▬ Chapitre 95 : Thomas Shelby.

1.5K 105 22
                                    

   11 juin 1926, 15h36.

   Arrow House, Birmingham

- Depuis quand est-ce qu'on a des poneys? demande Tommy en se postant derrière sa femme.

- Arthur les a gagnés hier soir en jouant aux cartes, apparemment.

- Arthur a battu quelqu'un aux cartes?

- Ma théorie, c'est que la personne contre qui il a soi-disant gagné souhaitait surtout se débarrasser de ces deux petits chevaux au plus vite. Mais ne va pas lui répéter que j'ai dit ça.

   L'ombre d'un sourire sur le visage, Thomas Shelby se rapproche un peu plus d'Alma, jusqu'à pouvoir sentir l'odeur de son parfum - un peu de vanille, mélangé à quelque chose qu'il n'arrive pas à identifier. Ils se tiennent à l'extérieur d'un pré, à l'intérieur duquel Arthur, Johnny Dogs et le jeune Bonnie sont en train d'essayer d'apprendre les bases de l'art équestre à Charlie et à Billy. Les deux gamins ont l'air minuscules sur leurs deux Shetlands - un bai pour Charlie, un pie aux tâches alezanes pour Billy. 

- Charlie aurait dû choisir l'autre, commente Alma en croisant les bras devant elle. Il est beaucoup plus mignon, avec ses petites tâches et ses sabots blancs.

- Est-ce qu'on est certain que ce sont bien des chevaux, déjà? Parce que de ce que j'en vois, ça pourraient tout aussi bien être des chèvres. Ou des moutons bizarres.

- Ne dis pas cela devant Charlie. Il est très attaché à ses nouveaux amis.

   En guise de réponse, il s'approche un peu plus d'elle jusqu'à poser une main contre son coude. Dans un premier temps, Alma ne réagit pas, puis finit par faire un demi-pas en arrière pour réduire un peu plus la distance qui les sépare.

   Depuis bientôt trois semaines, voilà ce qu'ils essayent de faire avec plus ou moins de mal, plus ou moins de réussite : se retrouver. Si cela n'en dépendait que de Tommy, cela aurait fait bien des jours qu'ils se seraient retrouvés sur tous les plans possibles, mais il sent qu'elle a besoin de temps et d'espace. Et puisqu'il n'en revient toujours pas qu'elle ait choisi de rester, il est prêt à lui donner autant de temps et d'espace dont elle a besoin.

   Il l'a attendue pendant presque une décennie, il n'est pas à quelques semaines près. Ni à quelques mois, ou même à quelques années - rien que le fait qu'elle le tolère si proche de lui, qu'elle le tolère dans sa vie est déjà...

   C'est déjà tout

   Hier soir, il a failli le lui dire, d'ailleurs. Après un repas de famille au complet qui s'éternisait encore et encore, ils s'étaient finalement retrouvés seuls dans le salon. Et là, Tommy a failli le lui dire, failli lui dire qu'il n'attendait strictement rien d'elle, que rien ne les forçait à avoir une vie de couple ordinaire si ce n'était plus quelque chose qui l'intéressait.

   A partir du moment où je t'entends marcher dans la maison, ça me suffit.

   Mais finalement, Tommy ne lui a rien dit de tel. Il ne lui a rien dit, parce qu'Alma lui a pris la main, l'a attiré vers elle et l'a embrassé. Ensuite, elle s'est glissée une mèche de cheveux derrière l'oreille, a rougi un peu et est sortie du salon en lui souhaitant une bonne nuit.

- Non, Bonnie! - 

   Alma interpelle le palefrenier, lui faisant signe de tout de suite reprendre les rênes du poney de Charlie marchant à sa droite. Bonne s'exécute immédiatement, s'excusant avec un faible sourire.

- Au pire, il ne serait pas tombé de haut, ne peut s'empêcher de commenter Tommy. (Elle lui donne un petit coup de coude dans les côtes, et il profite de l'occasion pour la serrer un peu plus contre lui.) Regarde-le, tout fier qu'il est sur son grand cheval! C'est un grand garçon.

- Il n'a même pas deux ans!

- Et alors? C'est un Shelby, on a ça dans le sang.

- Que le Seigneur me vienne en aide...

- Je ne sais pas trop comment je pourrais t'aider, pour le coup, mais -

- Oh, tais-toi.

   Il répond en lui déposant un furtif baiser sur le haut de la tête et, l'instant d'après, il sent sa main se poser par-dessus la sienne au niveau de son bras.

   A l'autre bout du pré, Bonnie et Arthur sont en train de faire trotter doucement les poneys en courant à côté d'eux, sous les cris de joie des deux enfants amusés.

   Tommy devine qu'Alma doit être en train de mourir d'inquiétude pour son petit Charlie, mais cela n'empêche pas Tommy de penser que pour une fois, il a l'impression que tout est exactement comme cela est censé être.

   Alma, Charlie, lui, le reste de sa famille et deux petits poneys qui font la taille de gros moutons.

   Peut-être n'est-ce pas une mauvaise chose qu'il ne soit pas mort en France, finalement.

Thomas Shelby » Peaky BlindersWhere stories live. Discover now