• Chapitre 13 •

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Naomi

Voilà une bonne quinzaine de minutes que je patiente nerveusement dans mon bureau, m'imbibant l'esprit de toutes sortes de questions. Il va me virer ? Me chasser du bureau, un balais à la main ?
La secrétaire de l'accueil m'a informée qu'il devrait bientôt sortir de son rendez-vous afin de me mettre au courant d'une chose importante. Cette chose importante ne serait pas mon licenciement par hasard ? Lorsqu'il passera le seuil de cette porte, je sais que le malaise trouvera refuge dans les abîmes de mes poumons, m'empêchant de respirer calmement. Le remercier, le remercier avant qu'il ne dise quoique ce soit, c'est mon seul but.
Un coup contre la porte me fait sursauter. Il est là ! Je cale une mèche rebelle derrière mon oreille et lance d'une voix qui se veut ferme.
— Oui ?
Elle est partie dans les aiguës. Misère !
La porte s'ouvre au ralenti. Adan entre et s'y adosse, me dévisageant sans montrer la moindre émotion. Comment peut-il être aussi indéchiffrable ?
Le remercier...
— Je...
— Vous...
Nous nous coupons mutuellement la parole. Je déglutis et échappe dans un souffle.
— Allez-y.
Durant une seconde, le silence complet puis, il se racle la gorge et reprend :
— Demain, à 7 heures, nous partons à Tokyo. Un chauffeur passera vous prendre. Prenez tout le nécessaire mais veillez à tenir au moins une semaine.
Quoi ? Tokyo...7 heures...chauffeur ? Pas de « Je ne veux plus vous voir dans ce bureau ! » ?
— Tokyo...au Japon ? Je bafouille. Non en Amérique latine, patate !
Qu'allons nous faire au Japon ? Un rendez-vous professionnel aussi loin, non. Face à mon silence, il poursuit :
— Mon assistante doit être présente à chacun de mes déplacements, c'était écrit dans...
— Oui, bien sûr...Je fais le plein d'oxygène et ajoute, merci...
Je capte ses yeux, brouillés par la confusion.
Une barre creuse ses deux sourcils.
— Merci pour...vendredi soir.
Ça y est ! C'est dit. Pour la première fois, il détourne le regard le premier.
— Je...Il n'y a pas de quoi.
Son regard retourne se loger dans le mien, il est doux, réconfortant et sincère. Mon cœur fait deux, trois arabesques et s'effondre sur un divan en velours bleu. Comment échapper à son regard, si clair par cette couleur de glace mais si chaud par toute l'émotion qu'il dégage. Comme secoué par ses propres actions, il quitte mon bureau en un hochement formel de la tête.
Je scrute la porte et souris niaisement. J'aime cette nouvelle facette de lui. Le patron autoritaire, maniaque sur les bords a déserté le champ de bataille et a laissé sa place à l'homme doux et chevaleresque...

— Allez viens-là satanée valise !
Je hurle, à quatre pattes dans mon armoire, tirant de toutes mes forces, la lanière de ma grosse valise de voyage.
Elle finit par céder après dix minutes de combat intensif, je l'extirpe et me redresse sur les genoux. Mais, par pure maladresse, je me prends le haut du meuble. Aïe.
Après avoir rédigé une rapide liste, j'enfourne mes affaires à l'intérieur et pousse la fermeture. Il me semble avoir prévu assez d'affaires pour une semaine, enfin je l'espère. C'est la première fois que je pars aussi loin de chez moi, j'appréhende un peu...
Emmitouflée dans les couvertures, je vérifie que tout est bon. Ma valise est prête, Jeff a les clefs de mon appartement et sait quoi donner à Gribouille pendant mon absence. Le pauvre, rester une semaine sans pouvoir se réchauffer contre moi...

" — Approche-toi...
Une photo.
Naomi, allez ma puce viens me voir.
Une deuxième.
Qu'est-ce que j'ai dit !
Une claque.
Aie...
... "

Sur le trottoir, la valise en main. Je repère une grosse voiture noire qui arrive dans ma direction. Méfiante, je recule de quelques mètres, laissant le véhicule se garer au bord de la route. Un homme en costume cravate sombre sort par la portière avant et se rue vers moi. Oh la, moins vite l'agent secret !
— Anderson Naomi ?
— Oui ?
— Monsieur Brown est à l'intérieur, veuillez monter.
J'opine de la tête, rassurée et essaye de faire un pas mais l'homme reste devant moi, ses fortes épaules me barrant la voie.
— Votre valise.
Je lâche la poignée et la regarde se faire engloutir dans le coffre. L'agent secret revient vers moi et m'ouvre la porte arrière. Adan est là, assis à l'opposé.
— Bonjour.
Mon ton enjoué l'oblige à tourner la tête pour me saluer.
— Bonjour. Un léger sourire se forme aux coins de ses lèvres. Vous êtes prête ?
— Je crois, oui.
— Vous croyez...sourit-il.
J'aime son sourire, il est rafraîchissant. Malgré le fait qu'il se soit tourné vers le paysage, mes yeux restent focalisés sur son profil.
— J'ai quelque chose sur le visage ? Demande-t-il brusquement, pivotant vers moi. Je détourne le regard, honteuse d'avoir été prise la main dans le sac.
— Non.
— Alors pourquoi vous me regardez ?
Parce que vous êtes foutrement beau et intriguant.
— Vous n'avez pas l'air très...enthousiaste...
— Pourquoi devrais-je l'être  ?
Il me pose sérieusement la question ?
— Je n'en sais rien, peut-être parce que c'est le bon moment pour se construire des souvenirs ? Se construire des souvenirs...Sérieusement ? Oh mon dieu, c'est absurde...
— Je vois.
Je vois ? Je vois ? Cette réponse brusque met fin à la conversation, je triture mes doigts à la recherche d'un sujet pour éviter à tout prix, ce silence dérangeant et demande :
— Vous partez souvent en dehors du pays ?
C'est un homme plein aux as, ça m'étonnerait qu'il soit resté campé en Amérique.
— Oui, trop souvent même.
— Vous n'aimez pas voyager ? Trop souvent ?
— Non.
Je m'apprête à lui demander pourquoi mais, il me coupe l'herbe sous le pied en balançant de son fameux ton glacial :
— Dites-moi que vous n'allez pas me la jouer détective durant tout le trajet ?
Monsieur veut être désagréable ? Très bien alors moi aussi.
— Vous êtes toujours comme ça, détestable et apathique ?
Surpris par le ton dur que j'emploie, il pivote de mon côté et me fusille du regard, les iris gorgées de mépris.
— Et vous ? Êtes-vous toujours aussi empotée et agaçante ?
Nos deux regards noirs se fondent l'un dans l'autre, je me tourne vers la vitre, sans un mot et croise les bras contre ma poitrine. Il ne mérite aucune réponse de ma part. Qu'il aille se faire voir, je m'en moque.
Lorsque nous arrivons à l'aéroport, je suis surprise de constater que nous ne nous dirigions pas vers le hall mais à l'extérieur. Qu'allons nous faire à l'extérieur ? Les questions restent en suspend jusqu'à ce que j'aperçoive un avion trop petit pour être un simple avion de voyage mais, trop grand pour offrir aux gens un banal petit loisir...J'hallucine ne me dites pas que c'est un jet ?

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant