Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 82 : Alma.

   25 mai 1926, 19h12.

   Arrow House, Birmingham.

   Il aura fallu plus de deux jours à Alma pour se rétablir complètement de l'adonide - la drogue que Maximilian lui a fait boire à son insu.

   De l'adonide. Au début, Tommy ne voulait pas lui dire de quoi il s'agissait, mais il a fini par cracher le morceau.

   De l'adonide. Alma sait très bien ce que c'est, l'adonide - jusqu'alors, pas par expérience personnelle, fort heureusement. C'est une drogue très traître, étant donné le peu de traces qu'elle laisse. Dans certaines familles particulièrement toxiques, il n'est pas peu fréquent qu'un peu de cette poudre soit versée dans le verre d'une future mariée récalcitrante, parfois par sa mère elle-même.

   De l'adonide. 

   Si Finn et Isiah n'étaient pas intervenus à temps, Dieu sait ce qui...

   Non, elle ne doit pas y penser. Elle ne doit pas penser à ce que Maximilian, qu'elle considérait comme un ami, comme un véritable ami, allait lui faire. Elle lui faisait confiance! C'est lui qui lui avait promis de l'aider à se replonger dans des revues médicales - est-ce qu'il la pensait au moins capable d'être assez intelligente pour pouvoir lire des articles scientifiques publiés par des médecins, ou est-ce qu'au fond, il fait partie de cette vaste majorité d'hommes qui en pensent les femmes incapables?

   Il aura fallu deux jours à Alma pour se remettre complètement de l'adonide sur le plan physique, mais sa tête n'est pas du même avis. Non seulement il y a Maximilian, mais il y a aussi Oswald - le fait qu'Oswald ait, au moins pendant un moment, véritablement envisagé de la tuer -

   C'est beaucoup trop d'un coup. Il devrait y avoir une loi interdisant plus d'une trahison par mois, ou quelque chose de cet ordre.

   Lorsqu'elle est rentrée à Birmingham avec Tommy, Finn et Isiah, elle est restée à Arrow House. Tommy ne lui a pas demandé si elle souhaitait retourner chez May, ce pourquoi elle le remercie silencieusement. Cela lui épargne l'humiliation de devoir lui dire en face « non, je veux rester ici », qu'elle aurait - elle se connaît assez bien - vécu comme une sorte d'échec.

   Oui, elle veut rester à Arrow House, parce que Thomas Shelby est à Arrow House. Et qu'à l'heure actuelle, Alma ne peut s'imaginer être où que ce soit d'autre que dans un rayon de cinquante mètres de lui.

   Dieu sait que Thomas Shelby est rempli de défauts, mais il est la personne en qui elle a aujourd'hui le plus confiance en ce bas-monde. Elle sait qu'il ne lui donnerait jamais d'adonide, et qu'il n'essayerait jamais de la tuer : la barre n'est effectivement pas très haute, tant mieux pour lui.

   Non pas qu'il ne se soucie de la barre, soit dit en passant. Depuis leur retour, c'est à peine si elle l'a croisé à deux reprises en coup de vent, dans les couloirs ; jamais avec plus qu'un «tu vas bien, Alma?» furtif à son passage.

   Elle ne s'attendait à rien, mais ne peut s'empêcher d'être quand-même déçue. Déçue d'elle-même, avant tout, d'avoir à nouveau nourri des espoirs complètement insensés - oui, elle avait espéré qu'après tout ce qu'elle vient de traverser en moins de 72 heures, il ferait au moins un peu preuve de compassion, d'empathie envers elle.

   Mais Thomas Shelby reste Thomas Shelby, après tout.

   Ce n'est pas grave. Tommy n'est pas là, mais son fils, oui. Alma n'a presque pas quitté Charlie ces derniers jours, tellement peu souvent que Polly est venue lui faire la remarque que le petit serait perturbé quand elle repartirait de nouveau.