▬ Chapitre 45 : Thomas Shelby.

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   30 avril 1926, 19h34.

   Carleton House, Wednesbury.

- Vous n'allez pas me demander ce que je fais là? 

   Tatiana Petronova s'adosse à côté de lui contre le mur près de l'entrée principale. Cela ne faisait pas cinq minutes qu'il était sorti de la salle à manger pour fumer, ne supportant plus de voir Alma faire comme si cela ne la dérangeait pas le moins du monde de devoir manger de la soupe assise en face d'une de ses anciennes maîtresses.

   Ou peut-être est-ce tout le contraire. Peut-être est-ce l'indifférence d'Alma face à la duchesse qui lui a donné la sensation d'étouffer. Bien évidemment, il ne souhaite pas voir Alma souffrir, loin de là, mais si elle réagissait de façon allergique à la simple vue de Petronova, Thomas Shelby aurait pu interpréter cela comme de la jalousie, de la possessivité ; en bref, quelque chose à partir de laquelle il aurait pu en déduire qu'Alma serait toujours encore attache à lui.

   Là, la situation est un peu plus compliquée que cela.

   Tout en expirant une bouffée de fumée, il secoue vaguement la tête face à la question de la duchesse. Il n'a pas encore assez d'alcool dans le sang pour avoir le courage d'affronter une fois de plus les manigances obscures de la royauté russe.

- Je suis ici pour baiser quelqu'un, répond-elle en ignorant sa réponse. (Elle lui prend sa cigarette des mains, puis en tire un coup avant de la lui rendre.) Pas vous, ne vous inquiétez pas. J'ai compris le message.

   Etant donné qu'il est le seul homme invité à Carleton House ce soir - quoique le terme d'invité puisse paraître un peu exagéré étant donné qu'il a débarqué ici sans prévenir peu après la duchesse -, il en déduit que «baiser» doit être pris au sens métaphorique et non littéral. A moins que Petronova se soit mise à fréquenter des employés de maison, mais cela lui parait un peu trop communiste pour ses standards. 

- Tu laisses ma femme tranquille.

   Voilà une phrase qu'il a prononcée un nombre incalculable de fois au cours de ces derniers mois. Généralement à l'attention de Polly, mais cela ne va pas faire du mal à Petronova de l'entendre une fois de plus.

- Oh, ne t'inquiète pas pour cela, rétorque-t-elle en réajustant ses gants en cuir mauve. Elle est mignonne, mais pas au point que je tente quoi que ce soit qui te ferait me tirer une balle entre les yeux.

   Il inhale à nouveau une bouffée de fumée, tout en essayant d'ignorer le goût artificiel du rouge à lèvre de la duchesse qui a laissé des traces sur la cigarette. 

   Il ne répond pas. Pendant quelques secondes, il a l'espoir qu'elle comprenne le message et le laisse en paix le temps que la nicotine fasse son effet et qu'il puisse rentrer à l'intérieur pour rejoindre Alma, mais Petronova n'en a bien évidemment pas fini avec lui.

- En parlant de «tirer une balle entre les yeux»... non - je voulais faire une transition, mais cela ne fonctionne pas trop. Disons plutôt : en parlant de «se faire poignarder la jambe», est-ce que c'est vrai? La femme de ton frère m'a dit que vous n'aviez pas encore attrapé celui qui avait fait ça à ta tendre et chère, est-ce que -

- Qui t'a parlé de ça? l'interrompt-il.

- Une femme qui a marié un Shelby, répond-elle sur un ton faussement innocent.

- Laquelle?

- Je ne me souviens plus de son nom, ment-elle alors qu'ils savent tous les deux que les Petronova ont probablement un arbre généalogique de la famille Shelby accroché quelque part dans leur maison. Une blonde.

Thomas Shelby » Peaky BlindersWhere stories live. Discover now