Chapitre 31 :

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J'ai vu que le serveur nous épiait du coin de l'œil. Il était vrai qu'en prenant du recul, je me rendais compte que ce moment était très étrange. Je ne savais pas trop quoi en penser.

J'avais passé toute la soirée et la matinée, bassinée par l'avalanche de compliments que décernait mon père, à presque tout le monde. En passant par ma mère, mon frère, Rémy Vanne, Yann Hart, ma grand-mère et moi. Tout ce petit monde qui avait permis que mes « chefs d'œuvres » soient exposés. Autant dire que je n'en pouvais plus, j'ai donc été contente de voir mon cousin arriver en début d'après-midi. Il a salué ma mère et mon père, mon frère lui a sauté dessus et il a enfin pu me dire bonjour. Je m'étais toujours bien entendue avec Ulrick, il n'avait qu'un an de plus que moi, on pouvait donc parler assez facilement. Mais j'avais souvent l'impression d'être le plus âgée et la plus responsable de nous deux.
On s'est isolés dans ma chambre pour être plus tranquilles. Il s'est laissé tomber sur mon lit avec un petit soupir. Je me suis assise à côté de lui, essayant de déterminer son état d'esprit. Il a levé la tête vers moi.

- Tu as l'air en forme... constata-t-il.

- Oui ça va...

Je ne savais pas si c'était vrai mais je ne savais pas vraiment comment je me sentais, je n'aurai pu donc lui fournir de meilleure réponse. Mais j'étais contente qu'il ne se comporte pas comme si j'étais une petite chose fragile en fin de vie. Il s'efforçait d'agir normalement et je devais avouer que cela me faisait du bien.

- Je suis désolé de ne pas être venu te voir plus tôt...

Je me suis contentée de hausser les épaules. Il a affiché un sourire, l'air ravi de retrouver sa bonne vieille cousine.

- Tu sais, en fait je voulais te voir parce que j'aurais besoin de conseils...

Je m'en serais doutée, Ulrick avait régulièrement besoin de mon aide. Je jouais souvent à tour de rôle sa mère et sa grande sœur.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

J'étais à moitié amusée de la situation, mon cousin venait encore réclamer mon aide alors que j'étais considérée comme un phénomène de foire par le reste de la famille. J'étais curieuse de savoir comment je pourrais l'aider. J'ai supposé que ce n'étais pas un problème de cours, étant donné qu'il était très intelligent et se débrouillait très bien de ce côté là.

- Eh bien... Tu sais, c'est à cause de cette fille...

- Tu vas me parler de tes problèmes de cœur ?!

- Non c'est pas du tout ça ! C'est une fille qui embête Clara au collège, et j'ai voulu intervenir sauf que...

Petit débriefing rapide, Clara c'est ma cousine du côté de ma mère, la sœur d'Ulrick. Elle est en troisième.

- Tu ne lui as quand même pas collé une raclée ?

- Non, ça n'a rien à voir, je ne l'ai jamais vu cette sale gamine, heureusement pour elle d'ailleurs...

- Qu'est-ce qu'il y a ? Elle a été trop loin ? Comment va Clara ?

- C'est justement le problème, elle ne veut pas que j'intervienne et elle refuse d'en parler...

- Et comment tu as su qu'elle se faisait harceler par cette fille ?

- Elle n'allait pas très bien ces derniers temps, et une fois quand je l'ai emmenée au collège, elle n'a pas voulu sortir de la voiture parce que cette fille l'attendait à la grille. C'est sa meilleure amie qui m'a dit qu'elle se faisait embêter par une fille de la classe...

Ça me faisait mal au cœur pour ma cousine, si gentille et si timide, mais avoir un an d'avance n'était pas facile.

- La pauvre... Et donc tu voudrais que je te conseille sur... ?

- Au moins me dire comment faire pour lui en parler, elle refuse tout dialogue et s'enferme très souvent dans sa chambre...

Il faut vraiment que je vous dise, Ulrick a toujours l'air de croire que j'ai la science infuse et que j'ai la solution à tout. Mais je vous rassure tout de suite, ce n'est absolument pas le cas. Là en l'occurrence, je ne savais pas vraiment quoi lui dire.

- Peut-être que...

C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que l'expérience de ma cousine était peut-être plus ou moins similaire à la mienne. Je n'avais jamais été harcelée à l'école, mais j'avais été agressée. Nous pouvions peut-être réagir à peu près de la même manière à nos traumatismes.

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