Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 93 : Thomas Shelby.

   28 mai 1926, 11h00.

   Arrow House, Birmingham.

   Le lendemain, Alma prépare ses valises. 

   Celles du petit, aussi. Toute la matinée, il a entendu Alma faire des allers-retours entre le premier et le deuxième étage, où se trouvent respectivement sa chambre à elle et celle de Charlie.

   En temps normal, Thomas Shelby serait allé à Small Heath pour travailler. Mais aujourd'hui, c'est depuis son bureau dans le salon qu'il répond à son courrier et rédige quelques lettres urgentes qu'il faudra qu'il poste avant la fin de la journée. 

   Si Alma part aujourd'hui, il veut au moins savoir qu'il aura tout fait pour rester le plus près d'elle jusqu'à la dernière minute. Certes, il ne l'a pas vue de la journée, mais rien qu'à entendre le son de ses pas...

   Pour un homme comme lui, qui pensait, pendant des années, ne jamais retrouver sa femme, c'est déjà plus que ce qu'il aurait pu espérer.

   Pendant quelques mois, elle aura été à elle. Il aura fini par la faire fuir, certes, mais cela n'empêche pas ces quelques mois d'avoir été parmi les plus importants de sa vie. Le fait de savoir qu'Alma dormait à Arrow House, à quelques mètres de sa chambre à lui, c'était...

   Cela ne sera jamais assez, mais c'est davantage qu'il ne le mérite de toute façon.

- Tommy? 

   La voix de John le fait revenir à la réalité. Assis derrière son bureau, Tommy lève furtivement les yeux du document qu'il était en train de fixer et voit son jeune frère entrer dans le salon et s'appuyer contre le dossier d'un canapé. 

- Tu peux m'expliquer pourquoi ta femme vient de me demander de descendre une malle remplie d'affaires à elle jusqu'à la voiture?

- Inadmissible, commente Tommy sans savoir pourquoi il dit cela. Je vais dire aux... peu importe comment s'appellent les employés qui sont censés se charger de ça qu'ils ne sont pas payés à ne rien faire

   Vous n'êtes pas payés à ne rien faire.

   Une phrase qu'ils entendaient souvent au front, pendant la guerre. Comme à chaque fois qu'il repense à la France, il se force à réfléchir à autre chose avant que le bruit constant des tirs et coups de feu ne se mettent à faire écho dans son crâne, jusqu'à ce qu'il en ait la tête qui tourne.

- J'suis sérieux, Tom. Polly avait dit que vous alliez mieux, pourtant, avec Alms...

- Qu'est-ce qu'elle en sait de quoi que ce soit, Polly, hein? rétorque-t-il sèchement.

   John hausse les sourcils en soupirant, mais n'insiste pas.

- Dommage, conclut-il finalement. J'te trouve moins chiant quand Alma est dans les parages, ça nous faisait des vacances.

- Ne dis pas ça devant elle, répond-il avec une certaine amertume. Elle passerait une heure à t'expliquer qu'une femme n'a pas à être tenue pour responsable des humeurs de son mari.

   Et quelle heure cela serait! Il tuerait pour passer une heure en compagnie d'une Alma qui lui ferait la morale. 

   Mais c'est trop tard pour cela. Bien trop tard.

   Si John a répondu quelque chose, Tommy ne l'a pas entendu. Il se replonge dans la lecture qu'il a sous les yeux - pour tout l'or du monde, il ne pourrait pas dire un seul mot sur le contenu de la lettre qu'il est en train de lire -, et son frère finit par comprendre le message et sort du salon.