Chapitre 27

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Nous avançâmes tout le reste de la journée. La princesse, épuisée par les émotions de ces derniers jours s'endormit sur son cheval. Son frère la maintint en selle à de nombreuses reprises alors qu'elle menaçait de tomber. Lui aussi semblait éreinté mais sa fierté lui interdisait de se laisser aller. Il n'était pas beaucoup plus âgé que moi, mais tout en lui, indiquait son éducation princière. Je ressentais moi aussi une grande fatigue, mais la vie que j'avais connue jusque là, plus rude que celle d'enfants royaux, m'avait appris à résister d'une autre manière.

Nous avancions en silence, Dame Nokt en tête, à l'affut du moindre bruit, du moindre mouvement suspect de la forêt. Régulièrement, elle se retournait, vérifiant notre présence.

Nous dûmes nous arrêter pour la nuit. Dame Nokt nous indiqua un abri, une grotte masquée par la végétation. Nous pûmes allumer un feu et nous réchauffer. La sorchevalière avait pris soin d'emporter des vivres et manger nous fit du bien.

Elle profita de ce moment de détente pour remercier Meywen qui, peu habitué à ce que l'on reconnaisse ses qualités, bredouilla un remerciement maladroit. Puis, se reprenant, il ajouta :

« Mon courage était celui du désespoir, Dame Galwyn, et je me suis jeté dans la bataille car j'ignorais vos talents de guerrière. Je suis persuadé que vous étiez capable de vous débrouiller sans moi.

Dame Nokt sourit.

− Certes, je le pouvais, mais les soldats que vous avez occis m'ont permis d'achever les miens plus sûrement et plus rapidement, n'ayant plus à me préoccuper des autres. De plus, je suis une combattante aguerrie alors que vous n'êtes pas encore très loin de l'enfance, et votre façon de combattre laisse présager de grandes qualités dans ce domaine. Votre entraînement a été excellent, qui fut votre maître ?

Meywen, dans un murmure répondit :

− Ce n'est pas tant l'entraîneur qu'il faut remercier que celui que je rêve d'affronter.

Puis toujours à voix basse, il cracha :

− Wenceslach'. »

Puis il se leva et sortit de notre abri.

La sorchevalière me regarda d'un air interrogateur.

Je lui racontai alors, en guise d'exemple, les brimades et violences dont Wency était capable envers son entourage, famille et serviteurs, avant même d'accéder au trône. Je lui racontai l'éviction de Grimelin au profit de la Lechwyna. En entendant tout cela, elle en eut le souffle coupé. Elle avait quitté le château depuis plusieurs lunes et n'avait pas eu l'occasion de connaître la véritable nature de notre nouveau roi. Nous lui avions expliqué ce qu'il s'était passé et les raisons de notre fuite, mais elle n'avait pas mesuré toute l'ampleur de la méchanceté naturelle du Roi. Elle avait dû imaginer qu'il avait été simplement manipulé par la Lechwyna et qu'en chassant celle-ci, tout rentrerait dans l'ordre. Mais, même si chasser une telle sorcière était en soi quelque chose de déjà très dangereux et compliqué, la situation se révélait encore plus complexe.

« Je suis désolée, dit-elle. J'ignorais tout cela. Je suis longtemps restée enfermée dans ma douleur, retirée du monde, je ne voulais rien savoir, rien entendre qui sorte du château, cela me rappelait trop ma petite. Il a fallu que tu reviennes me voir pour me souvenir que je vivais encore. Je peux te le dire : c'est toi qui m'as sauvée. Le premier soir lorsque tu as frappé à ma porte, je m'étais allongée sur mon lit. Je me préparais à boire une décoction de daralach' pour rejoindre le monde des morts.

Et puis, tes fréquentes visites m'ont fait du bien. Peu à peu, je suis revenue à la vie. Je me suis surprise à espérer ta visite. Tu me rappelais l'époque où ma Mina était encore là, mais tu me montrais que tu avais continué à vivre, même sans elle. Tu venais désormais pour moi, pour me voir. Grimelin n'a jamais cessé de venir me voir, mais cela faisait quelques temps qu'il n'avait pu venir. Quand il est revenu, il a vu mon changement. A plusieurs reprises, il avait voulu me raconter un certain nombre d'évènements importants disait-il, mais je n'ai jamais rien voulu entendre. Il me répétait aussi qu'il devait me révéler certaines choses, mais là encore j'avais toujours refusé d'écouter. Pourtant, j'aurais dû, car depuis que j'ai entendu ce qu'il avait à me dire, je suis rongée par un désir de justice et de vengeance. C'est pour cela que j'ai quitté Castelach'. A l'époque, j'ai prétexté que je ne pouvais plus vivre dans cette ville, que cela me rappelait trop ma petite, mais ce n'était pas la véritable raison. Les révélations de Grimelin m'ont rappelé qui j'étais avant que Mina n'entre dans ma vie. Crois-moi, je ne vous laisserai pas tomber, et nous irons sauver ton ami et ce vieux sorcier. Demain soir, nous serons arrivés à destination et nous aurons du renfort. Personne ne laissera le Premier Sorcier se faire assassiner par un Roi injuste et cruel. »

Terre de Sorciers- Tome 1Where stories live. Discover now