Chapitre 38

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Comme prévu, nous partîmes à l'aube. N'ayant pas de cheval, nous voyagions à pied. Cela déplaisait à Grimelin qui craignait plus que tout que la Lechwyna ne nous retrouve. Je ne l'avais jamais vu aussi inquiet, malgré tout ce que nous avions traversé jusque là. Même dans la cour de Wenlach, alors qu'on menaçait de l'exécuter, je ne l'avais pas senti aussi nerveux.

Il semblait exténué malgré la nuit de repos et le breuvage de la sorchevalière.

Au cours de la matinée, il devint manifeste qu'il ne pourrait marcher très longtemps.

Je m'inquiétais pour lui, et me débrouillai pour en parler discrètement avec Nokt.

« Que lui arrive-t-il ?

− Je l'ignore. Je ne l'ai jamais vu si affaibli. Il n'a aucune blessure visible. Il ne m'a pas donné plus de détails sur les combats, mais je pense qu'il l'a affrontée et Wen sait ce qu'elle a pu lui faire. Son pouvoir est si noir qu'il dépasse notre imagination.

Un frisson me parcourut. Le souvenir fugace de mon intime entrevue avec la prêtresse des mages noirs me traversa. Je savais parfaitement l'étendue de ses pouvoirs, et en effet, ils dépassaient l'entendement.

− Qu'allons nous faire ? Nous n'allons pas pouvoir continuer comme ça !

− Je réfléchis à une solution, me rétorqua-t-elle âprement, si tu as une idée... »

Nous nous arrêtâmes un moment pour laisser se reposer le magicien. Il était blanc comme un linge et sa respiration était difficile. Nokt le supplia de la laisser l'examiner.

« Tu ne pourras rien, mon amie. La noirceur est en moi et comme on pouvait s'y attendre, ma magie n'est pas assez puissante pour combattre le mal qui me ronge. Elle l'a ancré en moi. Elle a des ressources dont nous n'avons aucune idée.

A mon tour, je le suppliai de me laisser le soigner.

− Tu n'as donc rien entendu, Petit ? Ce n'est pas un mal d'origine naturelle, ce n'est pas une blessure physique, tu ne pourras rien faire. Il t'a fallu presque une lune pour pouvoir de nouveau te lever après avoir soigné Corwen, et tu veux t'attaquer à un mal dont tu ignores tout ?

Je rétorquai timidement.

− Peut-être en sais-je plus sur elle que vous ne le croyez. Moi aussi, je l'ai affrontée.

Il me regarda intensément. Je le voyais réfléchir.

− Oui, tu l'as affrontée, Petit, et c'est vrai, tu la connais peut-être mieux que moi, mais il n'empêche que tu ignores ce qu'elle m'a fait, et je ne suis pas sûr que ce que tu sais d'elle te permettra de m'aider. Je refuse de prendre ce risque. Si je dois y rester, ce n'est pas grave. Nokt finira ton instruction. Moi, j'ai vécu ma vie, et elle a déjà duré très longtemps, même pour un sorcier.

− Vous ne pouvez pas parler comme ça, vous avez promis à mon père, quel qu'il soit, de prendre soin de moi.

Malgré la douleur qui le taraudait, il eut la force de sourire, et dit dans un souffle :

− Parfois, Petit, il y a des promesses que la vie nous empêche de tenir. »

Il ferma les yeux. Craignant le pire, je me précipitai, des larmes plein les yeux. Il respirait encore quoique très faiblement. Il n'était qu'évanoui !

Je poussai un soupir de soulagement.

Nokt, de son côté s'affairait. Parmi ses occupations pour tromper son angoisse durant nos trois jours d'attente, figurait la fabrication d'un petit sac avec la peau du premier lapin que j'avais tannée. Elle y avait mis diverses plantes dormant sous la neige, fruit de ses récoltes lors de ses sorties dans le bois. Elle avait emmené également un petit bol fabriqué dans une branche morte de l'arbre à sorcier. Elle m'avait expliqué que le bois d'arbre à sorcier était sacré et que l'on ne pouvait en couper. Cependant, si le bois était déjà mort ou tombé de l'arbre, ses propriétés magiques étaient multiples et précieuses, et une préparation, onguent, décoction ou autre, faite dans un tel récipient voyait son efficacité décuplée.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now