▬ Chapitre 81 : 1916.

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   18 décembre 1916, 22h29.

   Bataille de la Somme, France.

   Hôpital de la brigade St. John.

- Tout va bien?

   Alma hoche la tête, sans toutefois oser croiser le regard de celui qui a posé la question. Tommy est assis contre la tête de lit, par-dessus les couvertures, après s'être habillé. Sa chemise n'est qu'à moitié boutonnée.

   D'un geste quelque peu maladroit, Alma referme la porte du grenier derrière elle. Le temps de descendre en bas aux toilettes, elle avait enroulé une couverture grise autour de ses épaules en guise de robe de chambre et serre le tissus devant elle entre ses doigts.

- Tu es sûre? insiste-t-il en se penchant un peu en avant. 

- Certaine, répond-elle en évitant soigneusement son regard.

   Elle est relativement certaine d'avoir les joues aussi rouges que des tomates en cet instant même, mais si elle le regardait dans les yeux, elle sait qu'elle mourrait de honte sur le champ. Non, pas de honte - d'embarras, plutôt. De...

- Je t'ai fait mal. (Il se passe une main sur le visage, puis descend du lit. Trois pas plus loin, il est planté à un mètre d'elle.) Merde, Alma, si je t'ai fait mal, je...

- Tu ne m'as pas fait mal, l'interrompt-elle doucement en levant un peu la tête pour le regarder. Tout va bien. Je suis simplement un peu fatiguée.

   Ce qui correspond au moins partiellement à la vérité. 

   Thomas Shelby n'a pas l'air convaincu, mais il hoche la tête.

- Allons dormir, alors, propose-t-il en se retournant pour se diriger vers le lit...

   ... mais Alma l'attrape par le bout de la manche avant qu'il ne s'éloigne.

- Je ne crois pas, non, dit-elle en tournant autour de lui jusqu'à ce qu'ils se retrouvent de nouveau face à face.

   Et de là, elle passe ses bras autour de sa taille et se love contre lui. L'instant d'après, il passe ses bras autour de ses épaules et la serre contre son torse, une main caressant l'arrière de sa tête.

   Demain, Thomas Shelby repartira au front. Mais ce soir, cette nuit, il est là. Et Alma ne compte pas perdre ne serait-ce qu'une minute de ce temps précieux. Si lui compte dormir - et il ferait mieux de grapiller quelques heures de sommeil avant de repartir aux combats -, elle lui dira bonne nuit et le regardera dormir toute la nuit si nécessaire. Au début, elle ne verra certainement rien s'ils éteignent les lampes à gaz, mais une fois que ses yeux se seront habitués à l'obscurité, elle parviendra certainement à distinguer vaguement quelque chose, et même si ce n'est pas le cas, il y a toujours le son de sa respiration, son odeur, la chaleur de son corps allongé près du sien, son...

- Je ne t'ai vraiment pas fait mal? demande-t-il à voix basse en se rapprochant encore davantage d'elle, si tant est que cela est possible.

- Pas autant que maintenant, quand tu es en train de m'étouffer. 

   Il recule immédiatement d'un pas, et elle le suit sans que la moindre parcelle de leurs corps ne se décolle. Au-dessus de sa tête, elle l'imagine sourire.

- Et moi? ajoute-t-elle un peu moins fort. Je ne t'ai pas fait mal?

- Ciel, Alma - non, tu ne m'as pas fait mal. Je ne crois même pas que tu aurais pu me faire mal.

- On ne sait jamais. (Pause, puis elle ajoute : ) Et... est-ce que j'ai tout fait comme il le fallait? 

   S'ils comptent un jour avoir des enfants, il faudra bien qu'ils se retrouvent à nouveau dans ce genre de situation à un moment ou à un autre. Et tant qu'à faire, autant apprendre de ses erreurs, même si l'idée de parler de ce genre de choses à voix haute donne à Alma l'envie de se jeter à travers la minuscule fenêtre du grenier.

Thomas Shelby » Peaky BlindersWhere stories live. Discover now