Chapitre 02

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Dès mon arrivée j'avisai un gros homme rougeaud au crâne dégarni, un cuisineux, sans doute et lui demandai Dame Galwyn. Sous ses sourcils d'un gris broussailleux, il m'examina de ses yeux bleus délavés avant de me répondre :

« Pas là. Ca fait longtemps. C'est moi l'cuisineux en chef maint'nant.. M'appelle Frickwen. C'est pour quoi ?

−Y paraît que vous avez besoin d'un aide, articulai-je intimidé.

− Ouais, ça c'est sûr. C'qui qui t'envoie ?

− C'est le Premier Conseiller, m'sieur Frickwen.

− Ah, t'connais du beau monde, hein ? C'pas pour ça qu'ça m'empêchera d'te d'mander d'travailler dur. Comment t'appelles ?

− Milwen, m'sieur. Et j'ai l'habitude du travail dur.

− T' m'as pas l'air bien costaud pourtant. T'portes bien ton nom, la Souris, c'est ça ?

− Oui, m'sieur, c'est c'que veut dire mon nom. Paraît qu'c'est parc'que j'suis pas bien gros qu'mes parents m'ont nommé ainsi.

− Bon, bah, t'sais balayer ?

− Oui, m'sieur. »

D'un geste en direction d'un bouquet de balais, il me lança :

« Alors au boulot. »

Et il ajouta en rigolant :

« C'est bien la première fois qu'j'f'rais balayer une souris, alors qu'd'habitude, j'les chasse plutôt 'vec mon balai ! »

A part moi, je trouvai la réflexion idiote, et je pris conscience que ma nouvelle vie risquait d'être plus pénible que ce que je m'étais imaginé sous les ordres de ce Frickwen. Mais comme je l'avais dit au cuisineux, j'avais l'habitude de travailler dur, et cela ne me faisait pas peur. Au moins, je n'aurais plus ma mère sur le dos.

C'est seulement à ce moment là que je regardai vraiment autour de moi. Ce que j'y vis me laissa pantois. J'ignorais depuis combien de temps Dame Galwyn n'était plus au dessus des feux, mais quelque soit son état elle aurait été encore plus malade de voir le niveau de saleté de ses cuisines. Je l'avais toujours vu donner des ordres pour que tout soit toujours impeccable lorsqu'elle ne nettoyait pas elle-même. Même lors de la préparation des festins les plus somptueux, alors que je m'étais échappé pour venir jouer avec Mina, j'avais toujours vu le sol des cuisines étonnamment propre. Il y avait, à l'époque, toujours quelqu'un en train de récurer.

Un coup de pied dans les fesses me sortit de ma stupeur.

« Hé, le mioche, t'attends que ça se fasse tout seul ? Au boulot, et plus vite que ça !»

Et je commençai ma première journée de travail au château, pendant que d'autres serviteurs commençaient à arriver, amenant du bois pour les feux ou accrochant de grandes marmites dans les cheminées.

En milieu de matinée, la cuisine se remplit. Les autres cuisineux et marmitons arrivèrent pour la préparation des repas, les bras chargés de légumes, de viandes ou de poissons. Bien que nouveau dans les cuisines, personne ne s'étonna de me voir et passa à mes côtés en m'accordant à peine un regard.

Il y avait désormais trop de monde pour pouvoir balayer et je m'accordai un répit dans mon travail. Mon repos fut de courte durée car Frickwen, lui, ne m'avait pas oublié. Il me héla et me chargea de nettoyer les chaudrons et casseroles au fur et à mesure qu'ils étaient déposés dans un grand baquet d'eau. Mais l'eau devint vite graisseuse et je dus également la renouveler, ce qui supposait d'aller au puits dans la cour du château. Et je passai le temps des préparatifs et du repas à faire la vaisselle. A vrai dire, cela ne me changeait pas beaucoup des lessives avec ma mère, à ceci près que je demeurais au chaud, et ce quelque soit le temps. Lorsque cette corvée fut enfin terminée, il me fallut de nouveau reprendre le balai. La foule des serviteurs s'était clairsemée. Les cuisineux et marmitons faisaient une pause en mangeant avant de penser à la préparation du soir. Pour ma part, je n'eus pas le temps de manger. Frickwen y veilla soigneusement.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now