Terre de Sorciers- Tome 1

Chapitre 10

Mon sort changea une semaine plus tard, en plein après-midi alors que nous finissions de nettoyer les cuisines en vue de la préparation du dîner. Crepwen pétrissait une pâte à pain pour le lendemain et avait entrepris aussi la confection de brioches pour le petit déjeuner. Je finissais pour ma part de balayer le sol car personne n'était venu me remplacer en tant que simple garçon de cuisine, et si mon rôle ne se bornait plus exclusivement à m'occuper de la propreté, je devais malgré tout continuer à nettoyer régulièrement sans pour cela y passer mes journées ainsi que je le faisais auparavant. D'autres cuisineux et marmitons traînaient encore autour des tables. Tout le monde discutait et plaisantait dans une ambiance chaleureuse.

En voyant arriver ce vieux serviteur aux couleurs du Premier Magicien, mon cœur se serra. Je jetai un coup d'œil en direction de Crepwen. Celui-ci leva la tête et aperçut le vieil homme. Il ne le connaissait pas mais il reconnut le haut personnage qu'il devait servir à sa tenue vert foncé. Le chef cuisineux s'essuya précipitamment les mains pour les débarrasser de la farine qui les blanchissaient et s'inclina en guise de salut, à l'instar de tout le personnel encore présent. Cet homme était certes un serviteur mais pas n'importe lequel ! Un minimum de respect s'imposait.

« Que nous vaut l'honneur de votre visite ? interrogea Crepwen.

− Chef Cuisineux, répondit le serviteur, Mon maître, le Premier Conseiller aurait besoin d'un nouvel aide dans son travail. Il a appris que vous aviez un petit qui pourrait faire l'affaire. Il s'appelle Milwen, si ses renseignements sont exacts. »

Ce faisant, le vieil homme me jeta un regard. Il savait qui j'étais et il eut été inutile de mentir, bien que l'idée ne m'ait pas effleuré.

Crepwen lui aussi, me lança un regard, étonné, celui-ci. Il n'était pas dupe. Il se trouvait dans le château nombre de garçons de mon âge, dont sûrement certains étaient plus instruits, et par conséquent de plus grande utilité et bien plus efficaces que La Souris des cuisines.

En réponse à son regard, je haussai les épaules. Après tout, j'ignorais ce que me voulait vraiment le magicien.

Par habitude, j'allai ranger mon balai et suivis le vieil inconnu.

Il me fit traverser la basse cour et monter quelques escaliers. Arrivés dans la haute cour, nous nous dirigeâmes manifestement vers l'aile royale. Le serviteur n'était plus de première jeunesse, mais il avait de grandes jambes et possédait encore une vigueur que son allure ne laissait pas soupçonner. J'étais presque obligé de courir pour me maintenir à sa hauteur. Je tentai d'un savoir un peu plus sur mon sort, mais tout ce qu'il daigna me dire était que le Premier Conseiller m'expliquerait tout.

Il me fit pénétrer dans le bâtiment où se trouvaient les appartements royaux, et je devinai que ceux du Premier Magicien faisaient partie de cette aile du château. Pour la première fois je pénétrai officiellement dans cet espace réservé aux plus hauts personnages du royaume. Les ors et gravures ornaient chacun des murs des corridors que nous traversions. Ils représentaient tous la Main de Wen plus ou moins stylisée selon les pièces. Je ne pouvais me permettre d'observer autant que mon émerveillement l'aurait voulu car le vieux serviteurs, ne se préoccupait pas de savoir si je le suivais et continuait d'avancer.

Enfin, il s'arrêta devant une porte et après avoir frappé, y pénétra sans attendre. Alors que j'allais lui emboîter le pas, il me fit signe de patienter et referma la porte. Je n'attendis pas longtemps ; il rouvrit peu après, puis, d'un signe m'invita à entrer.

Je n'étais pas au bout de mes surprises, ainsi que mes yeux me le révélèrent dès que je pénétrai à l'intérieur de la pièce. Elle était somptueuse. Des tapis et tentures ornaient chaque mur, chaque parcelle du sol. Un salon meublé de divers fauteuils recouverts d'un tissu aux motifs de feuilles d'or se proposait d'accueillir les visiteurs.