• Chapitre 17 •

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Naomi

— Je suis sûre qu'un jour, vous retrouverez cette charmante passion. Qui sait...Ah, je sais ce qui pourrait vous porter chance.
Elle se redresse et me tourne le dos afin de fouiller dans l'un des tiroirs d'une vieille commode. Que va-t-elle sortir ? Même un bouquet de trèfles à quatre feuilles serait impuissant face à ma malchance.
— Connaissez-vous le Maneki Neko ?
— Je ne crois pas.
— C'est le porte-bonheur le plus répandu ici, il est souvent placé à l'entrée d'un hall ou à la porte d'un magasin pour souhaiter la bienvenue mais, il n'est pas rare que les gens l'accrochent à leurs portes-clefs.
Se retournant vers moi avec un sourire, elle me tend deux baguettes avec au sommet, un chat levant la patte. Mon côté enfantin ressurgit immédiatement et observe ce cadeau avec des yeux remplis d'étoiles.
— Madame Mori...Je ne peux pas accepter, c'est...
— Vous plaisantez j'espère, elles vous iront très bien !
Son regard courroucé me fait sourire niaisement, cette femme est remplie de gentillesse. Je me demande comment a-t-elle fait pour supporter ce Adan Brown ? J'image bien un petit garçon boudeur se faisant remonter les bretelles par Mme.Mori. Comment était-il enfant ?
— Je vous remercie, vous êtes bien trop gentille avec moi.
— Ne dites pas n'importe quoi Naomi.
Elle balaye mes paroles d'un coup de la main avant de se mettre dans mon dos pour fourrer dans mon chignon, les deux jolies baguettes. Après avoir vaguement entendu les pas raides de mon patron, je me redresse comme un piquet de bois.
— Chesters nous attend en bas.
— J'arrive tout de suite...monsieur.
Il me jette un rapide coup d'œil et embrasse les deux joues rosées de Mme.Mori. Son costume lui va vraiment bien, cela ne change pas vraiment de d'habitude à vrai dire. Seule chose de différente, une broche d'un bleu azur domine élégamment le revers de sa veste anthracite.
L'un à côté de l'autre dans l'ascenseur, il lâche inopinément.
— Jolies vos baguettes.
Je retiens un sourire puis réponds à mon tour.
— Jolie votre broche.
Je suis sûre d'avoir aperçu un chaste sourire.

Effectivement, Chesters nous attend de pied ferme devant la porte automatique de l'immeuble.
— Les soins de madame Mori vous vont à ravir, mademoiselle.
— Merci, Chesters.
Je lui fais un sourire gêné et m'engouffre à l'arrière de la jolie Acura noire. J'ai rarement eu l'occasion de monter à bord d'une voiture pareille, c'est assez intimidant à vrai dire. Adan semble être habitué à tant de luxe, la vue captive son regard. Je joue avec mes doigts tout en rouspétant mes prunelles qui veulent à tout prix étudier les courbes de son visage. Plus je l'observe, plus je me demande pourquoi il gâche un si beau visage derrière de tels traits glacials.

Marchant dans le gigantesque jardin Japonais, je me surprends à avoir un vertige lorsque mes yeux se mettent à détailler les courbes architecturales de ces grands patrimoines, les poutres en bois rouge sont vraiment sublimes à vue d'œil, si sublimes que j'en oublie la profonde conversation qui anime les deux hommes à ma gauche. Ils parlaient du type de bois, je crois, en rapport avec les cloisons construites il y a des années en arrière. Je devrais être plus attentive si je ne veux pas me faire éplucher par le regard tranchant d'Adan.
Le décalage horaire me retourne les neurones et l'estomac, il est clair que ce fichu temps ne veut pas être de mon côté. L'horloge indique 17:03 lorsque nous retrouvons la chaleur de l'appartement.
— Êtes-vous prête à rencontrer monsieur Changmao, mademoiselle ?
La question innocente de Chesters me fait faire un bond en arrière, rencontrer monsieur Changmao ? Que veut-il dire par là ?
— C...comment ? Je bafouille.
— Ce soir ? Monsieur Brown ne vous a pas prévenue ?
— J'allais le faire. Intervient la voix calme et rauque d'Adan ou plutôt devrais-je dire celui qui m'informe toujours à la dernière minute alors que je suis censée être son assistante.
— La soirée de ce soir, vous y êtes également invitée.
— Mais enfin, ce n'est pas possible. L'invitation vous était consacrée et à aucun moment mon nom n'a été prononcé.
— Vous doutez toujours de ce que je dis ou bien vous êtes stupide ? C'est plutôt lui qui est stupide !
— Super ! Et quand comptiez-vous m'en informer ? À quoi cela sert que je sois votre assistante si je ne suis informée de rien ?
Je hausse dangereusement le ton.
— Je comptais vous le dire maintenant et puis si vous n'êtes informée de rien c'est peut-être parce que votre incompétence dépasse votre dynamisme ?
Non mais je rêve ! Nomi, prends sur toi. Contenant ma colère, je serre les poings et plonge mon regard amer dans le sien.
— Je ne vous accompagnerez pas.
— Pardon ?
— Étant donné votre manque de communication perpétuel, je n'ai accessoirement pas pris de tenue assez sophistiquée pour votre soirée inattendue alors veuillez m'excuser mais, je ne vous accompagnerai pas.
Fière de ma répartie, je croise les bras et lui adresse mon regard le plus mauvais. Tu dis quoi de ça Brown ?
— Chesters, je vous prie d'aller procurer une tenue suffisamment sophistiquée à mademoiselle Anderson.
La sécheresse de ses paroles s'accordent au regard furieux qu'il me lance sans le moindre répit. Les bras m'en tombent.
— Dites que je n'en suis pas capable pendant que vous y êtes. Marmonné-je au bord de l'implosion.
— Vous n'en êtes effectivement pas capable.
Le regard plein de haine qu'il m'envoie me tend comme un arc, je n'ai jamais subi un regard aussi négatif à mon encontre.
— Adan ! Proteste Mme.Mori de vive voix.
— Vous savez quoi ? Laissez tomber.
Je prends mes jambes à mon cou et fuis dans ma chambre, c'est un rude combat avec moi-même à cet instant. Je lutte pour ne pas retourner dans le salon, rugir comme une tigresse tous les jurons qui me tordent les lèvres. Ce mec est horrible !
À travers la porte, j'entends vaguement les réprimandes de Mme.Mori, ça me fait plaisir d'avoir une alliée ici. Après de longues minutes de contrôle sur moi-même, on toque à la porte.
— Oui ?
La poignée en acier se courbe puis laisse apercevoir le visage bienveillant de Mme.Mori.
— Est-ce que je peux ?
— Bien sûr.
C'est bien la seule qui puisse franchir cette porte sans recevoir un projectile sur le front.
— Dites ? Il...il est tout le temps comme ça ?
Je l'interroge, confuse.
— La plupart du temps oui, parfois non.
Ça en dit long.
— Je ne le comprends décidément pas.
J'affiche une moue boudeuse et croise les bras contre ma poitrine.
— Adan est difficile à cerner, il m'en a fallu du temps pour comprendre cela.
— S'il me haït à ce point pourquoi ne m'a-t-il pas mise à la porte ? De nombreuses fois j'ai dépassé les limites entre supérieur et assistante.
Des images de la nuit où je me suis retrouvée dans ses bras me reviennent en tête, son comportement peut être glacial voire sans cœur tandis qu'il peut être empathique et bienveillant. Il souffle le chaud et le froid, c'est terrible.
— J'en connais peu qui lui réponde comme vous l'avez fait. Cela doit piquer sa curiosité, il vous accorde une certaine importance. Après tout ce n'est pas pour rien qu'il agit différemment avec vous.
— Whaou...Quelle chance. Dis-je ironiquement.
Une heure plus tard, me voilà prête, coiffée et habillée cela va de soi. La robe verte émeraude que
Chesters a dénichée est exquise, je n'aurais jamais cru porter une robe d'une telle élégance. Je me chausse puis sors de la chambre d'un pas anormalement timide.
— Vous êtes magnifique Naomi !
L'exclamation enjouée de Mme.Mori me fait sourire pour la première fois depuis des heures.
— Madame Mori a tout à fait raison mademoiselle Anderson, vous êtes renversante.
Je leur alloue d'un grand sourire suivi d'un hochement de tête et croise brièvement le regard d'Adan qui se relève du sofa. Naturellement, je n'attends pas d'éloges de sa part mais un faible pincement vient curieusement agacer mon cœur lorsque, du bout des doigts. Il bouscule la poussière invisible de sa veste et contourne le salon pour entrer dans l'ascenseur sans m'adresser le moindre mot. Quelque peu vexée, je l'imite et me place aux côtés de Chesters qui me permet d'éviter de croiser son regard.

Depuis plusieurs minutes, nous croisons des femmes et des hommes habillés dans de beaux kimonos aux motifs tous plus originaux les uns que les autres. Contrairement à cela, une angoisse me serre l'estomac. Cela fait aussi plusieurs minutes que je remarque que toutes les femmes ici présentes portent des ballerines ou bien des chaussures plates. Est-ce seulement mon imagination ou Adan a encore omis de me transmettre une information ? Le sol est peut-être en mousse ?
Au loin, les voix enjouées des convives se font plus fortes. Je ne possède aucune notion de Japonais alors comment suis-je censée comprendre ce qu'ils racontent ? Adan ne semble pas faire attention à mon regard rempli de détresse puisqu'il dévisage intensément le vieux monsieur qui s'adresse à nous.
— Vous comprenez ?
Je demande, perdue.
— En partie, oui.
— Que...que dit-il ?
J'ose à peine articuler, de peur qu'il me rembarre avec une de ses fameuses piques cinglantes.
— Il parle d'une salle cachée remplie d'œuvres, sans doutes des toiles.
— Une salle cachée ?
— Oui.
Deux lourdes portes s'ouvrent dans le dos de l'homme, à cause des personnes qui s'y précipitent, il est compliqué d'apercevoir quelque chose. Accédant enfin aux escaliers en bois vernis, je lâche avec horreur une exclamation qui finit de peu en juron. Bordel...

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Haut Niveau - Tome 1 -Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang