Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 88 : 1921 - Thomas Shelby.

   15 juin 1921, 19h29.

   Gare d'Euston, Londres.

- Vous êtes certain que je ne dois pas vous accompagner? demande Grace, un petit sac à main noir à la main. Garder l'œil ouvert à la soirée, pour vous? Je suis une barmaid, j'ai l'habitude de tout voir sans être vue.

   Ca, Thomas Shelby n'en doute pas un instant. Ce dont il ne doute presque plus non plus, c'est que Grace doit justement être en train de garder l'œil sur lui pour quelqu'un d'autre.

   Il écrase son mégot de cigarette dans un cendrier accroché sur un poteau en pierre. Le train de Grace ne part que dans une demi-heure, aussi le quai sur lequel ils se trouvent est encore presque désert.

- Rentrez chez vous, Grace.

   Pendant un instant, il croit qu'elle va protester, mais elle finit par obtempérer. 

- Si quelque chose de grave m'arrive sur le trajet, je vous en tiendrai responsable. Envoyer une pauvre femme sans défenses prendre un train seule, à cette heure tardive...

- C'est une bonne chose que vous ne soyez pas une pauvre femme sans défenses, hein? commente-t-il avec un léger sourire.

- Une bonne chose, en effet. 

- Bien. (Léger hochement de tête, puis il fait quelques pas en arrière.) Tâchez de ne rien faire qu'une pauvre femme sans défense ne ferait pas, dans ce train, d'accord? ajoute-t-il en guise d'au revoir.

   Il s'apprête à se retourner pour se mettre en chemin - le dîner chez Solomons est fixé à 20 heures, il faut qu'il se dépêche pour ne pas arriver trop en retard -, mais elle l'interpelle au dernier moment.

- Thomas - attendez.

   Un autre jour, il n'aurait peut-être pas attendu, lui aurait crié un « bon retour, miss Burgess » pour mettre définitivement fin à la conversation. Mais ce soir, il est - pour Thomas Shelby, en tout cas - d'assez bonne humeur - à cause d'Alma, qui va bientôt avoir de ses nouvelles, pas à cause de ce putain de diner dansant chez Solomons, bien sûr.

   Il attend. Elle le rattrape, s'arrête un peu plus proche de lui que ce que la convenance jugerait acceptable. 

- C'est mon anniversaire, demain, explique-t-elle en tenant désormais son petit sac noir entre ses deux mains. Si vous avez le temps, j'ai pensé que vous pourriez peut-être venir prendre un verre, chez moi.

- Hm. Est-ce qu'il y a d'autres gens qui sont invités à prendre le thé demain chez vous?

- Probablement pas.

   Il hoche la tête, a un petit sourire peiné pour elle.

- Ecoutez, Grace - on en a déjà parlé. Si vous cherchez un homme respectable pour partager votre lit, la nuit, je peux vous faire une liste de recommandation...

- Si j'étais à la recherche d'un homme respectable, je ne serais pas en train de vous parler. 

- Bien vu, admet-il. Mais, dans tous les cas : j'apprécie votre offre, mais ma réponse reste inchangée. Sur ce, je vous souhaite un bon retour à notre belle Birmingham.

   Tommy s'apprête à se retourner, mais...

- Votre tante m'a dit qu'elle était morte, dit brusquement Grace. 

- Ma tante ne sait pas de quoi elle parle, rétorque-t-il vaguement.

   Un autre jour, le fait que Polly se mette à parler d'Alma à tout le monde et à n'importe qui ne l'aurait pas laissé aussi impassible - peu de choses en ce bas monde l'énervent davantage que les gens qui ne sont pas fichus de se mêler de leurs propres oignons.