Cette nuit-là,mon père m'a à nouveau rendu visite. Vous savez sans doute que chaque demi-dieu à un défaut fatal. Par exemple celui des enfants d'Athéna est l'orgueil. Et bien, personne ne sait vraiment quel est celui des enfants de Cronos. Enfin... Savait. Parce que moi je sais quel est ce défaut. En temps qu'enfant de mon père,je peux vous certifier qu'il s'agit de notre soif de pouvoir.
Nous sommes puissants. Mais si on peut avoir plus... On saute sur l'occasion. Sans réfléchir. Prenez: Poséidon et Héra (mes demi-frère et sœur) ont voulu renverser Zeus. Ils avaient l'aide d'Athéna,et pourtant,ils ont raté leur coup. Pourquoi ? Ils n'ont pas assez réfléchi. Pourquoi ? Ils voulaient le pouvoir.
Et ben moi je suis pareil. C'est un défaut que je contrôle, j'essaie toujours de prendre sur moi,de ne pas céder à mes pulsions. Mais si on m'offre la possibilité d'avoir un peu plus de pouvoir,j'ai tendance à sauter sur l'occasion. Sans réfléchir.
Et cette nuit-là,mon père m'a touchée au plus profond de moi-même,dans cette partie de mon être que j'essayais d'enfouir. Il m'a parlé en fonction de mon défaut fatal.
Annabella... J'espère que tu réfléchis à mes propositions... Rejoins-moi. Rejoins papa. Si tu me libérais,on régnerait sur le monde. Et tu auras tout ce que tu voudras. Tu auras du pouvoir. Aide-moi à renverser les Olympiens,à me venger de mes enfants. J'ai besoin de ton aide. Avec toi dans mon armée,c'est la victoire assurée. Tu n'as pas encore pleinement conscience de ce dont tu es capable,de ce que tu es. C'est-à-dire plus que tu crois. Si tu venais avec moi,tu deviendrais plus puissante. C'est une chance à saisir. Rejoins moi,ma fille.
Je me réveillais en sursaut. Annabeth me secouait. C'était mon tour de garde. Je m'assis contre un tronc et réfléchis. Plus de...pouvoir? Comment ça ? Je n'avais pas conscience de ce que j'étais réellement ? Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire... Devenir plus puissante...
Je ne comprenais pas tout ce qu'il voulait dire,mais je résistais comme je pouvais à l'attrait de ses propositions.
Grover et Annabeth se sont réveillés après mon tour de garde. J'étais encore troublée par mon rêve et Grover m'a demandé ce qui n'allait pas.
-Je t'inquiète pas je vais très bien. J'ai juste... mal dormi.
Je m'en voulais de lui mentir,mais je lui fais un de mes superbes sourires dont j'ai la recette et j'ai espéré qu'il m'ait crue.
Annabeth et moi discutions pendant que Grover était parti explorer la forêt. Notre ami satyre est finalement revenu vers nous.
-Regardez ce que j'ai trouvé !
Derrière lui ce trouvait un caniche royal. Rose. Pivoine. Cette pauvre bête avait due être confondue avec une peluche par ses propriétaires.
Annabeth à finalement réveillé Percy en lui lançant un paquet de chips à la figure.
-J'ai dormi longtemps?a-t-il demandé.
-J'ai eu le temps de préparer le petit déjeuner et...
-Grover a eu le temps de jouer à Dora l'exploratrice dans les bois,complétait-je. Il a trouvé quelque chose.
Percy a jeté un coup d'œil au satyre avant d'écarquiller les yeux en voyant ce qui se trouvait sur les genoux de son meilleur ami. Le caniche a lancé un jappement méfiant.
-Non,non,pas du tout,a dit Grover.
-Tu parles à cette...chose?a sursauté le fils de Poséidon.
-Cette chose, a rétorqué Grover d'un ton sévère, est notre billet pour l'ouest. Sois aimable avec lui.
- Tu parles aux animaux ?
Grover a ignoré sa question.
- Percy, je te présente Hortensia. Hortensia, Percy.
Il s'est tourné vers Annabeth et moi, s'attendant à nous voir rire de cette farce que nous lui faisions, mais elle avait l'air terriblement sérieuse. Moi... Disons que la compagnie des Hermès m'a influencée,j'ai toujours un petit sourire en coin.
- Je ne dis pas bonjour à un caniche rose, a-t-il protesté. Laissez tomber.
- Percy, a dit Annabeth. J'ai dit bonjour au caniche. Tu dis bonjour au caniche.
-Moi aussi j'ai du dire bonjour au caniche rose,ais-je glissé.
Le caniche a grondé de plus belle.
Il a dit bonjour au caniche.
Grover lui a expliqué qu'il avait rencontré Hortensia par hasard dans le bois et qu'ils avaient engagé la conversation. Le caniche venait de s'enfuir de chez ses maîtres, une riche famille du coin qui offrait une récompense de deux cents dollars à qui le ramènerait. Hortensia n'avait pas très envie de retourner dans sa famille, mais il était disposé à le faire si cela pouvait aider Grover.
- Comment Hortensia a-t-il su pour la récompense ? a demandé Percy.
- Il a lu les affichettes, a dit Grover. C'te blague.
- Bien sûr. Suis-je bête.
- Alors on ramène Hortensia, a expliqué Annabeth de sa meilleure voix de stratège, on touche l'argent et on achète des billets pour Los Angeles. Simple.
-Très simple, ais-je renchéri.
- Mais pas en autocar.
- Non, a acquiescé Annabeth.
Elle a pointé du doigt vers le bas de la colline pour me montrer des rails.
- Il y a une gare de chemin de fer à environ huit cents mètres. D'après Hortensia, le train de l'ouest part à midi.
-Hello L.A!me suis-je écriée.
-Toi, tu te calmes tout de suite,m'a refroidie Annabeth. On y va pas pour le tourisme.
J'ai soupiré :
-Quelle rabat-joie tu fais,Puits de Sagesse !
-Ne m'appelle pas comme ça,Clock Timer !
J'ai à nouveau soupiré. Si je ne pouvais pas l'appeler avec son surnom,pourquoi m'appelerait-elle avec le mien ?
Nous avons passé deux jours dans le train qui roulait vers l'ouest, traversant des collines et des fleuves, longeant des océans de grains dorés.
Nous n'avons pas été attaqués une seule fois, mais je suis restée sur mes gardes.
J'avais l'impression de voyager dans une vitrine d'exposition, comme si nous étions surveillés d'en haut et peut-être d'en bas aussi, et que quelque chose guettait.
Percy était inquiet à cause de sa photo qui circulait dans tous les journeaux.
- Ne t'inquiète pas, m'a dit Annabeth. La police mortelle ne pourra jamais nous retrouver.
Mais elle ne me semblait pas très convaincue.
-Moi,ils ne m'ont pas retrouvée avant...Bref,essayais-je de le rassurer.
Nous n'arrêtions pas de bouger dans tous les sens,étant hyperactifs. Nous ne tenions pas en place.
Une fois, j'ai repéré une famille de centaures qui galopaient dans un champ de blé, arc à la main, pour chasser de quoi déjeuner. Le petit garçon centaure, haut comme un enfant de CE1 juché sur un poney, a croisé mon regard et m'a fait un geste de la main.
J'ai jeté un coup d'œil dans le wagon : personne n'avait rien remarqué. Les passagers adultes avaient tous le nez rivé sur leur ordinateur portable ou plongé dans leurs magazines.
L'argent de la récompense d'Hortensia le caniche nous avait permis d'acheter des billets pour Denver seulement. Comme nous ne pouvions pas nous offrir de couchettes, nous somnolions dans nos places assises.
Grover n'arrêtait pas de me réveiller par ses ronflements et ses bêlements. Une fois, il a perdu un de ses faux pieds en changeant de position. Annabeth et moi avons dû le lui remettre en vitesse avant qu'un passager ne s'en aperçoive.
- Alors,a demandé Annabeth à Percy une fois la basket de Grover en place. Qui a besoin de ton aide ?
- Comment ça ?
- Tout à l'heure, en dormant, tu as bredouillé dans ton sommeil. Tu as dit : « Je ne veux pas t'aider. » De qui rêvais-tu ?
Percy nous a raconté tout ce que la divinité de ses rêves lui racontait. Il la soupçonnait d'être Hadès. Même si je savais de qui il s'agissait puisque je faisais les mêmes rêves, j'ai évité d'en parler.
- Ça ne ressemble pas à Hadès, a par dire Annabeth. Il se présente toujours sur un trône noir et il ne rit jamais.
- Il m'a proposé ma mère en échange. Qui d'autre pourrait faire cela ?
- À la limite, s'il voulait dire « Aide-moi à revenir des Enfers ». S'il veut la guerre avec les Olympiens. Mais pourquoi te demander d'apporter l'éclair primitif s'il l'a déjà ?
Grover a reniflé dans son sommeil,grommelé quelques paroles où il était question de légumes et a tourné la tête.
Annabeth a rajusté sa casquette pour qu'elle lui recouvre bien les cornes.
- Percy, tu ne peux pas négocier avec Hadès, tu le sais, n'est-ce pas ? Il est sournois, sans cœur et cupide. Ça m'est égal si ses Bienveillantes ne se sont pas montrées aussi agressives cette fois-ci...
- Cette fois-ci ? ai-je demandé. Tu veux dire que tu les avais déjà rencontrées avant ?
La main d'Annabeth s'est portée à son collier. Elle a caressé une perle blanche en argile vernissée ornée d'un sapin, un de ses gages de fin d'été. Je savais ce que cette perle signifiait pour Luke et elle et j'ai baissé les yeux.
- Disons que je ne porte pas le Seigneur des Morts dans mon cœur. Ne te laisse pas tenter par un marché pour sauver ta mère.
- Que ferais-tu s'il s'agissait de ton père ?
- Facile. Je le laisserais croupir aux Enfers.
Percy la regardait avec de gros yeux,alors elle a expliqué :
-Mon père me considère comme un poids. Il ne voulait pas d'enfants. Il a même demandé à Athéna de me reprendre! Ça ne lui a pas plu. Elle lui a dit que les héros devaient être élevés par leur parent mortel.
-Tu n'es pas née à l'hôpital,je suppose ?a demandé Percy.
-Je suis arrivée devant la porte de mon père dans un berceau en or, apportée par Zéphyr,le vent de l'ouest. Mon père aurait du me prendre pour un miracle, prendre des photos,ce genre de choses. Mais non. J'étais un fardeau. Plus tard,il s'est remarié avec une femme "normale",a eu des enfants"normaux" et il a complètement oublié Athéna. Depuis il fait comme si je n'existe pas.
Je regardais par la fenêtre. Il faisait nuit. Une ville était éclairée au loin. J'adorais voir ce genre de paysages quand j'étais petite. Ma mère m'emmenait en balade de nuit. Cette époque me semblait tellement lointaine... Une larme dévala ma joue. Personne ne savait vraiment ce qu'il s'était passé avec ma mère.
-Ma mère a épousé un type horrible,a dit Percy. D'après Grover, elle l'a fait pour me protéger, pour me dissimuler dans l'odeur d'un foyer humain. C'est peut-être ce que ton père a voulu faire.
-Non, a-t-elle répondu. Ils ne m'ont jamais laissé jouer avec les enfants. Et à chaque fois qu'il y avait un problème,avec les monstres tu comprends,ils me regardaient,l'air de dire: «Comment oses-tu laisser ces choses approcher de chez nous ?». Alors,j'ai finalement compris. Je n'étais pas désirée. Je suis partie.
-Tu avais quel âge ?
-Le même âge que celui auquel je suis arrivée à la colonie. Sept ans.
-Mais... tu n'as pas pu faire le trajet jusqu'à la colline des Sang-Mêlé toute seule...
- Seule, non. Athéna veillait sur moi, me guidait vers des gens qui m'aidaient. Je me suis fait des amis inattendus qui se sont occupés de moi, pendant une courte période en tout cas.
J'ai finalement pris la parole.
-Ma vie de sang-mêlé n'est jamais facile. Vous deux,vous n'avez pas eu une enfance facile. Moi non plus. Quand j'étais petite,ma mère et moi,on ne se supportait pas. On était pas vraiment très proches. Mais au bout d'un moment... Je ne sais pas,je pense qu'elle en avait marre des attaques de monstres. Je ne savais pas ce que j'étais à l'époque. J'étais petite. On me prenait pour une folle quand je racontais ce que je voyais. Alors on m'emmenait voir un psychiatre,et il m'a diagnostiquée bipolaire il y a sept ans. Bref. Un jour,ma mère est devenue pire. Elle rejetait toute la faute sur moi,alors que je n'avais jamais demandé à naître. Elle a commencé à boire, fumer,me frapper... Elle était horrible. Alors j'ai fugué. Si petite... J'avais sept ans, comme Annabeth. Quand la police m'a retrouvée,deux ans après quand même,ils m'ont appris que ma mère était morte. Assassinée. Ils m'ont placée en orphelinat. Mais j'étais difficile et j'avais toujours mes visions. J'ai continué les visites chez le psychiatre. Il m'a prescrit des médicaments pour les sautes d'humeur et pour les hallucinations. Dans l'orphelinat,je suis tombée dans la dépression et ai commencé à m'auto-mutiler. C'est pour ça que j'ai toujours mes bandages,sur les bras. Je n'en ai pas besoin mais je ne veux plus voir mes cicatrices. Je suis allée trop loin et me suis réveillée à l'hôpital. Luke et Grover attendaient que je me réveille. Ils m'ont amenée à la colonie. Et voilà. Tout ça pour dire que très peu de sang-mêlé ont eu une enfance facile.
Nous avons gardé le silence après mes aveux. Annabeth jouait avec la chevalière d'homme pendue à son cou,Grover ronflait,Percy s'était endormi et moi je réfléchissais. À la suite de la quête. À ce qui allait se passer. À mon avenir, mes études,ce que je voulais faire. Je finis par m'endormir,moi aussi.
Après deux jours de train,nous sommes arrivés à hauteur de Saint-Louis. Annabeth admirait l'Arche du Mémorial Jefferson.
-C'est ce que je veux faire, a soupiré Annabeth.
- Quoi donc ? a demandé Percy.
- Construire un édifice comme celui-ci. As-tu jamais vu le Parthénon, Percy ?
- Seulement en photo.
- Un jour, j'irai le voir en vrai. Je vais construire le plus grand monument jamais érigé pour les dieux. Un truc qui durera mille ans.
- Toi ? a-t-il dit en riant. Toi, architecte ?
Elle s'est empourprée.
- Oui, moi architecte. Athéna aime voir ses enfants créer des choses, pas juste les démolir comme un certain dieu des tremblements de terre.
-Olà! Les enfants,on se calme tout de suite ! Vous pourriez pas faire une petite trêve ?
Ils ont tous deux grogné. Et voilà que je me retrouve avec deux demi-dieux qui ne se supportent pas sur les bras...
Le train est arrivé à la gare du centre-ville. Par haut-parleur, on nous a annoncé une attente de trois heures avant le départ pour Denver.
Grover s'est étiré. Avant même d'être entièrement réveillé, il a marmonné :
- Nourriture.
- Mais non, biquet, a dit Annabeth. Tourisme.
- Tourisme ?
- L'Arche du Mémorial Jefferson. C'est peut-être la seule chance que j'aurai jamais de monter tout en haut. Alors vous venez ou pas ?
-Bien sur,quand c'est moi qui veut faire du tourisme c'est non,par contre quand c'est toi, ça va tout de suite mieux...râlais-je.
-C'est un monument, Annabella !a protesté Annabeth. Toi, pourquoi voulais-tu visiter Los Angeles?
-Je ne sais pas,mais si c'est connu,il doit y avoir une raison...
-Boutique?a-t-elle soupiré/
-Évidemment que c'est pour les boutiques,quoi d'autre?
-On y va où pas?s'est impatienté Percy.
-Ascenseur?ais-je demandé.
-Bien sur,a répondu Annabeth.
-Je vous attends en-bas,alors.
-T'as peur des ascenseurs ?a rit Percy.
-Rien à voir!me suis-je défendue. Je suis légèrement claustrophobe. Et les ascenseurs ne sont pas ma tasse de thé.
Je vous avoue que là,je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé.
l'Arche était à environ un kilomètre et demi de la gare. Nous étions en fin de journée, la queue n'était pas trop longue. Les trois jeunes se sont frayé un chemin.
Je me suis assise sur un banc pas trop loin, pour qu'ils puissent me retrouver facilement.
Lunettes de soleil remontées sur le nez,je me suis adossée au banc,laissant le soleil caresser mon visage.
Une demi-heure à peu près plus tard,Annabeth et Grover venaient de me rejoindre. Nous regardions en direction de la terrasse panoramique avec inquiétude. Un trou s'est formé dans l'Arche au niveau de là où devait se trouver Percy.
Annabeth a étouffé un cri d'horreur. Future architecte... Elle ne supportait pas de voir ce si beau monument détruit...
J'ai aperçu une forme brillante,bien que très petite et un peu floue, tomber dans le fleuve. Une épée ? L'épée de Percy? Oh,par les dieux,non...
Très peu de temps après,une forme humanoïde est tombé. Percy? Mais que faisait-il cet idiot ?
J'ai couru le plus vite possible jusqu'à la berge. Il n'y avait aucune trace d'un quelconque demi-dieu fils de Poséidon.
-Il doit être tombé dans le fleuve, ais-je dit. Je ne vois pas d'autres possibilités. Il devrait être là. Il reviendra bientôt. S'il a survécu à sa chute. S'il est encore vivant.