Première Partie: Les Alliances Chapitre I

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- Avons-nous le choix ?

-Je crains que non Votre Altesse. Soupira le premier ministre.

Il joignit ses mains et les plaça sous son menton en fermant doucement les yeux. A situation désespérée, solution désespérée. L'empereur, debout près d'une fenêtre, reste coi devant la conclusion certaine qui se profilait devant lui. Vladimir Ier d'Allénie, maître du plus grand empire du monde, jouait le destin de tout ce qu'il avait construit et pourtant il demeurait silencieux. Il toucha d'un geste lent sa barbe. Depuis la révolution qui l'avait amené au pouvoir, il était tel un roque sur lequel tout l'empire reposait. Il resterait ce roque quoi qu'il arrive et ce jusqu'à sa mort. Mais là, il était au bord de la rupture. Il ne s'était jamais autant senti désemparé depuis sa dispute avec l'impératrice. Cette dispute, cet intermède dans leur relation avait été pour lui, le pire moment de sa vie. Il aurait tout fait pour sa femme, jusqu'à renoncer au pouvoir qu'il avait réussi à obtenir en se retrouvant empereur à la place de son beau-père, le père de son épouse, qu'il avait fait exécuté. Ce « crime » avait conduit à la dispute. Néanmoins il avait convaincu Olga, sa femme, que cette perte était nécessaire pour maintenir l'Allénie stable, car avec les révoltes qui secouaient le pays, il était impossible que l'ex-empereur s'en sort indemne :

- Qu'allez-vous faire ? S'enquit subitement le ministre.

Vladimir se tourna vers lui. C'était un nouveau qui venait d'être élu par les Askans, l'assemblé d'élu du peuple qui travaillait à l'Aska, ancien palais impérial saisit lors de la révolution. Ce premier ministre tout neuf s'appuyait sur l'empereur et lui demandait souvent son avis. N'était-il pas celui qui avait donné à l'Allénie une constitution ?

-Je vais parler à ma fille. Elle refusera évidemment mais elle n'aura pas le choix. Elle me détestera...

Vladimir sentit son cœur se briser. Il revoyait sa fille naître, grandir, marcher, devenir une femme et voilà qu'il allait lui imposer son destin. Si seulement son fils avait été capable de régner. D'un geste il invita le premier ministre à se lever et à quitter le bureau impérial. Ce dernier s'inclina légèrement et s'orienta vers la porte. Il monta dans sa voiture officielle qui le mena à la gare afin qu'il rejoigne la capitale où il travaillait. En effet l'empereur demeurait à Rebourg, ville culturelle et ancienne capitale impériale. Alors que l'ensemble du gouvernement ainsi que l'Aska, se trouvaient à Macan, capitale administrative, économique et politique. Depuis la révolution, Vladimir Ier, alias le Comte Noir, ou le Révolutionnaire, avait fait de nombreux palais bien publics. Certains étaient devenus des ministères, d'autres des écoles nationales. Cependant, loin d'être fou, il avait gardé des appartements impériaux à la capitale Macan, ainsi qu'un palais immense à Rebourg et un autre en dehors de la ville près de la mer. Le palais de Rebourg était communément appelé Palais Semaine, car l'empereur y passait sa semaine afin de travailler. Puis chaque vendredi soir il retrouvait sa famille dans le Palais Duncan, celui qui longeait l'immense baie du Danahue. La famille impériale était très réduite depuis la révolution qui avait eu lieu vingt ans auparavant. Il y avait l'impératrice ,Olga Moscov, descendante directe de l'empereur précédent, celle qui dans la mentalité collective donnait tout la légitimité nécessaire à Vladimir puisqu'il n'est pas un descendant de la famille Moscov. Puis venait leurs deux enfants. Leur fille ainée, Elizabeth, née durant la guerre contre la Garmanie, l'État voisin, durant laquelle son père s'était illustré en tant qu'aviateur, et leur fils, Cyril, enfant chétif qui était toujours malade. Il était né durant la révolution et son père l'avait peu connu durant son enfance à cause de l'instabilité du pouvoir. Vladimir fut débordé en cette période et Cyril resta au soin de sa mère qui lutta intérieurement entre son amour pour son mari et celui pour sa famille. Tiraillée entre sa fidélité à son père et son amour absolu pour Vladimir, elle avait pris une décision sans pour autant pardonner à son mari de l'avoir obligé à choisir. Leur couple sombrait, depuis presque vingt ans, dans l'obscurité d'un amour, certes réel et toujours vivant, mais entaché par des cadavres familiers, donc Vladimir fut le bourreau et sur lesquels Olga versa ses larmes. Il prit sa voiture et demanda au chauffeur de le conduire directement au Palais Duncan. Plus vite Elizabeth apprendra la nouvelle, plus vite elle prendra conscience de l'impossibilité de refuser. Escorté de sa garde personnelle, il arriva tard au palais. Sa famille soupait. Cyril, âgé de dix-neuf ans, le dos courbé, le regard vide, contemplait son assiette sans vraiment avoir faim. Il était très blond, avec une petite moustache, propre au Prince d'Allénie. Son père discernait en lui un esprit vif mais empreint de paresse qu'il justifiait par sa maladie. En face de lui, à table, sa sœur Elizabeth, discutait activement avec le domestique qui lui apportait une ration de saumon frais. Olga fit un sourire à son époux lorsqu'il rentra dans la salle à manger. Il lui rendit ce haussement de lèvre et s'assit au bout de la table face à elle :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieWhere stories live. Discover now