Chapitre 07

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Comme je travaillais moins et que je mangeais plus, j'avais repris des forces et mon état général comme mon moral s'en voyaient grandement améliorés. Corwen était devenu un véritable ami. Je n'oubliais pas pour autant Milie, ma souris qui ne quittait pas ma poche. Pourtant, grâce à Corwen, j'éprouvais beaucoup moins le besoin de m'épancher dans sa minuscule oreille.

Cependant, ce fut grâce à elle que je trouvai le passage.

Une nuit, ma petite rongeuse me réveilla en trottinant sur moi. Elle avait pris l'habitude de dormir à mes côtés, et il était rare qu'elle se déplace pendant que je dormais. J'allumai la chandelle et eut juste le temps de la voir traverser le mur. Intrigué, je m'approchai et m'aperçus alors que ce que j'avais toujours pris pour une seule et même paroi était construit de façon à ce que l'on ne voie qu'un mur là où il y en avait deux. Ma logique me soufflait que l'on ne s'y serait pas pris autrement pour masquer l'entrée d'un passage secret. Je me faufilai donc entre les deux murs et me retrouvai dans un couloir exigu.

Après m'être muni de ma chandelle, je résolus de le suivre voir où il me conduisait. De nombreuses toiles d'araignées ornaient les parois et je fis fuir nombre de congénères de Milie et ses cousins. J'en conclus que personne n'était passé par là depuis de nombreuses années, peut-être même des dizaines d'années... Je me faisais l'effet d'un explorateur de terres inconnues. Je n'avais pas tout à fait onze ans mais cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. J'avançai pendant un certain temps.

J'ignorais dans quelle direction j'allais, puis je me retrouvais à un carrefour. Je pris à droite, au hasard. Un autre couloir suivit. Je marchai encore quelques temps avant d'entendre des voix. Il me sembla reconnaître celle de Corwen. Jugeant que ce n'était qu'une illusion, je n'y prêtai pas attention. Mais au bout du couloir un mur terminait le chemin. Une échelle y était fixée. Je levai les yeux. Elle devait monter jusque dans les étages royaux. Bien sûr, je devais grimper. Ma curiosité ne me laissait pas le choix. Mais pour cela, je devais poser ma chandelle, ce qui me posait un problème car je risquais de me retrouver dans l'obscurité. Je levai les yeux de nouveau, observant plus attentivement. Je notai alors qu'une lueur baignait cette colonne, sans que je sache d'où elle vienne. Je posai ma chandelle et montai. Je passai dans une série de réduits semblables à celui que j'occupais dans la cuisine et tous cachés de façon similaire derrière les cheminées des différentes pièces. Je compris alors d'où provenait la lueur ambiante qui m'avait permis de laisser ma chandelle en bas : les passages dissimulés près des cheminées laissaient passer la lumière que produisait le feu, et faisait office de chandelle. Chacun d'eux représentait un palier dans l'ascension et par là même une halte permettant de reposer ses membres endoloris par la montée. Au fur et à mesure que je grimpais, j'entendais les voix se rapprocher. Aux étages inférieurs, tout n'était que nuit et silence. On distinguait, à l'occasion, la lueur du feu couvant dans les cheminées quant il n'était pas éteint. Enfin, j'arrivai aux voix. Mes bras et mes jambes étaient raides d'avoir été trop sollicités, mais ma curiosité et mon excitation étaient si fortes qu'il était hors de question que j'abandonne. Je me reposai un instant et risquai un œil par l'ouverture près de la cheminée, l'équivalent même de celle par laquelle je passai pour rejoindre mon refuge dans la cuisine. J'étais dans les appartements du prince. Je ne m'étais pas trompé, j'avais bien entendu Corwen répondre à un Wenceslach' grincheux.

Je me retournai et m'apprêtai à redescendre par l'échelle, quand je m'aperçus que deux autres murs se superposaient devant moi. J'y risquai un œil : un autre couloir aussi exigu que les autres se révéla. Il devait mener aux autres appartements. Je supposai qu'il en était de même à tous les étages.

J'étais déjà très fatigué par mon excursion et malgré la terrible envie que j'avais d'explorer ces passages, je décidai de retourner su mes pas en me promettant d'explorer la moindre parcelle de chacun d'eux. Les habitants du château connaissaient-ils l'existence de ces passages secrets ? Corwen saurait sûrement me le dire.

Je retournai à l'échelle et entrepris de descendre.

J'étais surexcité. Un vrai labyrinthe se cachait sous le château.

Lorsque je retrouvai mon lit, je m'y laissai tomber, encore haletant de l'effort de la descente autant que d'excitation. Je m'endormis comme une masse sans même m'en rendre compte, et pour la première fois depuis des lunaisons, je rêvai.

Dame Galwyn dormait près d'un maigre feu de camp au milieu d'un clairière, une épée reposant à côté d'elle. Du bruit dans les fourrés alentour me fit lever la tête. Sans bruit, je partis voir ce qu'il en était, et j'aperçus une bande de brigands prêts à lui sauter dessus. Je courus réveiller la vieille cuisineuse. Sans succès. Elle rêvait trop profondément. Sans savoir exactement ce que je faisais ni comment je m'y prenais, je décidai de pénétrer dans son rêve pour la prévenir.

Mina était là et elle riait avec sa mère. En me voyant, son visage s'éclaira mais mes mots figèrent son sourire :

« Dame Galwyn, réveillez vous, on vous attaque ! »criai-je.

Mina s'effaça et je sortis aussitôt du rêve de la vieille dame qui, d'un bond, se leva en saisissant son épée. Jamais je ne l'aurais crue aussi leste.

Lorsque les brigands fondirent sur elle, elle se démena et je m'aperçus alors que son arme émettait une faible lueur verte. Cette épée n'était pas une quelconque arme achetée chez le premier forgeron venu. En réalité, elle appartenait à la catégorie la plus précieuse que l'on connaisse en matière d'épées : la magépée, arme privilégiée des sorchevaliers. Grâce à son adresse, elle mit cinq hommes en déroute sans qu'elle n'ait à souffrir, pour sa part d'aucune égratignure.

J'assistai à la scène sans y croire, et je me souvins alors que j'étais en train de rêver. Mais je vis à ce moment là Grimelin me regarder de l'autre côté de la clairière. Lui aussi avait assisté à la scène, mais, contrairement à moi, il ne semblait nullement surpris.

J'entendis alors ses questions muettes : comment se faisait-il qu'il n'avait pu me joindre plus tôt, où étais-je ? Pourquoi mon esprit était-il resté aussi fermé ? Il avait tenté de communiquer avec moi depuis qu'il était parti, le lendemain de sa visite dans ma cachette. Il me promit de bientôt revenir pour s'occuper de moi. Puis, il me sourit et...

Je me réveillai en sursaut.

Je me remémorai tous les éléments de mon rêve mais ne sus qu'en penser. La présence et les paroles du Premier Sorcier m'incitaient à penser que je ne venais pas de faire un simple rêve, mais en y réfléchissant plus profondément, Dame Galwyn en sorchevalière me semblait invraisemblable.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now