• Chapitre 34 •

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Naomi

Seigneur ! Je n'arrive pas à croire qu'elle vient tout juste d'arriver et qu'elle obtient un rendez-vous avec Adan alors que moi, je peine à lui adresser deux mots.
Je fais demi-tour, gonflée d'une tranchante déception et sors mon téléphone portable afin de réserver un taxi en ligne, je n'ai pas la tête à rentrer à pieds, surtout si c'est pour me torturer l'esprit avec cette peste de Joyce Sliger. 
Je marche vers les ascenseurs sur la pointe des pieds, évitant le contact de mes talons sur le carrelage blanc lorsque soudain, mon téléphone émet un bruyant bip. Ce bruit pourtant si anodin en journée, fait écho contre les grands murs du hall silencieux merde, merde, merde !
Je me précipite dans l'ascenseur, appuie brutalement sur l'un des boutons et me plaque contre la paroi droite. Des talons parviennent à mes oreilles, elle vient de sortir du bureau la garce !
— Il y a quelqu'un ? demande-t-elle d'une voix plus craintive qu'assurée.
Je retiens ma respiration et rentre le ventre comme pour me fondre dans le décor de l'ascenseur. Je suis un mur, un mur, rien qu'un mur.
Par je ne sais quel miracle, elle retourne dans le bureau d'Adan et je reprends mon souffle, une main plaquée sur la poitrine. Je jette ensuite un coup d'œil nerveux au panneau d'affichage électrique et comprends que le bouton ne s'est même pas enclenché. Saloperie !

Les yeux rivés sur l'écran de mon téléphone, j'essaye de trouver le contact qui a failli me mettre dans une très mauvaise posture. Le vent glacial se frappe contre mes joues brûlantes suite à la dose d'adrénaline que j'ai précédemment eue et l'odeur naturelle de la ville apaise les battement frénétiques de mon cœur. Je clique sur plusieurs pages avant de parvenir à ce fameux message surprise d'un inconnu.
{— Bonjour Naomi, c'est moi Charles. Je sais que ça fait très longtemps que l'on ne s'est pas parlé et qu'il est vraiment tard mais j'ai retrouvé par hasard ton numéro dans mes contacts. C'était pour te dire que je retourne vivre à New-York pour un moment et que j'aimerais beaucoup te revoir.}
Charles ? Il revient à New-York ? Et il veut me revoir ? Nous étions amis en primaire et un plus tard en fac mais il a quitté la ville suite à un problème de famille, je ne sais pas si j'ai vraiment envie de le revoir. 
{— Salut Charles. Effectivement ça fait très longtemps que l'on ne s'est pas parlé, est-ce que ta maman va mieux ? Merci d'avoir pensé à moi.}
{— Ma mère se rétablit peu à peu et toi alors ? Est-ce que tout se passe bien ?}
Est-ce que tout se passe bien ? Je ne sais pas...
{— Oui, tout se passe pour le mieux.}
{— Est-ce que tu serais d'accord pour prendre un café un de ces jours ?}
Un café ? Est-ce que je suis prête à le revoir ? Après toutes ces années ? 
{— Oui, bien sûr.}
{— Génial, je t'enverrai un message ! :-)}
Je range mon téléphone et me étreins mes épaules pour me réchauffer. Je suppose que le revoir n'est pas une si mauvaise idée, non ? Nous étions de bons amis à l'époque et puis il a été très présent pour moi lors de mes années passées. Je frictionne ma veste avec mes paumes, priant pour me réchauffer et pousse un soupire entre mes dents. Qu'est-ce qu'il fout ce taxi de malheur ? 
Une goutte tombe sur ma joue, glisse le long de ma gorge et s'efface dans le tissu de mon t-shirt. Oh non !
Je relève la tête et plusieurs gouttes d'eau se frappent contre mon visage. C'est pas vrai...
Je fouille dans mon sac à la recherche d'une protection néanmoins, il n'y a rien d'assez gros pour protéger mon crâne. Décidément, le sort a décidé de s'acharner sur moi...
Une limousine noire se gare au bord de la rue, deux hommes y sortent et partent ouvrir la porte à...Joyce Sliger. Ils déploient un grand parapluie au dessus d'elle et l'escorte jusqu'au véhicule qui, l'accueille dans un confort absolu. Je regarde la scène, avec une moue triste et trempée jusqu'à l'os. Pétasse...grogne ma conscience.
La pluie se déchaîne contre mon corps, l'eau ruisselle de mes cheveux jusqu'à mes orteils manucurés. J'essaye de sauver les dégâts en plaçant mes paumes au dessus de ma tête mais rien n'y fait, l'eau s'y infiltre malgré tout.
Après plusieurs secondes de douche intensive, les gouttes qui heurtaient mon cuir chevelu s'arrêtent. Qu'est-ce que...
— Vous êtes encore là ?
Je bascule la tête vers la personne à mes côtés et ouvre la bouche de surprise. Adan vient de placer au dessus de moi, une pochette en plastique, malgré qu'il soit lui-même trempé. L'eau dégouline de ses cheveux, glissant dans le col de sa chemise entrouverte, bon Dieu ce qu'il est sexy...
— Oui, vous aussi ?  Je bégaye et prie pour que la pluie efface le rougissement de mes joues.
— Prenez-là. M'ordonne-t-il.
Il ne répond pas à ma question et place une seconde pochette, cette fois, au dessus de lui. J'agrippe la chemise en plastique du bout des doigts et la place au dessus de ma tête.
Je grelotte de froid, pitié...Faites que le taxi arrive bientôt.
— C'était vous ?
De ? Où ça ? S'affole ma conscience.
— Pardon ?
Je feins l'innocence.
— Dans l'ascenseur. Conclut-il. Misère !
— De quoi vous parlez ?
Je mens comme mes pieds et il se tourne vers moi, plonge son regard ensorcelant dans le mien et ajoute avec autorité :
— Ne mentez pas.
— Mais je ne mens pas. Assuré-je avec une moue candide.
— Ce café avec mademoiselle Sliger est purement professionnel.
— Je me fiche de vos rendez-vous.
J'ai parlé trop vite...
— Pourtant vous êtes mon assistante, réplique-t-il, et puis ce n'est pas un rendez-vous.
Ses lèvres se retroussent en un sourire carnassier. Ne les regarde pas, ne les regarde pas, ne  les  regarde  pas.
— Pourquoi vous souriez comme ça ?
Je demande, brièvement vexée.
— Pour rien du tout.
Il pince les lèvres pour camoufler son sourire mais c'est un pur et franc échec.
— Vous êtes sérieusement énervant. 
— Je sais. 
Je ne peux m'empêcher de sourire. 
— Chesters vous a oublié ? me moqué-je, dans un élan de bravoure.
— Non.
— Alors, c'est donc ça...dis-je, faisant mine de réfléchir, vous prenez des douches naturelles, quoique l'économie d'eau est assez utile.
J'hoche la tête pour confirmer mes paroles et il se met à rire. Je pourrais écouter ce son toute une journée s'il le faut.
— J'attends un taxi. reprend-t-il.
— Oh, vous aussi. Le mien met un temps fou...Soufflé-je.
— Vous avez appelé celui de BurnTax ?
— Oui.
Je confirme en clignant des yeux pour oublier le frisson qui me picote le dos.
— Vous auriez dû appeler Taxi'sYou, ils sont plus proches et bien plus rapides.
— Taxi'sYou ?
Je glousse en entendant ce mauvais jeu de mot. Mon corps tremble comme une feuille, il fait nuit noire et la pluie ne se calme pas. Bon sang ! S'est-il perdu en cours de route ?
Comme si le ciel entendait mes ronchonnements, la petite voiture jaune canari se gare devant nous. Je soupire bruyamment et ouvre vivement la portière. Le chauffeur me dévisage de la tête aux pieds et grogne.
— Allez-y, montez.
Je m'installe sur le siège et tends la pochette à Adan.
— Vous ne voulez pas monter ? dis-je inquiète et il secoue la tête de droite à gauche. D'accord, merci pour la pochette, j'espère que votre taxi ne va pas trop traîner...
— Pour tout vous dire, je vous ai menti.
Je penche la tête, d'incompréhension tout en attendant la suite.
— Ce n'est pas mon taxi que j'attendais, mais le vôtre. (Il sourit avec une bouille de petit garçon) Au revoir Anderson.
Ses lèvres se tordent en un grand sourire et je reste hébétée pendant de longues minutes avant de finalement, afficher un sourire niais. Il attendait mon taxi...Cette pensée fait virevolter des centaines de papillons dans mon estomac. J'ai beau être trempée jusqu'aux os, je ne regrette pas d'être restée sous cette pluie torrentielle en sa compagnie...

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant