Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 75 : Alma.

   17 mai 1926, 12h09.

   Mayfair, Londres.

   La première étape de la solution proposée par Finn a été de quitter Birmingham et toute la misère qui accompagne cette ville pour changer d'air.

   Alma n'avait pas spécialement envie de se rendre à la capitale, mais Finn l'a convaincue en une seule phrase : si déjà il faut être misérable, alors autant être misérable à Londres.

   Elle n'a rien trouvé à redire à cela. Alors le lendemain matin, ils ont tous les trois - Isiah étant de la partie, bien évidemment - embarqué dans le premier train circulant dans cette direction. Histoire de n'inquiéter personne, ils ont laissé un mot sur la table de la salle à manger à Arrow House, expliquant à qui trouverait ce papier qu'ils seraient peut-être rentrés d'ici demain, peut-être pas. L'avenir le dira.

   Etant donné leur réveil matinal, leur petit groupe a passé la majeure partie du voyage à somnoler dans le compartiment qu'ils avaient réservé. Alma s'est réveillée en sursaut lorsque le contrôleur a annoncé « LONDRES, KING'S CROSS, TOUT LE MONDE DESCEND », manquant presque de tomber de son siège.  

   Une fois à Londres, ils ont pris un taxi jusqu'aux beaux quartiers commerciaux de la ville. Alma préfère ne pas penser au montant total qu'ils ont dépensé en vêtements, chaussures et chapeaux en si peu de temps - dans les boutiques où Shelby Company Limited avait déjà un compte, ils se sont contentés de dire aux vendeurs d'y ajouter leur facture et dans les autres, Alma s'est chargée de faire apparaître des billets de son porte-monnaie, qu'elle avait bien évidemment retiré à la banque depuis le compte de Tommy.

   A quoi cela sert-il d'être riches comme Crésus si ce n'est pas pour se faire plaisir de temps en temps? Et rien de mieux que de dépenser de l'argent dans des choses pas nécessairement nécessaires pour oublier les problèmes... pour oublier le fait qu'Oswald a eu envie de la tuer, au moins pendant un bref instant -

- J'aime bien, commente Isiah à propos du gilet qu'Alma lui fait entr'apercevoir dans le sac qu'elle tient. C'est pour Polly? Ou pour une autre dame d'un certain âge de ta connaissance?

   Alma lui assène un petit coup de coude dans les côtes, et Isiah fait mine d'être propulsé sur le côté et finit presque par tomber du trottoir sur la chaussée. Heureusement, les rues sont presque désertes aujourd'hui et il ne risque pas de se faire écraser par une automobile ; les londoniens ayant visiblement profité des beaux jours pour s'exiler à la campagne plutôt que de déambuler sur les allées pavées.

- J'crois pas qu'il soit prudent de dire devant Polly qu'elle est une dame d'un certain âge, philosophe Finn.

- Pourquoi? rétorque Isiah. Alma, elle se vexe pas quand on lui dit qu'elle est vieille. 

- Tu es presque aussi vieux qu'elle! proteste Finn tandis qu'Alma feint de s'indigner face à la remarque d'Isiah. Si quelqu'un a le droit de dire «oh, j'en ai marre de toujours trainer avec des vieux croûtons», c'est bien moi!

   Au moment où Alma s'apprêtait à signaler à Finn qu'il vient lui aussi de la traiter indirectement de vieux croûton et que, de ce fait, il est tout aussi irrécupérable que son ami, elle entend quelqu'un appeler son nom par derrière.

   Il ne lui faut pas une seconde pour qu'elle reconnaisse la voix.

- Maximiliam! le salue-t-elle en se retournant. Quelle belle surprise.

- Je ne savais pas que tu avais prévu de venir sur Londres, commente-t-il après un baisemain sur le gant d'Alma. (Il se redresse et, les mains dans le dos, salue ses deux accompagnants d'un signe de tête.) Bonjour, messieurs. Je ne crois pas avoir eu le plaisir.