la porte du bureau d'Adan, magazine à la main.
Joyce Sliger, c'est le pompon !
Qu'est-ce qu'elle fait là ? Ses nombreuses semaines d'observation se sont terminées alors pourquoi court-elle encore après Adan ? Bouge de là, sale garce. Ma mauvaise conscience bougonne et grince des dents.
Je prends une ample inspiration et m'approche d'elle à grands pas. Il va me falloir de la patience et du courage pour me retrouver une nouvelle fois face à elle et ses pathétiques manières.
— Mademoiselle Anderson...
Elle souffle et lève les yeux au ciel, m'aillant vue arriver au loin. Crois-moi ce n'est pas un plaisir de te voir ici, Joyce.
— Mademoiselle Sliger. rétorqué-je sèchement, Adan est en rendez-vous à l'extérieur.
J'insiste sur son prénom, comme pour montrer qu'il n'est plus une cible envisageable et serre les poings. Au final, je n'en sais rien, je ne sais pas où il est, ni ce qu'il est en train de faire et ça me fout les nerfs en vrac.
— Je vais l'attendre, ici.
Elle me sourit, un sourire hypocrite et rempli de mépris. Bon Dieu ! Range ton sourire de sorcière et fiche le camp d'ici !
— Vous risquez de vous fatiguer. dis-je en constatant les échasses qu'elle porte en guise de talons aiguilles.
— Contrairement à d'autres, je sais tenir sur des hauts talons.
Elle me toise et examine ma tenue de la tête aux pieds. Mes chaussures feront très bien l'affaire lorsqu'elles atterriront dans tes lèvres refaites au plastique, fichue peste !
— Très bien, souris-je, ce n'est pas mon problème de toute façon.
Je lui tourne le dos, faisant voltiger mes cheveux par provocation et émet un pas en avant.
— Vous pensez sérieusement qu'un directeur aussi beau et riche qu'Adan voudrait d'un pauvre fille comme vous ? Quoi ?
— Je vous demande pardon ? m'enquiers-je, médusée.
Le pauvre magazine qu'elle tient entre ses mains semble être au plus mal. Elle enfonce ses  longs ongles à l'intérieur et un grincement sev se fait entendre.
— Vous êtes faible et en aucun cas vous ne méritez d'être sa future « épouse » alors, si vous l'aimez tellement comme vous le faites savoir, vous feriez peut-être mieux de le laisser être heureux et respecté avec une femme aux qualités plus décentes.
Elle souffle une demi-seconde, à bout de souffle et enchaîne ses paroles aussi aiguisées que des couteaux de cuisine.
— Ma compagnie pourrait être d'une grande aide pour la sienne, nous pourrions être le couple le plus fortuné et célèbre de tout New-York, en sachant que je peux écraser d'une seule main toutes les misérables concurrentes avec lesquelles vous vous battez chaque jour, dans l'espoir de ne pas vous le faire voler.
Sur ce, elle tourne les talons et balaie du revers de la main ses cheveux acajous. Le magazine tout ratiné voltige sur la console couleur ébène et je ne bouge plus d'un pouce. Une douleur aiguë me transperce le cœur et je déglutis.
Je sais.
Je sais que je suis une simple femme par rapport à lui mais, je n'en sais rien. Je l'aime et lui aussi alors...Pourquoi ma poitrine me fait aussi mal ? A-t-elle raison ? Ai-je vraiment peur qu'une femme me le vole et qu'il me quitte ? Joyce est une femme qui en impose. Tout comme lui.
C'est une époustouflante directrice, belle comme une déesse. Tout comme lui...Et moi ? Je suis quoi ?
La petite assistante qui croit qu'elle a trouvé son âme sœur, qui croit que cet homme pourra l'aimer jusqu'à la fin de ses jours ?

Quittant l'ascenseur à toute vitesse, je pousse les lourdes portes vitrées et me rue sur le trottoir, cherchant un taxi afin de me sortir de toute cette foule étouffante. Je cache mon visage à l'aide de mes mains et réunis le maximum de concentration pour oublier les voix qui me tailladent les tympans. Taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous, la ferme !
Miraculeusement, un véhicule jaune poussin s'arrête près de moi et je me jette à moitié à l'intérieur. Ouf...
J'ai du mal à respirer...
— Mademoiselle, est-ce que tout va bien ? s'inquiète le vieux monsieur, à l'avant. Quelle est votre destination ?
Je le regarde, un peu perdue.
— Déposez-moi à cette adresse s'il vous plaît...
J'ai besoin de réfléchir, seule. Pour je ne sais quelle raison, mes yeux me brûlent. Que devient ma vie ? Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je sors mon portable et pianote vivement un message.
{— Je ne me sens pas très bien, je vais passer la nuit chez-moi.
Fais attention à toi Xo.}
Arrivée devant mon appartement, l'escalade les escaliers et enfonce promptement les clefs dans la serrure. La porte s'ouvre et je m'y adosse presque sur le champ. Me voilà enfin dans mon cocon douillet et sans problème...J'inhale goulûment cette odeur familière et soupire de contentement. Toujours la même senteur de lavande, de chaud et de tranquillité. A la recherche de réconfort, je m'en vais me blottir contre l'un des coussins du canapé et ferme les yeux, une fine larme s'échappe de mes paupières mais, je l'efface, effrayée par ces larmes que je connais trop bien.

" Maman va s'inquiéter, elle s'inquiète toujours pour moi.
Grand monsieur me ramène à la maison dans sa grosse voiture bleue.
Je connais grand monsieur.
Il est gentil.
Il me complimente.
Il m'aide.
Il joue avec moi.
Il me sourit.
Il sourit.
Il sourit
J'ai pas peur.
Pas peur.
Pas peur."

Je me redresse, à bout de souffle, la gorge sèche et le cœur battant la chamade. Encore. Je devrais me faire interner sérieusement, je suis une putain de dégénérée. Ces cauchemars vont me rendre dingue ! Tout à coup, mon téléphone vibre, annonçant l'arrivée d'un message.
{— D'accord.}
D'accord ? D'accord !
Évidemment, à quoi je m'attendais ? À ce qu'il accourt pour me réconforter alors que je lui envoie un message qui dit clairement que je veux rester seule ? Idiote !
Je balance mon portable sur le canapé et vais noyer ma déprime sous l'eau chaude de la douche.
Le jet allumé en continu au dessus de mon crâne, je ferme les yeux et me délecte de cette eau brûlante. J'ai l'impression qu'elle me nettoie de fond en comble, qu'elle enchaîne mes mauvais rêves et les jette loin d'ici. Cependant, ce n'est qu'une impression, alors je frotte ma peau si fort qu'elle devient rouge, je frotte et frotte encore et encore, espérant nettoyer me purifier de toutes ces ombres qui ne cessent de me rendre la vie dure.
J'en ai assez, merde...

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant