Chapitre 29

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Il ne fallut pas beaucoup de temps à la troupe des sorchevaliers pour se préparer. Ils arboraient des tenues d'un vert mordoré et la légende voulait que le tissu, à l'instar de leur magépée, soit imprégné de la magie de son propriétaire pour leur forger comme une armure. C'était le secret de leur résistance. La magie est intime et personnelle. Chaque sorcier la pratique selon ses forces et ses faiblesses ; l'armure et la magépée sont là pour le protéger de ses défaillances et exacerber ses talents.

Pour notre part, on nous avait demandé de revêtir une tenue similaire quoique non imprégnée de magie, afin de ne pas attirer l'attention.

Dame Nokt vint nous voir alors que nous nous préparions à monter en selle.

« Restez à mes côtés. Nous nous mettrons au centre de la troupe afin que personne ne vous reconnaisse. Comme vous le savez, le temps nous est compté. Normalement, Lach'Khan est à dix jours de cheval de Castelach'. Nous allons donc passer par un raccourci connu seulement du Lach'Khan Dall qui nous amènera dans les bois de Castelach', près du château. »

Nous partîmes en milieu d'après midi.

Le raccourci était efficace car nous débouchâmes près du château à la nuit tombante.

Au moment où nous arrivions, un cri retentit dans ma tête, me faisant sursauter :

« PETIT ! C'EST UN PIEGE ! NE VENEZ PAS A MON SECOURS !!! »

Je l'aurais reconnue entre mille ; c'était la voix de Grimelin.

Sans réfléchir, je répondis :

« Maitre, où êtes-vous ?

− Petit ? Comment contrôles-tu tes pensées ? dit-il étonné. Puis après un moment, il reprit d'un ton quelque peu horrifié :

− Grand Wen, que t'es-t-il arrivé ?

Je ne comprenais pas à quoi il faisait allusion. Je réitérais ma question :

− Où vous trouvez-vous dans le château ?

Il reprit :

− Ta magie. Elle est devenue si puissante. Comment est-ce possible, on dirait que tu as mon âge !

Je ne comprenais toujours pas de quoi il parlait. Je n'avais pas besoin de lui dire, il reprit simplement :

− Ne viens pas. Ce piège est pour toi. La sorcière te cherche mais elle ne sait pas que c'est toi. Si tu t'approches, elle le saura.

Je répondis, sur un ton blasé :

− Je sais tout cela. C'est trop tard pour vous laisser tomber. Dites-moi où vous vous trouvez, et nous arrivons pour vous libérer Corwen et vous. »

Le sorcier s'avoua vraisemblablement vaincu. Au lieu de m'expliquer où il se trouvait, il me le montra. Un halo rougeâtre l'enveloppait, mais aucun lien ne le retenait. Il était debout, au milieu de la cour du château, incapable de bouger. La Lechwyna devait l'avoir entravé elle-même.

Corwen n'était pas avec lui.

Bien sûr, j'aurais du y penser ! Elle n'était pas bête au point d'attacher un grand magicien avec de simples cordes !

Je fis part de notre petit échange de pensées à Dame Nokt qui s'empressa de faire prévenir le Grand Sagechevalier.

Nous décidâmes de profiter de la faveur de la nuit et de pénétrer discrètement dans le château sans plus attendre. Quelques plans furent évoqués par les sorchevaliers mais lorsque j'eus révélé l'existence des souterrains, et ma connaissance des passages secrets, on m'écouta attentivement.

Milie profita de ce moment pour resurgir et venir se percher sur mon épaule, comme si elle avait su de quoi il retournait, mais j'avoue que son apparition me surprit. Elle avait disparu depuis deux jours et je savais que ce n'était pas dans les poches de la princesse qu'elle les avait passés. Mais je me dis qu'après tout ce n'était qu'une souris et qu'elle avait le droit d'aller et venir comme bon lui semblait. Ce qui me semblait beaucoup plus improbable c'était ce hasard qui la faisait revenir au moment où on pouvait bien avoir besoin d'elle, comme si elle l'avait senti.

Les sorchevaliers furent intrigués également par cette souris sur mon épaule, et je la leur présentai comme étant apprivoisée, ce qui était, je le savais, totalement faux. Je leur expliquai également l'aide qu'elle pouvait nous apporter.

Le Lach'Khan'dall sembla intrigué par l'animal et s'approcha pour mieux l'observer.

« Cet animal n'est pas une souris ordinaire ; crois moi, petit, la magie n'est pas étrangère à la présence de ton compagnon. Je pense toutefois que tu peux lui faire confiance. »

Cette déclaration me fit l'effet d'une douche froide.

J'avais toujours fait confiance à Milie et l'idée qu'elle put m'être hostile ne m'avait jamais effleuré, tout comme celle que sa présence procédât de la magie.

Le Sagechevalier mit fin à mes réflexions et me demanda d'ouvrir le chemin pour entrer dans les souterrains du château. Plusieurs entrées étaient possibles mais je choisis sans demander l'avis de personne le souterrain par lequel nous nous étions évadés avec Meywen et Wynie, pour la bonne et simple raison que cela nous obligerait à passer par les cachots. Ainsi, les sorchevaliers ne pourraient ignorer la présence de Corwen dans les geôles, et qui sait, nous pourrions peut-être délivrer d'autres malheureux.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now