Chapitre XXVIII

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 Le départ de Cyril ne fit pas grand bruit dans son pays, contrairement à celui de sa sœur pour l'Auguste il y a quelques mois. En effet le « prince Fantôme » partait et personne ne s'en souciait. Il était si effacé, politiquement, socialement, humainement, que les habitants ne le reconnaissaient même pas dans la rue. Ses bagages bouclés, il se présenta dans le hall en uniforme, impeccable, coiffé, prêt à prendre cet avion qui devait le mener à Manâm. A aucun moment il ne soupçonnait le but de ce voyage. Choisir une épouse parmi les trois filles du roi. Heureusement qu'il ne sait pas, pensa sa mère, sinon il serait encore parti en courant vers un village ronorien. Tous étaient là pour le saluer avant que le fiacre l'emmène à la base d'aviation la plus proche. Salim lui serra la main, Elizabeth le prit dans ses bras, sa mère lui baissa les deux joues et son père l'accompagna jusqu'au véhicule stationner en bas des marches du perron. Cyril monta sans le fiacre, Vladimir se pencha par la fenêtre et lui donna ce conseil :

-Comporte-toi comme un Prince. N'oublie pas qui tu es.

-Pourquoi m'oublierais-je ?

-Il arrive que les Hommes oublient qui ils sont un instant et ils commettent des erreurs.

Brusquement le fiacre s'ébranla. Cyril passa sa main par la fenêtre et fit des signes d'adieu. Il partait encore loin de sa famille. Etrangement il ne considérait pas le palais Duncan comme son chez lui, il avait toujours vu cette immense demeure comme le symbole de ce qu'il devait être et pas de qui il voulait être. Il espérait être tranquille et paisible un temps à Taurin, cette ville à l'excellente réputation. Selon les dires, elle était le haut lieu du respect, de la modestie, de la discrétion, toute la manière de vivre Manaée était ainsi décrite. Les grandes espaces verts et magnifiques dont il avait le souvenir, le rassurait sur son périple. De leur côté sa famille reprenait ses habitudes impériales, Vladimir gagna le palais Semaine, Olga alla à une réception à l'ambassade de Postalie et Elizabeth et Salim se rendirent à un repas donné en leur honneur dans une école de la région. Dans le véhicule qui les menait sur place, ils avaient une conversation normale et sans intérêt sur le temps que Cyril allait avoir dans l'île Manâm. Alors qu'ils roulaient, escortés par les FPI, Salim lança de manière brusque et imparfaite :

-Penses-tu que nous aurons des enfants ?

Elle sursauta, fit les gros yeux et subitement détourna le regard comme choquée :

-Je ne pense pas que c'est le moment d'aborder ce sujet. Répliqua-t-elle.

-Ne te fermes pas à la discussion. S'énerva Salim.

Il se calma promptement, détestant ce sentiment qu'on appelait la colère :

-Elizabeth, souffla-t-il, nous sommes mariés, je sais que tu n'es pas amoureuse de moi, mais nous allons passer notre vie ensemble, toi et moi, et tu sais ce que tout le monde attend de nous.

-Je sais très bien. Pestiféra-t-elle. Je refuse d'en parler voilà tout.

-Comment veux-tu devenir une bonne impératrice si tu te fermes à chaque discussion déplaisante.

-Ne part pas sur ce terrain, je serai impératrice, peut-être pas la meilleure qui soi, mais je sais ce que je fais.

-Politiquement certes, mais avec moi tu n'en as aucune idée. Dit-il.

Il semblait calme en apparence mais son regard exprimait une véritable colère et une peine communicative. Il avait raison, Elizabeth ne savait pas où elle allait avec lui, ni quoi faire. Ils étaient dans une position inconfortable, mariés sans s'aimer et pourtant une fidélité s'était installée entre eux, une fidélité spirituelle et corporelle alors qu'ils ne faisaient rien. Une véritable impasse se dressait devant eux et Salim essayait d'en sortir alors qu'Elizabeth s'enfonçait péniblement dans celle-ci :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant