• Chapitre 21 •

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Naomi

Ce soir je pars, je quitte ce merveilleux pays qu'est le Japon. Il m'a offert tant de choses, une nouvelle vision du monde, de nouvelles connaissances et tout un tas de choses succulentes. Je vais retrouver ma petite vie simple et tranquille dans les rues actives de Manhattan, mais également Gribouille, Jeffrey et Jenna. Madame Mori et sa joie de vivre vont certainement beaucoup me manquer, elle s'est comportée comme une mère et, bon sang ! Ce que c'était agréable.
Ma valise est pleine à ras bord, si j'ajoute ne serait-ce qu'un tupperware de plus. Elle explose, propulsant dans les airs les pots et les sachets plastifiés de Mme. Mori. J'appuie de toutes mes forces dessus mais, impossible de faire avancer la fermeture éclair, j'en viens à pester toute seule, sur le carrelage marbré de la chambre.
Deux coups légers se font entendre contre la porte. Pitié, faites que ce ne soit pas un second ravitaillement d'herbes Japonaises...
Je n'ai à peine le temps d'ouvrir la bouche que la porte s'entrouvre sur...Adan.
La situation ne pouvait pas être plus embarrassante, je suis avachie sur le sol en train de me débattre avec ma valise qui s'est visiblement beaucoup trop engrossée.
— Aiko et ses recettes vous posent problème ?
— Non, non, tout va bien, je m'en sors. Enfin...légèrement.
Je tire sur la fermeture, un sourire crispé sur les lèvres et grimace lorsque mon petit doigt s'égratigne contre la ferraille emmêlée.
— Oui, soufflé-je, ça me pose problème...
— Laissez-moi jeter un œil.
Je me décale sur le côté, le laissant se placer face à la valise maintenant éventrée et scrute son regard méticuleux. Il plisse les yeux et avec un placement bien plus adéquat, ma valise parvient à se refermer. Je remercie mon for intérieur d'avoir rangé mes sous-vêtements dans un sac bien à l'écart. Je ne sais pas comment j'aurais réagi s'il était tombé sur mes petites culottes en dentelle...
— Tout est bon, je crois.
— Merci.
Je me redresse et agrippe la lanière mais, au vu de la masse musculaire que possèdent mes bras et le poids de cette valise bien trop pleine. Je me mets dangereusement à chanceler. Adan, aux réactions pré-réfléchies me retient, sa grande main, plaquée sur mon ventre.
— Faites attention.
La voix rauque et profonde d'Adan m'administre un violent coup de chaud, sans même me détacher de lui. J'oriente la tête vers la gauche et me perds dans ses beaux yeux d'argent. Il est près, très près, bien trop près...Mon regard dévale son visage, se perdant sur ses lèvres légèrement entrouvertes, laissant passer un court filet d'air.
— Merci...Je murmure. Il hoche la tête et me relâche sans un mot. D'une main habile, il capture ma valise et sort de la chambre. Je le suis, me flanquant quelques claques sur les joues.
— Vous venez manger ? Aiko est partie acheter quelques bricoles mais, elle vous a laissé quelque chose sur la table.
— Oui, d'accord merci.
Je m'installe sur l'une des chaises en évitant soigneusement le regard d'Adan, ce type me met dans de sales états, tout ça n'est pas bon pour moi et mon faible petit cœur. J'ai beau me concentrer sur mon repas, les émotions que j'ai ressenties il y a quelques minutes ne me quittent pas, à tel point que me souvenir de comment manier mes baguettes me semble être un extrême effort.
Le morceau de viande que j'essaye de fourrer dans ma bouche semble vouloir m'échapper à chaque pincée de baguette. Sans que je ne m'y attende, un gloussement moqueur résonne à mes oreilles. Adan est adossé contre un pilier et m'observe, hilare.
— Arrêtez de vous moquer.
Je fronce les sourcils, agacée d'avoir été grillée comme une dinde à Noël.
— Excusez-moi, mais vous êtes particulièrement amusante.
— Au lieu de vous payer ma tête, vous devriez plutôt m'aider.
— Très bien, lance-t-il en s'avançant droit vers moi, vous les tenez mal.
Il me prend les baguettes, frôlant de ses doigts les miens.
— Votre index et votre majeur doivent rester collés entre eux sur la première tandis, que votre annulaire doit être sur la deuxième baguette.
Il me montre l'emplacement des doigts sur les baguettes et se penche pour m'en faire la démonstration. Adan pince entre les deux baguettes, un raviolis qui nageait tranquillement dans la sauce et l'engloutit à la seconde. Vient-il de...Le rouge me monte aux joues. Je le défigure, bouche bée et me donne une gifle mentale afin de cacher mon embarras.
— Ne mangez pas mon repas !
Je hausse le ton avec exagération et camoufle les vifs battements qui tintent dans ma cage thoracique.
— Je viens de vous aider alors, j'ai droit à une récompense.
— Je ne vous ai pas demandé de m'aider. Quelle mauvaise foie ! raille, ma conscience.
— Vous en êtes sûre ?
Il plisse les yeux d'un air mutin. J'échappe un grognement et lui arrache les baguettes des mains. Son visage se raidit en me voyant sourire comme une adolescente.
— Rendez-les moi.
— C'est un ordre ? me moqué-je, ce sont les miennes de toute façon.
L'espièglerie de son regard ne me dit rien qui vaille alors, je me lève et emporte mon plat loin de lui.
Il se redresse avec un sourire en coin et je n'ai qu'une envie, m'enfuir de cet appartement avant que mon cœur ne me lâche en cours de route. Finalement, je contourne la grande table et me mets à son opposé, essayant de prendre une bouchée de raviolis sans le lâcher du regard.
D'un coup raide, je surprends son geste et contourne une nouvelle fois la table lorsqu'il essaye de s'avancer vers moi.
— Vous êtes un voleur.
— Je vous rappelle que c'est vous qui me les avez arrachées des mains.
Son sérieux est terrifiant. Alors Monsieur aurait un côté gamin ?
— Elles étaient miennes, tout comme ces raviolis. Je le nargue, n'aillant pas peur des représailles.
Il lâche un rire mauvais et tend le bras pour m'attraper la main.
— Vous êtes un vrai gamin ! m'offusqué-je en enfournant un ravioli.
— Et vous donc.
Dans un mouvement que je n'ai pas anticipé, il bondit vers moi. Prise de panique, je me précipite de l'autre côté, riant aux éclats.
— Revenez ici.
J'ignore sa directive autoritaire et cours autour de la table en poussant volontairement des gloussements narquois.
— Qu'est-ce qu'il ce passe ici ? nous surprend une voix amusée, madame Mori se tient là, les mains sur les hanches, un grand sourire sur les lèvres.
Je m'immobilise, embarrassée tandis qu'Adan ricane et s'installe sur l'une des chaises. Son regard goguenard me retourne l'estomac. Sale type.

Je n'ai aucune idée de l'heure à laquelle nous sommes partis, ni celle à laquelle nous sommes arrivés. La fatigue que je ressens n'a jamais été aussi déchaînée, j'entends mon lit m'appeler de là-bas.
C'est la tête, vautrée contre la portière que je somnole. À travers mes paupières closes, je distingue les différents tons de lumière qui se mélangent, s'effacent et se prolifèrent. Un délicat frottement se manifeste contre mon épaule, je pousse les paupières et comprends que nous sommes devant mon appartement.
— Vous êtes arrivée.
— D'accord...articulé-je, la voix rauque, merci de m'avoir raccompagnée.
Je pousse la poignée et m'extirpe du véhicule puis le contourne afin de récupérer ma valise mais, Adan m'a apparemment devancée.
Il sort mes affaires du coffre, les emporte avec lui et me fait signe d'avancer.
— Passez devant, je vous accompagne jusqu'aux escaliers.
— Vous n'êtes pas obligé.
— J'y tiens.
J'abandonne et monte les marches en clignant gravement des paupières pour ne pas tomber sur place.
Une fois devant la haute et grande porte principale, je sors mon trousseau de clefs mais, un vertige me saisit violemment, pour la deuxième fois de la journée, je perds l'équilibre.
— Naomi ! s'étonne Adan.
Ses puissants bras me rattrapent juste à temps, empêchant mon corps de basculer par dessus les escaliers en béton, l'inquiétude trône sur son beau visage. Mes yeux se mettent à papillonner afin de retrouver une vision correcte. Je ne veux pas qu'il s'inquiète pour moi.
— Q...qu'est-ce qu'il vous arrive ?
— Ce n'est rien...juste un léger vertige.
J'attrape la rembarre d'une main maladroite et étire mes lèvres en un sourire qui se veut rassurant mais, je doute de ses capacités puisque Adan ne défronce pas les sourcils. Arrêtez de vous inquiéter pour moi, ça n'en vaut pas la peine...
— Je vous ai dit que ce n'était rien, ne vous en faites pas pour moi.
— Si je n'avais pas été là, vous seriez étalée sur le trottoir alors, ne me dites pas ce n'était rien. Le grand retour du ton froid et du regard de glace.
— Sauf que c'est passé maintenant, s'il vous plaît rentrez chez-vous. Il se fait tard, vous devez être fatigué.
— Mais je ne...
— S'il vous plaît. J'insiste, ferme comme la roche.
— Très bien, acquiesce-t-il.
Je souris mollement et récupère ma valise, il ne me retient pas mais, me dévisage d'un air suspicieux. Il étudie mon comportement ? J'affiche une moue amusée puis lui lance un faible signe de main qu'il me rend, se forçant à sourire. La culpabilité prend place en moi...Merde...
Je jette ma valise sur le canapé et m'effondre en étoile sur l'épaisse couverture que m'a offert Jeff pour mon anniversaire...quelle journée...

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant