Chapitre 30

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La moitié d'entre nous pénétra subrepticement par la trappe d'où nous étions sortis quelques jours plus tôt. Dame Nokt commandait aux sorchevaliers qui nous accompagnaient.

Meywen, voyant le chemin que j'avais pris, d'un regard avait compris et approuvé ce que j'étais en train de faire.

J'ouvrais la marche, ou plutôt, Milie ouvrait la marche, mais elle ne risquait pas la même chose que nous si nous étions découverts trop tôt. Je priai le Grand Wen pour que Wency n'ait pas eu l'idée de poster des gardes dans les souterrains depuis notre évasion, mais au fur et à mesure de notre progression, il semblait que l'idée de notre retour n'avait pas effleuré le Roi.

Celui-ci semblait également beaucoup compter sur la magie des vieux murs de Wenlach' car en abordant les cachots, nous ne vîmes aucun garde. Cela semblait trop facile. Dame Nokt et tous ses compagnons sorchevaliers étaient sur le qui-vive.

Cela ressemblait à un piège.

Nous continuâmes malgré tout d'avancer. Nous n'avions plus le choix, et s'il s'avérait que nous étions effectivement tombés dans un piège, rebrousser chemin ne nous sauverait pas car dans ce cas, on nous attendrait sûrement à la sortie.

Nous découvrîmes quelques geôles occupées par des inconnus. Des sorchevaliers tentèrent de libérer les malheureux sans succès. Je leur rappelai comment j'avais libéré le prince et leur promis que je ferais mon possible pour tous.

Nous finîmes par trouver, prostré au fond d'un cachot, un Corwen amaigri et grelottant. Cela ne faisait que quelques jours que nous avions du l'abandonner avec Grimelin, mais il semblait que Wency s'était bien amusé pendant ce temps. Je l'appelai, mais il sembla ne rien entendre.

Milie avait franchi les barreaux et dès qu'elle grimpa sur lui, il s'anima.

Il lui murmura quelques mots, et je compris où la souris avait passé ces deux derniers jours. Je commençai à comprendre sa part de magie, et ce qu'elle faisait. Elle m'avait trouvé alors que j'étais seul et quelque peu désespéré. Sa présence m'avait évité une solitude malsaine. Je l'avais confiée à la princesse alors que je la sentais triste et notre petit rongeur avait échappé à notre attention pour venir aider Corwen, qui, de nous trois ces jours ci avait certainement été le plus malheureux.

En levant la tête, il nous aperçut.

Je vis alors ce que lui avait fait subir Wenceslach'.

Son visage était méconnaissable tant il était tuméfié. Il voulut se lever mais s'en trouva incapable. Je fus si horrifié de voir tant de douleur, de voir de quoi était capable ce roi de malheur. J'avais si mal pour mon ami ! Je ne pus retenir mes larmes, et me souvenant de la libération de Meywen, je m'approchai au plus près des barreaux. Sachant qu'elles permettraient la libération de mon ami, je me laissai aller à mon chagrin, et ainsi que cela s'était produit la première fois, nous vîmes les barreaux rouiller et la porte put bientôt s'ouvrir. Mes larmes ne se tarirent pas pour autant et Dame Nokt, s'approcha de moi, une fiole à la main, (j'appris par la suite que nombre de sorciers en avaient toujours une ou deux a portée de main au cas où ...), et récupéra les larmes qui coulaient de mes yeux afin d'aller libérer les malheureux que nous avions vus un peu plus tôt.

Puis elle chargea un petit groupe de sorchevaliers de nous ramener au camp dans la forêt et de ramener le reste de la troupe qui attendait pour pénétrer dans la cour du château. J'avouai alors que je ne connaissais pas de passage direct qui y menât. Elle me sourit.

« Je m'en doutais un peu, dit-elle, mais je suis sûre que Milie connaît le chemin, elle. »

Milie sauta alors des mains de Corwen et vint se percher sur le bras de Dame Nokt.

Je m'étonnai encore une fois des capacités de cette souris. Grimelin me l'avait dit, puis le sagechevalier : elle n'était pas ordinaire ! Je n'avais aucun mal à croire que la magie était à l'œuvre dans le cerveau de ce sacré petit rongeur ! Je la pris avec moi afin qu'elle montre la route aux autres, et un sorchevalier prit Corwen dans ses bras. Ainsi, nous nous dépêchâmes de retourner au camp. Aucun soldat ni garde ne nous attendait et je m'ébahis encore de la confiance que le Roi mettait dans la magie des murs du château pour le garder.

Nous retrouvâmes le reste de la troupe qui nous laissa rapidement auprès d'un feu timide mais discret, pour rejoindre leurs compagnons guidés par une souris...

Corwen s'était évanoui durant le trajet tant ses blessures le faisaient souffrir. Je le regardai à la lueur du feu, et ce que je discernai me révulsa. Le corps de mon ami n'était que contusions et plaies profondes. Ses jambes avaient visiblement été brisées, ses ongles arrachés, quand le doigt n'avait pas été coupé. Je ne pouvais faire l'inventaire de tout cela tant c'était horrible et je m'étonnai qu'il vécût encore.

Wynilliah' et Meywen regardaient eux aussi. Sans un mot, la fillette partit vomir et Meywen partit se battre contre un arbre un peu plus loin. Quant à moi, je pleurai. Je pensai fugitivement que je gaspillais des larmes qui pourraient servir, mais je ne pouvais les retenir quand je voyais l'état de mon ami. J'aurais aimé qu'elles puissent le sauver mais je savais que ce n'était pas là leur pouvoir.

Corwen gémit. Je posai mes mains contre son front, en un geste d'apaisement affectueux, mais ce faisant, j'eus un hoquet de surprise. Dans mon esprit, s'imposaient brusquement des images d'os et de viscères. Je sus instinctivement que ce que je voyais là était l'intérieur du corps de mon ami, et ce que je découvris me glaça d'effroi. Aucun os ne semblait intact. La douleur était incommensurable, et je me demandai sur le moment comment il pouvait encore résister.

Je sus alors ce que je devais faire. Je me concentrai et passai les mains sur chacune des parties de son corps torturé. Quelque part, loin dans ma tête, j'entendis Grimelin hurler de ne pas faire cela. Il était trop tard. Déjà, la douleur se déversait en moi. Elle s'intensifia de plus en plus jusqu'à devenir insoutenable. Je me demandai une fois de plus comment Corwen pouvait encore être en vie, puis, je perdis connaissance.

Elle était de nouveau là. Elle se trouvait dans une salle pleine d'autres enfants, tous assis à une table. Elle avait grandi depuis la dernière fois, mais j'étais certain qu'il s'agissait de la même petite fille. Elle appartenait certainement au monde préféré de Mina, celui où elle m'avait emmené si souvent. Je me fis la réflexion que mon esprit m'emmenait là où il voulait être, et ce monde était la seule chose qui pouvait me rapprocher encore de mon amie disparue.

La petite fille dessinait. Curieux, je m'approchai. J'eus un frisson. La fillette était douée, et ce qu'elle dessinait là ressemblait étrangement aux cuisines du château. A côté d'elle, d'autres dessins s'entassaient. Sur la pile, je reconnus nettement l'orée de la forêt de Castelach'. Incontestablement, cette fillette connaissait notre monde. Je voulus en savoir plus et tentai de communiquer avec elle, mais, ainsi que me l'avait expliqué Grimelin, elle ne pouvait me voir ni m'entendre. Une sonnerie retentit. Un garçon en passant attrapa un des dessins et, méchamment, déchira la feuille.

« Hé, les gars, la folle nous a refait un dessin de son monde.

Je sentis plus que je ne vis la fille rougir et les larmes monter dans ses yeux.

Puis tous les enfants partirent en chantant :

− Maïwyna est folle... »

Mon cœur avait bondi en entendant son prénom. Son diminutif en Lanwen n'était autre que Mina. Etait-ce pour cela que je la voyais ? Cela ne pouvait être suffisant pour être relié à elle. Il y avait sûrement autre chose. Il faudrait que j'en parle à Grimelin dès que je le reverrais.


La fillette ramassait les morceaux déchirés de son dessin et les serra sur son cœur.

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now