Chapitre 51 :

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Je suis restée sans voix un long moment, j'ai serré entre mes doigts le morceau de papier, les yeux écarquillés. Je ne savais que penser, je ne savais que faire. Aller le retrouver un après-midi au parc ? Je ne pouvais pas le faire, c'était insensé, complètement fou et impossible.

J'ai eu énormément de mal à dormir les jours qui ont suivi, tournant et retournant dans ma tête ses mots.

Je ne parvenais pas à me décider, sur ce que j'allais faire. Puis je me suis rendue compte qu'il fallait d'abord que je sache ce que je ressentais. 

Yann Alexis Hart. Un artiste reconnu et apprécié dans son domaine. Un homme qui ne manquait pas de charme et d'humour. Je me suis surprise à sourire en y réfléchissant. Alors j'ai repensé au sien de sourire, parfait en tout point, puis à ses yeux bleus pétillants, sa manie de se gratter la barbe lorsqu'il réfléchissait, la sculpture de ses abdominaux, son rire clair et communicatif... Je me suis forcée à arrêter, je ne pouvais pas... Mais je n'arrivais pas à me le sortir de la tête. J'étais éperdument amoureuse de lui.

Mais lui se trompait certainement sur ce qu'il pensait ressentir, il ne pouvait pas avoir de sentiments pour moi. C'était impossible. Nous ne faisions pas partie du même monde. Il était plus âgé que moi et devait très certainement avoir de nombreuses prétendantes. Des filles de son âge, plus jolies, plus confiantes, plus intelligentes et moins perturbées.

Mes pas ont fini par me mener au parc, je n'avais pas décidé ce que je voulais faire mais j'étais comme attirée là-bas. J'ai effectué plusieurs allers-retours pour tenter de réfléchir. J'ai regardé le saule pleureur de loin. Les branches tombaient tellement bas qu'il était impossible de savoir si quelqu'un se trouvait dessous, si Yann se trouvait dessous. J'ai fini par prendre ma décision. J'ai rebroussé chemin.
L'herbe bruissait sous mes pas. Mes joues brûlaient, ma gorge était sèche et mon estomac toujours aussi capricieux. Yann attendait comme prévu, dos à moi. Il était détendu, un carnet et un crayon à la main, assis contre le tronc du vieil arbre. Il a dû sentir ma présence parce qu'il s'est retourné et s'est levé.

- Alors tu as fini par venir !

J'ai baissé les yeux, c'était une mauvaise idée, j'avais presque envie de faire demi-tour. Je ne pouvais pas lui parler.

- Je... Je ne pense pas que... C'était une mauvaise idée...

J'avais esquissé un demi-tour lorsqu'une main se posa doucement sur mon épaule.

- Tu avais envie de venir ?

Je hochai lentement la tête, une boule dans la gorge.

- Tu ne t'y es pas sentie obligée ?

Alors que je secouai la tête en signe de négation, il vint se placer face à moi.

- Et si nous discutions simplement ?

J'acceptais, essayant de respirer calmement. Il prit ma main et retourna s'asseoir au pied de l'arbre, je l'imitais. Il lâcha ma main et lança une conversation on ne peut plus banale.

Nous sommes retournés tous les jours au saule pleureur, simplement pour discuter, rien de plus. J'avais fini par me détendre je me sentais bien et en sécurité. L'arbre semblait nous protéger de ses feuilles qui tombaient si bas qu'elles nous cachaient de la vue de tous.

- Je suis désolé... lâcha soudain Yann une après-midi.

- Comment ça ?

- L'autre jour à la plage, je n'aurais pas dû me comporter de cette manière, je n'ai pas pris le temps de te demander si tu étais d'accord ou non, je suis vraiment désolé...

- Ce n'est pas grave, ça va...

Il tourna les yeux vers moi et me scruta comme pour essayer de savoir si ça ne me dérangeait vraiment pas.

- Tu n'es pas très à l'aise avec tout ça, n'est-ce pas ?

- Je ne pense pas... Je ne pense pas être la bonne personne pour...

Je marquais un temps d'arrêt, et si ma phrase suivante changeait tout ? S'il se rendait compte qu'il ne m'appréciait pas plus que cela ? Je m'efforçai tout de même de terminer.

- Je ne pense pas le mériter, je ne suis pas à la hauteur... soufflai-je.

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