Chapitre XV

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Elizabeth ouvrit son courrier. Deux jours après le procès de Cyril, l'Allénie semblait se calmer. Enfin, l'Impératrice se convainc que le pays allait mieux. Parmi ses nombreuses missives, elle découvrit une lettre de son frère :

Elizabeth,

Je t'écris pour te dire que ce procès fut très bien orchestré. Entendre la condamnation fut pénible, douloureux...Mais je ne t'écris pas pour te raconter ce que tu sais déjà. Que ne sais-tu pas ? Tu savais pour la prise de la forteresse, tu savais pour Lana et moi...Tu savais.

Me voilà, entre quatre murs, avant de me retrouver entre quatre planches, ou dans une fosse commune, cela dépendra de toi. Je suis malade. Ou je crois que je le suis, qu'importe.

Je t'implore par cette lettre d'épargner Lana, je t'en supplie. Je ferai n'importe quoi pour que tu l'épargnes, envoies-là dans un autre pays, je ne sais pas. Mais sauve-là. Accorde-lui ta grâce impériale.

Nous sommes du même sang, je ne t'ai jamais rien demandé. Je t'en supplie.

Que Rey te guide.

Cyril, ton frère.

Elizabeth replia la lettre et la jeta au feu. Cyril est fou ! Lana Ronor devait mourir. Comme le disait si bien leur père : « Certains morts sont nécessaires pour sauvegarder ce qui nous est cher ». Et actuellement ce qui lui était le plus cher était le pouvoir. Cependant Elizabeth décida d'accorder une petite faveur à son frère, car après tout, ils avaient eu de bons moments.

Une magnifique jeune femme accompagnée de deux hommes armés venait de pénétrer dans un chalet des montagnes montoises. Elle portait un voile sur sa tête, mais tous percevaient une beauté certaine. Elle prit un repas chaud que Sébastian, le propriétaire, lui servit sans un regard. Ce couple de Montois avait un enfant de presque un an, un magnifique bébé qui riait tout le temps, et il était connu chez les alpinistes et voyageurs réguliers. Saphira entendit son fils rire dans les bras de cette femme. Une belle femme, qui le choyait chaque minute. Rafael était heureux. Saphira le constata aisément. Elle fut soulagée, et en même temps, jalouse. Ce bonheur ce n'était pas elle qui lui apportait. C'était cette femme dont elle ignorait tout qui donnait à Rafael cet amour maternel. Un amour que Saphira portait en elle mais qu'elle ne pouvait donner. Elle venait de finir son repas et décida de s'avancer vers la jeune femme. Rafael était dans ses bras :

-Votre repas était délicieux.

-Merci. Même si nous sommes le seul chalet de voyageurs à des kilomètres à la ronde, nous faisons tout pour que cela soit bon.

-C'est réussi. Dit Saphira. Quel beau bébé.

-Oui. Nous avons de la chance. Dit la jeune Montoise.

Saphira ôta sur de ses bagues et la tendit à la jeune mère :

-Tenez, c'est pour lui.

Elle prit la bague sans comprendre. Saphira se pencha vers Rafael et lui embrassa le front. Sébastian arriva, comme alerté par un problème :

-Il ressemble énormément à son père. Dit Saphira pensant à Salim.

Et elle tourna les talons sans un mot. La porte se claqua derrière elle. Le couple de Montois comprit à qui ils avaient eu à faire : la mère de leur enfant. Dehors Saphira marcha dans la vallée, suivit par deux gardes, deux nouveaux-ducs, ils arrivèrent près d'un grand lac, qui se trouvait aux pieds des plus hautes montagnes du pays. Elle ordonna :

-Laissez-moi. Partez. Vivez au Monterre, c'est un merveilleux pays. Partez !

-Mais...Dit l'un d'eux.

-Partez !! Vociféra Saphira. Partez !

Ils obéirent, s'inclinant une dernière fois devant leur Reine. Ils disparurent dans la nuit qui tombait doucement. Saphira ôta le voile qui recouvrait ses cheveux et avança dans l'eau froide du lac. Elle frissonna. Et sans enlever aucun vêtement, elle s'enfonça dans l'eau, doucement, en respirant de manière saccadée. Elle voulait mourir. Là. Tout de suite. Mourir noyée :

-Que fais-tu ?

Elle vit Salim sur le rebord du lac. Non, il était dans l'eau lui-aussi, et jeune, pas plus de dix-huit ans. Saphira savait qu'elle hallucinait, que c'était son esprit qu'il formait cette image dans sa tête :

-Je te rejoins. Dit-elle.

-Pourquoi ?

-Tu sais très bien pourquoi. Je n'ai plus rien. Sans toi, je n'ai plus rien.

Salim sourit et tendit sa main à Saphira. Elle se demanda s'il était possible de toucher un esprit, un fantôme, une hallucination. Elle posa sa main dans celle de Salim. Et ils s'enfoncèrent ensemble dans l'eau du lac. Saphira n'avait plus froid, au contraire, une chaleur pesante lui enveloppa le corps. Salim fut la dernière personne à qui elle pensa, avant de ne plus pouvoir penser. Et ses larmes se mêlèrent à l'eau du lac. Dès le lendemain un corps fut retrouvé et non identifié. Saphira fut enterrée dans le cimetière du village voisin dans une tombe sans nom.

Le jeune Hermann frappa à la porte pendant plus de dix minutes. Enfin Lionel Vespay ouvrit. Il était en pyjama, son visage mal éveillé, et assez effrayant depuis l'explosion. Hermann rentra dans l'appartement qui appartenait à un proche de Lionel, retourner chez lui aurait été dangereux. L'appartement était petite, mal agencé, avec quelques meubles piteux. Lionel se demanda comment Hermann avait eu son adresse ?

-Je dû contacter des dizaines de Séparatistes. Expliqua Hermann. Mais j'ai réussi à te retrouver.

-Que veux-tu ? Il est six heures du matin

-Lana va être exécutée demain matin.

-Je sais. Dit Lionel apathique. C'est tragique.

Hermann attrapa Lionel par le col de son pyjama, fâché, en pleure :

-Tu dois la sauver !

Lionel le repoussa violemment :

-Calmes-toi ! Je ne peux pas la libérer !

-Essaye !

-Non ! Lana est un martyr parfait ! Elle nous servira plus morte que vivante ! Je ne vais pas la sauver !

Hermann se jeta sur Lionel et la frappa. Lionel répliqua et repoussa brusquement le jeune homme qui chuta sur le sol sale de l'appartement :

-Arrête tout de suite !!! Cria Lionel. Je sais que tu l'aimes ! Mais je ne vais pas essayer encore de prendre Norring ! C'est impossible ! Laisse-là mourir. Nous ne pouvons rien faire ! Rien !

Hermann se leva, il sécha ses larmes :

-Même pour son fils ?

-Où est-il ?

-En sécurité avec ma mère. Expliqua Hermann.

-Bien. Murmura Lionel penaud.

-Je quitte le mouvement Séparatiste.

-Bien. Rejoins ta mère et le fils de Lana. C'est ta seule mission à présent. Tu ne peux rien faire de plus. Mais sache que la mort de Lana ne sera pas inutile. Adieu Hermann.

-Adieu.

Ils se regardèrent, comme deux vieux amis qui se quittaient à cause d'un différend si grand qu'ils ne pouvaient imaginer un jour revivre une amitié aussi forte. Hermann disparut. Lionel resta seul et pensa à Lana. Son martyr. Le Martyr. Personne n'oubliera jamais Lana Ronor. Surtout pas lui. 


Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant