Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 3 : Alma.

- Betsy, où est Monsieur Dawson?

   Alma descend les marches menant aux cuisines aussi vite que la jupe de sa robe le lui permet. Elle a troqué la robe qu'elle portait au petit-déjeuner pour une autre, noire et un peu plus longue que ce que la mode propose en ce moment. C'est une de ses robes de deuil qu'elle portait avant.

   Avant la France. Avant Thomas Shelby.

   Parce que les gens ont peur de la mort et que dans un tel accoutrement, elle attirera moins l'attention.

   Betsy, sa femme de chambre, a l'air tellement étonnée de voir la dame de la maison descendre à l'étage des employés que pendant une seconde, Alma croit que Betsy va faire tomber la pile de linge propre qu'elle tient entre ses bras.

- Je vous prie de m'excuser, mademoiselle, je ne vous ai pas entendu sonner... s'empresse-t-elle de répondre si rapidement que les mots composant sa phrase semblent constituer un tout indivisible. 

- Monsieur Dawson? insiste Alma.

- Il est parti emmener Sir Mosley en ville...

   Flûte. Bien sûr que le chauffeur a quitté le domaine en même temps qu'Oswald!

- James - Betsy, est-ce que James est là?

   Elle dévisage sa femme de chambre en s'attendant à l'avance à une réponse négative. James, le seul autre homme s'y connaissant en automobile est cloué au lit avec un gros rhume depuis une semaine, mais peut-être que depuis hier, il s'en est miraculeusement remis et...

   Betsy secoue la tête, une mèche de cheveux bruns ondulés s'échappant de son chignon.

- Désolée, mademoiselle, il est toujours encore souffrant. Mais si vous avez besoin d'aller quelque part, je peux téléphoner aux Huxleys, ils n'auront sûrement rien contre de vous prêter leur chauffeur pour une journée.

- C'est gentil, Betsy, répond Alma d'un ton absent en s'éloignant, mais ça va aller.

   Elle peut difficilement lui expliquer que les très honorables Lord et Lady Huxley seraient scandalisés au plus haut point en apprenant que la sœur de l'encore plus honorable Sir Mosley a besoin de se rendre au plus vite dans le quartier le plus mal famé de Birmingham. 

   Alma emprunte un long couloir jusqu'à sortir du manoir par l'entrée de service. Le ciel grisonnant de ce début de mois de novembre annonce une pluie imminente, mais voir sa coiffure ruinée par un torrent d'eau est bien le cadet de ses soucis. Elle traverse la cour, ses bottines crissant sur les graviers, jusqu'à atteindre la remise où sont rangées les deux automobiles que possède son frère.

   L'une d'entre elles est absente, mais la Ford T est encore là.

   La vieille Ford T rouge que plus personne n'a certainement roulé depuis trois ans au moins. Mais c'est la Ford T ou rien.

   Alma ouvre la portière et pose son petit sac noir sur la banquette, puis marche jusqu'à l'avant de la voiture. Appuyer sur le bouton sur le moteur, puis relever à moitié trois fois la manivelle... Le métal est recouvert d'huile et elle s'y tâche les mains. Fantastique.

   Une fois le moteur réveillé, elle court s'installer derrière le volant avant de tirer un peu sur la manivelle libérant le gaz tout en fermant la portière en même temps. Ensuite, elle enclenche le bouton du starter, qui est censé faire ronronner le moteur de l'automobile comme par magie...

   Et c'est ce qu'elle fait. La Ford T fonctionne. Elle fonctionne!

   Mais la joie d'Alma est de courte durée. Maintenant, il faut qu'elle trouve un moyen de rouler jusqu'à Birmingham sans y perdre la vie, ni prendre celle de qui que ce soit d'autre.