Chapitre III

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 Ce que Vladimir nommait « le grand jour » et ce qu'Olga appelait « le terrible départ » était arrivé. Elizabeth possédait tellement de vêtement et ne sachant quel temps elle aurait en Auguste, prit des dizaines de valises imposantes que les domestiques eurent du mal à porter. Cyril avait le strict minimum, comme le voulait la tradition du service militaire. Leurs parents patientaient dans l'imposant hall du palais Duncan. Leurs enfants ne tardèrent pas à arriver, émanant du grand escalier suivis de leurs bagages :

-Enfin ! S'exclama Vladimir impatient. Qu'est-ce que... ?

Il aperçut les valises de sa fille et sa langue se bloqua dans son palais. Olga pouffa alors qu'Elizabeth ignora la réaction de son père. Il leva les yeux au ciel et sortit sur le parvis du palais. Toute la famille grimpa dans le véhicule qui s'avança devant eux. Il fallut charger les bagages dans un autre. Cyril se moqua de sa sœur à ce sujet. Ils allèrent à la gare impériale à quelques kilomètres du palais où stationnaient les deux trains impériaux qui étaient reconnaissable grâce à l'emblème de la famille Moscov-Layton, un aigle à trois têtes. Cyril avança, son menu bagage à la main vers un wagon. Sur le quai entre les deux trains, la famille impériale se faisait leurs adieux. Olga versa quelques larmes en embrassant sa fille sur la joue :

-Sois gentille, évite un incident diplomatique. Conseilla-t-elle.

Vladimir parla à Cyril de la magie de l'armée de l'aire et du plaisir de voler au milieu des nuages. Il y avait deux trains, un pour Elizabeth, l'autre pour Cyril. Chacun allant dans une direction différente : l'un au Sud, l'autre à l'Est. Quand les domestiques eurent placé l'ensemble des valises de la Princesse dans le wagon prévu à cet effet, elle grimpa sur les marches qui la menaient au grand wagon salon. Cyril fit de même dans l'autre train. Ils ouvrirent une fenêtre et se firent un sourire triste. Sur le quai leurs parents leurs firent des signes de mains avec entrain. Les gardes qui les accompagnaient pour leurs sécurités montèrent aussi et fermèrent les portes. Le chef de gare siffla le départ et fit un signe pour inviter les conducteurs à démarrer leurs machines. Elizabeth avait dix jours de voyage et Cyril cinq heures de train. Les trains s'ébranlèrent simultanément rythmés par les pleures de l'impératrice et par les bruits des cheminée d'où sortait une épaisse fumée noire. Bientôt Elizabeth ne distinguait plus ses parents, ils étaient des petites taches au loin, tout comme le train de son frère. Elle s'assit sur un canapé et se courba en passant sa main dans ses cheveux. Mais dans quoi s'était-elle embarquée ? Eviter l'incident diplomatique...Elle avait omis ce fait. Elle se trouvait bien bête. Elle, future impératrice, n'avait à aucun moment pensé que ce mariage avait des visées politiques importantes pour le bien de l'Empire qu'elle allait un jour diriger. Elle se frappa le crâne et loucha vers les paysages de son pays. Elle se leva et contempla les plaines agricoles. Sur le passage du train impérial, certains paysans couraient en ayant l'espoir d'apercevoir la personne qui se trouvait à l'intérieur. C'était peine perdue ! Le train était trop rapide pour eux, mais ils voulaient le faire, c'était un moyen parmi tant d'autre de montrer leur attachement à des personnes qu'ils ne connaissaient que de nom mais qu'ils vénéraient. Elizabeth posa sa tête contre la vitre froide et souffla. De la buée se forma et elle la regarda disparaître doucement au milieu des champs verts. Et pour la première fois elle se demandait qu'elle tête avait son fiancé ?

Cyril traversa des forêts boisés où évoluait une communauté de bucheron qui s'inclinait au passage du train. Il s'installa à un bureau en bois sombre sur lequel se trouvaient des photographies de son père jeune devant son avion noir, d'où son surnom. Cette photographie datait de l'époque où son père n'était que le fils du Comte Layton. Il avait peu changé. Brun, de forte carrure, un visage carré et harmonieux avec des boucles légers qui descendaient sur ses oreilles. Il suffisait de rajouter un peu de barbe et on pourrait croire la photographie récente. En voyant cette image, Cyril comprenait ce qui avait fait chavirer le cœur de sa mère, alors fille ainée de l'Empereur Gregor VI. Elle l'avait choisi alors qu'il n'était pas correctement noble dans ses origines pour prétendre à la main de la Princesse. Combien de fois Olga avait raconté l'histoire de la demande en mariage de Vladimir ? Cyril l'avait entendu des centaines de fois car à chaque fois qu'elle était fâchée contre son mari, elle se remémorait cette histoire et elle se souvenait pourquoi elle l'aimait. En effet, Olga étant promise au Prince du Romaland, Vladimir avait parcouru toute l'Allénie pour passer la frontière afin d'empêcher cela et alors que les carrosses impériaux parcouraient la capitale de ce pays étranger, il avait forcé la sécurité et s'était jeté devant les roues du convoi d'Olga alors qu'elle était accompagnée du Prince. C'était elle qui l'avait appelé au secours, à l'aide d'une missive, elle refusait d'épouser ce Prince qu'elle ne connaissait pas. Pourtant elle imposait la même chose à sa fille. Le carrosse s'était stoppé et Vladimir avait supplié l'Empereur Gregor de lui donner la main d'Olga. Ceci devant les Romaliens et la famille impériale de ce pays. Le train s'arrêta brusquement. Cyril sursauta, et ses pensées, alors tournées vers ses parents, s'orientèrent vers les raisons possibles de cet arrêt. Il se leva, prit son manteau et sortit. Il descendit les quelques marches et mit les pieds sur la terre. Autour de lui, les bois semblaient menaçants et la nuit tombait déjà. Les gardes impériaux s'activaient. L'un d'eux arriva vers Cyril et lui expliqua :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieWhere stories live. Discover now