▬ Chapitre 46 : 1916 - Oswald Mosley.

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25 octobre 1916, 06h14.

Péronne, ville occupée par les forces allemandes près de la bataille de la Somme.

- Je ne suis pas certain de comprendre. (Les paumes posées à plat sur une table recouverte de cartes de la région, Oswald Mosley doit lutter contre l'envie d'étrangler le premier venu.) Où est ma sœur maintenant?

- Elle attend dans un camion militaire, répond prudemment le lieutenant Hummelberg en anglais. Juste de l'autre côté de la rue.

Incapables. Une grande brochette d'incapables!

Mosley se redresse, inspirant lentement pour se calmer. Il essaye de se concentrer sur la sensation de l'air entrant, puis sortant de ses poumons ; une méthode que sa mère le forçait à faire quand il était petit afin qu'il n'extériorise pas ses émotions brutalement sur ses sœurs.

Cette technique de respiration n'a jamais fonctionnée et ne le fait toujours pas. Oswald se laisse tomber sur une chaise de camp posée près de la table tout en parcourant du regard la pièce dans laquelle il se trouve. Se concentrer sur l'environnement qui l'entoure, des éléments les plus globaux aux petits détails, voilà quelque chose qui a au moins le mérite de l'éloigner temporairement de ses pulsions. Là, c'est à Alma qu'il doit cette technique, aussi ironique cela soit-il.

Du général au particulier : il est sur Terre - Alma le faisait toujours commencer par cette étape, aussi inutile soit-elle. Il est en Europe, en France, dans le département de la Somme. Plus précisément, dans la ville de Péronne, du côté allemand du front. Il est dans la rue de la gare, au numéro 17, dans le salon du rez-de-chaussée de ce qui était autrefois une maison assez luxueuse pour cette horrible campagne française. Dans le salon, il y a une grande table au milieu, ainsi qu'une chaise sur laquelle il est assise.

Et il y a, bien évidemment, l'un des plus grands incapables de tout l'empire allemand qui se tient debout de l'autre côté de la pièce, les mains dans le dos. Un grand gaillard moustachu, cet Hummelberg, qui doit avoir à peu près le même âge que lui.

- Lieutenant Hummelberg, commence Mosley un peu plus calmement, est-ce que vous pouvez m'expliquer ce que fait ma sœur du côté allemand?

- Vous nous aviez chargé de garder un œil ouvert si jamais on croisait miss Mosley quelque part, se défend le lieutenant sans paraître trop effrayé par la situation. Nous l'avons trouvée dans les tunnels près de Bapaume et je me suis personnellement chargé de l'escorter jusqu'ici.

- Et pourquoi, au diable, avez-vous fait cela? Les consignes étaient de trouver ma sœur, pas de l'amener jusqu'ici! Qu'est-ce que je suis censée faire d'elle maintenant, hein?

Paul Hummelberg ne cille pas. Ah, c'est donc à ce jeu-ci qu'il veut jouer! Qu'il joue, qu'il joue.

- Au vu de la situation, explique calmement le lieutenant, j'ai pensé que vous prévoyiez de renvoyer votre sœur en Angleterre une fois que vous l'auriez retrouvée. Mes excuses si vous jugez l'initiative de la transférer à Péronne n'était pas la bonne, j'ai simplement réfléchi à ce que moi, en tant que frère, j'aurais souhaité dans un tel contexte pour ma sœur.

- Ah! Eclairez ma lanterne, Hummelberg : qu'auriez vous souhaité pour votre sœur?

Le lieutenant ne semble pas déboussolé le moins du monde par le changement d'humeur d'Oswald Mosley. Ce dernier sort de quoi fumer de la poche de sa veste militaire, puis allume la cigarette.

- Savoir qu'elle est en bonne santé, répond le questionné.

- Et ensuite?

- Ensuite, mon général?

Thomas Shelby » Peaky BlindersWhere stories live. Discover now