Chapitre 15

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Le travail dans mes nouveaux appartements n'était pas plus facile qu'avant, bien au contraire. Il revenait dans mes attributions de veiller à ce que Grimelin ait toujours de l'eau à sa portée, et je devais également lui apporter ses repas. Les marches étaient hautes et nombreuses et je les maudissais chaque jour. Cependant, en compensation, j'avais le plaisir de savoir que je contribuais à mon faible niveau, au bon avancement des recherches de mon Maitre. J'ignorais en quoi, elles consistaient et dans quel but il les faisait, mais il travaillait d'arrache pied.

Seule ombre au tableau, je n'avais plus autant le loisir de m'entretenir avec Corwen. Mais en regardant par la fenêtre de temps à autres, il m'arrivait de l'apercevoir dans la cour.

A cette époque, je connus une période bénie où rien ne vint troubler mes nuits. Je m'endormais harassé après avoir souhaité bonne nuit à Milie. Il m'arrivait certains soirs, lorsque j'étais certain de ne pas être dérangé par une requête tardive de mon Maître, de feuilleter le carnet que j'avais dérobé au sous-sol quelques temps plus tôt. Je ne savais toujours pas le déchiffrer, bien sûr, mais je faisais semblant, en enfant que j'étais malgré tout.

Mina me rendait régulièrement visite en rêve, et j'étais toujours aussi heureux de la voir durant mon sommeil. Nous parlions paisiblement de choses et d'autres en nous remémorant le passé. Parfois elle m'emmenait visiter les autres mondes, ceux auxquels elle avait désormais accès en tant qu'habitante du Monde des morts. Appartenant maintenant depuis plus de trois années à cet univers à part, elle avait eu le temps d'explorer bien des endroits, et se plaisait à me montrer ceux qui l'avaient le plus charmée. Elle m'entraîna par exemple dans un monde où vivaient encore des dragons. Ils volaient librement dans le ciel tandis que les humains les acclamaient. Elle me montra également un autre endroit où la végétation communiquait avec les différents peuples vivant à ses côtés. Elle me ramena aussi dans ce monde où elle m'avait entraînée la première fois que Grimelin s'était joint à nous. La magie, ici était utilisée par tous dans la vie de tous les jours et on la voyait à l'œuvre dans les moyens de déplacement que ce peuple utilisait. Elle me précisa qu'ils appelaient leur magie la science, mais que si tout le monde pouvait utiliser les objets magiques, seuls quelques uns savaient les fabriquer ou les mettre en œuvre. Ainsi, on pouvait voir des engins de diverses sortes voler, ou des véhicules se déplaçant sans aucune aide animale. Comme je l'avais constaté précédemment, ce monde était bruyant et malodorant dans les villes, mais Mina me fit visiter d'autres endroits où la nature avait encore ses droits. Tous ces mondes, tous ces peuples, me semblaient à la fois étrangers et familiers. J'avais la vague impression de les connaître déjà alors que je savais pertinemment que je les voyais pour la première fois.

Peu de temps après notre emménagement, Grimelin dut assurer les cours de Meywen et Wynilliah' puisque c'était devenu là sa seule tâche officielle selon la volonté du Roi. Il devait pour cela se rendre jusqu'à une salle réservée à cet effet dans l'aile royale. D'ordinaire, les professeurs s'y succédaient pour administrer les différentes leçons que l'on jugeait nécessaires aux enfants de la famille royale. Mais depuis que Wenceslach' était au pouvoir, le château s'était étonnamment vidé : un grand nombre de serviteurs, professeurs et membres de la famille avaient brusquement décidé de visiter d'autres contrées. Grimelin avait été nommé l'unique professeur officiel de la fratrie royale, en même temps qu'il était déchu de son titre de Premier Conseiller. Le Roi rappelait ainsi au magicien que sa seule tâche désormais au château se résumait à l'instruction des de son demi-frère et de sa sœur.

A mon grand étonnement, malgré tous ses sujets de préoccupations, le vieux sorcier n'avait pas oublié la nécessité pour moi d'apprendre à lire, et voulut dès le début que j'assiste aux cours qu'il dispensait aux enfants de Morwen. Il prit prétexte pour cela du besoin qu'il avait de transporter un certain nombre de livres et d'instruments en vue de l'instruction de Meywen et Wynilliah', et me pria d'écouter attentivement tout ce qui se dirait lors de ces séances.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now