Chapitre 24

22 0 0
                                    

Nous marchâmes toute la matinée. Milie allait de l'un à l'autre, nous devançant, tout en jouant à cache-cache entre les herbes. Elle semblait infatigable, et son manège nous faisait sourire malgré l'angoisse et la fatigue.

Ainsi que je l'avais escompté, nous trouvâmes un petit ruisseau d'eau claire où nous bûmes tout notre saoul. Nous trouvâmes aussi quelques baies tardives et à la mi-journée, notre optimisme peu à peu avait repris des forces. Il semblait qu'aucun garde ne battait la forêt à notre recherche, et il me parut possible de survivre à trois jours de marche pour atteindre Dame Nokt.

En milieu d'après midi, pourtant, le ciel se couvrit et la température chuta brutalement. Un tel changement de temps était pour le moins inhabituel dans nos contrées. Nous n'étions pas encore aux lunaisons de pluies froides. Pourtant, ce fut bien une pluie fine et glaciale qui se mit bientôt à tomber. L'eau nous pénétrait jusqu'aux os et en peu de temps, Wynie se mit à grelotter, suivie de peu par son frère et moi-même. Milie se réfugia dans ma poche, comme elle en avait eu l'habitude pendant tout le temps où j'avais officié aux cuisines.

Nous hésitâmes à nous arrêter, mais, jugeant que nous aurions encore plus froid en restant immobiles puisque nous ne pouvions allumer de feu, nous décidâmes malgré tout de poursuivre notre route.

La nuit nous trouva épuisés et tremblant de tous nos membres.

Le paysage avait changé peu à peu en fin de journée. Les arbres s'étaient clairsemés. Je ne me souvenais pas avoir traversé une telle région à cheval. Je commençai à me demander si nous ne nous étions pas perdus. Pourtant, j'avais régulièrement vérifié notre direction en regardant différents signes de la nature, ainsi que me l'avait enseigné Owen. Le soleil avait disparu, mais le vieux serviteur m'avait appris nombre d'autres signes naturels permettant de se repérer. J'avais toujours été un très bon élève dans ce domaine, et il m'avait donné de nombreuses fois l'occasion de mettre en pratique ce qu'il m'avait appris ; j'étais, à la réflexion, certain de ne pas m'être trompé !

Nous ne voyions désormais plus rien.

Nous avions décidé de nous tenir la main dès que l'obscurité nous avait enveloppés. Le sol était devenu spongieux. Nous devions être dans une région marécageuse. Il devenait pénible d'avancer à l'aveuglette dans ce sol humide. Nous décidâmes de nous arrêter pour la nuit dès que l'on aurait trouvé un endroit plus sec.

Soudain, la princesse poussa un cri. Dans la pénombre, j'entrevis son frère la tirant de toutes ses forces. Je me précipitai à son aide.

Wynie était tombée dans l'eau. Nous longions des marais. Seule la profonde noirceur nocturne nous avait empêchés de les voir.

L'eau était surement glaciale et nous frictionnâmes la fillette vigoureusement pour la réchauffer. Mais cela ne suffisait visiblement pas. La princesse grelottait de plus en plus et finit par perdre connaissance. Seul un feu aurait pu l'aider. Nous avions, tous les deux, conscience de nous mettre en danger si nous cédions à cette éventualité. Je me souvins de la réflexion de Grimelin devant mon air étonné en sentant les feuilles de Daralach' : il y a certains cas où commettre un acte dangereux est inévitable parce que salutaire.

Après discussion avec Meywen, nous décidâmes finalement qu'il fallait prendre le risque.

Par bonheur, j'avais conservé ma pierre à feu dans l'une de mes poches, et je n'aurais pas besoin de me servir de magie.

Nous ramassâmes les quelques branches que nous pûmes trouver alentour, mais il s'avéra rapidement que celles-ci étaient trop humides pour s'enflammer sans l'aide de quelques herbes sèches que nous n'avions aucune chance de trouver dans ce paysage de marais.

Terre de Sorciers- Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant