▬ Chapitre 77 : Thomas Shelby.

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18 mai 1926, 03h03.

Hôtel Ritz, Londres.

Lorsqu'Alma ressort de la salle de bains, quatorze minutes après y avoir disparu, Thomas Shelby ne lui demande pas comment elle se sent.

La réponse se lit sur la fatigue qui voile son visage. Elle vient de dormir près de neuf heures d'affilée, mais, paradoxalement, n'a pas pu se reposer du tout - le sommeil artificiel engendré par l'adonide n'en est pas réellement un, Tommy le sait d'expérience.

C'est une sorte de rêve, à moitié éveillé, à moitié endormi, duquel on ne peut pas se soustraire. Pendant les premières heures suivant la prise de la drogue, le monde paraît cotonneux, liquide, et on a l'impression de ne faire qu'un avec l'univers. Un léger effet euphorisant accompagne le tout, même si ce n'est rien par rapport à ce que d'autres substances peuvent produire.

Non, les gens ne prennent pas de l'adonide pour les sensations qu'elle apporte - à sa connaissance, il n'a jamais entendu quelqu'un consommer cette plante de son plein gré.

L'adonide est toujours utilisé comme un sédatif. Généralement administré sans que la personne s'en aperçoive, cette drogue permet de faire faire à peu près tout ce qu'on veut de la victime. Tommy ne saurait lui-même trop comment l'expliquer, mais c'est un peu comme si, sous adonide, tout ce qui se réfère au négatif n'existe pas. Si on pose une question, la réponse sera toujours oui, parce que...

... et bien, il ne sait pas trop. Le monde entier paraît brusquement doté des meilleures intentions et il paraît inconcevable que qui que ce soit puisse nous vouloir du mal.

Comme dans un sorte de paradis chrétien avant l'heure.

Si le paradis est comme cela, alors Thomas Shelby est content que sa place en enfer lui soit déjà réservée à l'avance.

- Bois un peu.

Il tend un verre d'eau à Alma tandis qu'elle revient dans la chambre. Elle a les bras croisés autour d'elle, par-dessus sa robe de chambre beige clair. Elle tremble, mais finit par prendre le verre.

Tandis qu'elle en fait disparaître le contenu, Tommy va chercher un grand peignoir sec dans la salle de bains. Il le tient ouvert devant elle, et elle se glisse à l'intérieur.

Lorsque les effets de l'adonide s'estompent, on a l'impression de se tenir nu comme un ver au milieu de l'antarctique. Thomas s'en souvient très bien : lui-même n'a jamais eu aussi froid de toute sa vie, pas même dans les tranchées de la Somme en plein hiver.

- Quelle heure est-il?

La voix d'Alma est rauque, fatiguée, tremblante.

- Un peu après 3 heures. (Il fait un pas sur le côté, puis lui fait signe de retourner sous les draps.) Demain, ça ira mieux. Il faut que tu dormes.

- Je veux rentrer à la maison.

A la maison. Est-ce qu'Arrow House, c'est la maison?

- Demain, promet-il doucement. Il n'y a pas de trains à cette heure de toute façon.

Elle hoche la tête sans le quitter des yeux. Et puis... reste plantée là où elle se trouve, au milieu de la chambre.

Tommy attend un petit instant, espérant qu'elle est simplement perdue dans ses pensées et qu'elle va se diriger vers le lit d'un moment à l'autre. Mais finalement, il réalise qu'Alma doit encore être beaucoup plus sous l'effet de l'adonide que ce qu'il avait espéré.

Combien de grammes cet enfoiré lui a-t-il donné?

- Tu veux aller te recoucher, Alma?

Thomas Shelby » Peaky BlindersМесто, где живут истории. Откройте их для себя