▬ Chapitre 37 : 1916.

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   22 octobre 1916, 17h19.

   Quelque part près du front de la bataille de la Somme, France.

   Alma a du sable dans les poumons. Plus encore que la fois où, lors d'une sortie à la mer, quand elle ne devait pas avoir huit ans, elle a fait un vol plané la tête la première sur la plage et qu'elle continuait de tousser des grains de sable plus d'une semaine après leur retour de vacances. 

   Elle a du sable dans les cheveux, aussi. Dans les vêtements, dans les chaussettes, dans les chaussures. De temps en temps, dans les yeux aussi et elle doit faire une pause le temps de se les frotter jusqu'à pouvoir y voir à nouveau quelque chose. Jaya a développé une technique plus rapide : elle arrive à faire couler des larmes sur commande et parvient à garder ses yeux propres de cette manière. Alma a essayé de faire pareil, en vain.

   Cela fait des heures qu'elles sont sous terre. Une fois que les hommes du général Brighton - le jeune blond nettement moins antipathique que son collègue qui avait ordonné d'abandonner les recherches - ont déblayé l'entrée du tunnel, il s'est avéré que ce n'était qu'un mur d'un mètre de large à peine qui bloquait l'entrée des galeries. Le début du tunnel avait l'air et, après une expertise menée par le général Brighton lui-même, a été jugé suffisamment sécurisé pour pouvoir y circuler sans trop de risques. 

   Deux cent mètres plus loin à peine, le premier soldat a été retrouvé. Inconscient après s'être probablement pris quelque chose sur la tête si l'on en voit la forme cabossée de son casque en forme d'assiette métallique à l'envers. Inconscient, mais vivant. Alma n'avait vraiment pas prévu de s'aventurer sous la terre, mais il fallait lui installer une minerve de fortune autour de la nuque pour limiter les dégâts et elle et Jaya se sont finalement attachées à le faire. Sœur Margaret n'avait pas l'air enchantée de les voir descendre sous terre, mais ne pouvant, à cause de ses mauvais genoux, impossiblement s'en charger elle-même, les a finalement laissées filer.

- Ils ont intérêt à nous donner une médaille de bravoure pour ce qu'on fait, marmonne Jaya.

   Elles s'aventurent un peu plus loin dans les galeries. Le plafond devient de plus en plus bas, de telle sorte à ce que les deux soldats qu'elles suivent sont obligés de se pencher en deux pour avancer, ce qui est particulièrement périlleux au vu des lanternes à pétrole qu'ils tiennent chacun. Les infirmières n'ont pas encore ce problème.

- On arrive bientôt au bout, leur explique un des soldats peu après. J'panse pas qu'y s'y soient, mais on sait jamais. Y's'ont dû prendre à gauche avant car c'que c'que j'pensais qu'ils avaient dit qu'y f'raient.

   Alma n'ose pas demander qui sont les «ils». 

   Elle n'est pas prête à entendre le nom «Shelby» à tant de mètres sous terre. D'autres blessés ont potentiellement encore besoin d'aide, ce n'est pas le moment de penser à ça. 

   Peut-être que Thomas Shelby est un des blessés. Ou un des morts.

- Bon, reprend le soldat. J'crois qu'on peut faire -

- Là bas! s'exclame Alma. Il y a de la lumière dans le fond.

   Tous les regards se braquent sur le point qu'elle désigne au loin.

- Je crois que je vois quelque chose, confirme Jaya. 

- Ouais, j'crois aussi. Mais... (Il tient sa lanterne au-dessus de sa tête pour mieux observer le plafond.) J'pense pas qu'on soit en territoire très sécurisé ici, en fait. (Le soldat fait quelques lents pas en marche arrière, faisant signe à ses compagnons d'infortune de faire de même.) Pas de mouvements brusques et ça d'vrait pas nous tomber sur la gueule. 

Thomas Shelby » Peaky BlindersWhere stories live. Discover now