Thomas Shelby » Peaky Blinders

▬ Chapitre 66 : Alma.

   14 mai 1926, 20h58.

   Eden Club, Londres.

- Alms.

   Thomas Shelby se laisse tomber sur la chaise libre en face d'Alma, de l'autre côté d'une petite table ronde cachée dans un coin de l'Eden Club. Alma n'a jamais mis les pieds dans cet endroit, qui ne lui a immédiatement pas paru des mieux famés. Tout est d'or, de brillants, de palmiers et de musique entraînante incessante. Au premier abord, l'on pourrait simplement penser qu'il s'agit d'un club de mauvais goût, mais Alma a pour l'instant compté treize hommes se baladant avec divers pistolets accrochés à leurs ceintures ou sous leurs vestes comme s'ils s'agissaient de simples accessoires.

   Elle a également entendu beaucoup d'italien, ce soir. L'Eden Club doit très vraisemblablement appartenir à une sorte de mafia italienne, de la même manière dont elle a entendu dire que certains pubs à Birmingham étaient administrés par les Peaky Blinders.

   Dans les deux cas, ils ne s'agissent pas de lieux qu'elle souhaitait particulièrement visiter. Ce qui l'amène à se demander pourquoi Tommy tenait à ce qu'il l'accompagne ce soir.

- John m'a dit que tu ne voulais pas danser, enchaîne-t-il. (Il désigne le verre de whisky auquel elle n'a pas touché qui est posé devant elle d'un mouvement de tête.) Tu vas boire ça? (Du bout des doigts, elle pousse le verre dans sa direction. Tommy le prend et le vide coup sec avant de le reposer sur la nappe.) Ou plutôt, John m'a dit qu'Alms ne voulait pas danser. Je ne savais pas que vous aviez des petits surnoms entre vous, comme ça. C'est nouveau?

- Peut-être, répond-elle évasivement.

   Son brusque changement de comportement la déboussole quelque peu. Il y a deux heures, à l'hôtel, il avait l'air d'un homme avec déjà un pied dans la tombe tant il paraissant fatigué, et maintenant, il parle si rapidement que ses phrases ressemblent plus à des mots insegmentables qu'autre chose.

- Alms, répète-t-il comme si c'était quelque chose dont il fallait se méfier. Tu ne m'en voudras pas si je me contente de - (Il tourne brusquement la tête en direction de la scène, où un petit orchestre fait l'animation depuis de longues heures.) - la version traditionnelle de ton prénom.

- Est-ce que tout va bien?

- Tout va bien, affirme-t-il en reportant son attention sur son interlocutrice. Je... (Il cligne plusieurs fois des yeux.) Alors comme ça, John m'a dit que tu ne voulais pas danser? Tu n'as pas quitté cette chaise depuis qu'on est arrivés.

- Elle est de très bonne manufacture, cette chaise.

- Vraiment? (Tommy se redresse pour pouvoir jeter un coup d'œil sur sa propre chaise à lui. Il en touche les petits accoudoirs, comme pour en tester la qualité.) Oui, je suppose qu'elles n'ont pas l'air mal du tout... De quel bois s'agit-il, à ton avis? C'a l'air d'être quelque chose d'assez léger, tout en...

- Tommy, l'interrompt-elle en posant un coude sur la table pour se rapprocher un peu de lui, tu commences à me faire peur.

   Comme frappé par un éclair, il s'immobilise dans son inspection de chaise et finit par soupirer en reprenant un air moins frénétique qui est beaucoup plus familier à Alma.

- Désolé, je... Les affaires.

   Les affaires, bien évidemment. Ce sont toujours les affaires. 

   De l'autre bout de la salle se fait entendre un bruit de verre se cassant sur le sol, suivi de quelques paroles inintelligibles qu'elle reconnait comme ayant émanées de la bouche d'Arthur Shelby. Et ensuite, John emploie quelques mots très fleuris en s'adressant à une tierce personne inconnue.