Chapitre 11

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Ce soir là, je me couchai avec délices dans mon lit. Comme d'habitude, Milie se blottit contre moi. J'ignorais si Grimelin avait deviné son existence. Il n'y avait fait aucune allusion. Je redoutais de devoir me séparer d'elle ; je m'étais habitué à sa présence perpétuelle dans une de mes poches, et la perte de cette petite amie serait pour moi un drame.

Milie, ce soir avait la bougeotte. Elle se mit bientôt à trottiner sur le lit. Je lui fis signe d'aller se balader si elle le voulait, mais elle ne semblait pas décidée non plus. Elle finit par descendre du lit et je m'endormis.

Une grande silhouette noire se dressa devant moi. Je levai la tête pour identifier celui qui me barrait le passage. Mon regard remonta le long des plis d'une immense cape. Mais son visage était indiscernable, dissimulé par l'ombre d'une capuche. Je regardai alors autour de moi. Je me trouvais à nouveau dans ce monde bizarre où Mina m'avait parlé il y avait déjà quelques lunes. L'air y était toujours aussi suffocant, et les moyens de transport ne nécessitant aucun animal m'intriguaient toujours autant. Le bruit ambiant m'assourdissait et les gens autour de moi semblaient pressés. J'aperçus Grimelin dans la foule. Je cherchai Mina des yeux.

« Elle ne vient pas avec nous aujourd'hui.

Je me retournai. Le vieux magicien était toujours perdu au milieu de la foule. Ce n'était pas nos langues qui prononçaient les mots, mais nos esprits.

− Que faisons-nous ici ? demandai-je.

− En ce qui me concerne, je veille sur toi, mais ce que tu fais, toi, dans ce monde-ci, je l'ignore. »

Je sentis alors une poigne de fer m'enserrer le bras. L'homme en noir m'avait agrippé. Je hurlai. Quelques personnes se retournèrent mais continuèrent leur chemin.

Puis je me réveillai

« Tout va bien ? »

Des yeux verts me scrutaient d'un air inquiet. Grimelin tenait une chandelle à la main et semblait être sorti du lit en catastrophe.

« Oui, Maître. Ai-je crié ? Vous ai-je réveillé ? Dans ce cas je suis désolé, répondis-je.

− Te souviens-tu de ce qu'il s'est passé? »

Tout me revint en un instant, et je commençai à lui raconter, trouvant amusant que j'aie rêvé de lui. Mais il ne semblait pas de mon avis ; il ne riait pas du tout.

« Petit, commença-t-il très sérieusement, j'étais vraiment avec toi dans ce rêve.

− Oh, je suis désolé, j'ai encore dû vous appeler sans le vouloir ; je suis vraiment navré de vous avoir dérangé.

− Tu n'y es pas du tout. Cette fois-ci, quelqu'un d'autre semble t'avoir appelé.

Je hochai la tête et lui parlai de l'homme en noir.

− Je l'ai vu aussi. Mais nous étions les seuls à pouvoir le distinguer. Les gens de cet autre monde sont aveugles au notre. Petit, celui qui t'a coupé la route était un mage noir redoutable. Tu l'as déjà croisé, si je me souviens bien. Il s'appelle Dech'Morh' et tu sembles l'intéresser au plus haut point. J'avais espéré que l'épisode du Désert de Feu n'était qu'une malencontreuse coïncidence, mais manifestement, je me suis trompé. »

J'ouvris la bouche, éberlué. Dans notre monde, les mages noirs n'arboraient aucun signe distinctif afin de mieux se fondre dans la masse. Je ne comprenais pas pourquoi je l'avais identifié comme tel aussi clairement dans mon rêve. Grimelin m'expliqua :

« Lorsqu'on voyage, c'est l'esprit qui est à nu, les mage noirs ne peuvent donc plus se cacher. Ils apparaissent sous diverses formes, mais le noir profond est toujours leur signe distinctif car le type de magie qu'ils utilisent est corrompue et leur aura s'en trouve profondément imprégnée. Il n'y a pas à se tromper, c'était un mage noir. »

J'avais souvent entendu parler de ces mages maléfiques. Ils mettaient leurs pouvoirs magiques au profit de leur propre bénéfice ou de ceux qui les payaient.

Une foule de questions me vint à l'esprit :

« Mais que me veut-il ? Que faisait-il là ? Pourquoi me barrait-il la route ? Que se serait-il passé si je ne m'étais pas réveillé ?

D'un geste apaisant, le vieux sorcier me fit signe de me calmer.

− C'est moi qui t'ai ramené. J'ignore ce qu'il t'aurait fait, ni ce qu'il te veut. Peut-être, tout simplement sait-il que tu es mon protégé et qu'il veut m'atteindre en s'en prenant à toi. Voilà un des nombreux dangers que l'on court lorsqu'on est mon serviteur, » conclut-il dans un sourire malicieux.

Sur ce, il me souhaita une bonne fin de nuit, et je me rendormis jusqu'au matin tout en me demandant pourquoi et comment on aurait pu atteindre le vieux Grimelin par mon biais. Je ne savais rien de lui, et n'aurais pu trahir aucun de ses secrets.

Quant à risquer sa vie pour une question d'honneur ou de sentiments, pour le garçon du peuple que j'étais, c'était, à l'époque, des concepts qui m'étaient parfaitement étrangers.

Terre de Sorciers- Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant