Chapitre VII

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Le train entra en gare. Cyril revêtit son long manteau et prit sa casquette qu'il enfonça sur sa tête. Lana baissait les yeux depuis presque une heure. Elle était comme absente. Elle touchait distraitement ses mains en murmurant des paroles inintelligibles. Le Prince avait beau tendre l'oreille, il semblait qu'elle parlait une langue étrangère. Il n'osait pas lui demander l'origine de ce dialecte. Qu'importe ! Pour le moment il était essentiellement inquiet de ce qu'elle allait lui dire dans quelques minutes. La porte s'ouvrit vers l'extérieur et Cyril descendu. Il faisait froid, sa moustache frissonna. La nuit était si noire que les cheveux de Lana se confondaient avec le ciel. Elle suivait Cyril. La gare était vide et ridiculement petite. Pour accueil, Cyril eut droit au général en chef de l'UACN. Le célèbre Auguste, un vieil ami de Vladimir. Grand, fin, avec des lunettes rondes posées sur un nez aquilin dominant une face fine et anguleuse, Auguste était le prototype du soldat fidèle et droit. Il avait été ministre de la Défense après la révolution. Il tendit sa main à Cyril :

-Bonsoir Soldat ! Dit-il avec froideur. Votre Père m'a bien précisez de vous traiter comme les autres. Ce que vous comprendrez aisément.

Lana eut un sourire mesquin. Cyril lui fit un regard noir qui signifiait qu'elle ne devait pas se mêler de cela. Il serra la main d'Auguste :

-Oui, je n'en attendais pas moins de lui. Dit-il. La voiture pour Mademoiselle est-elle là ?

-Oui. Votre dernier privilège en tant que Prince, dès que vous serez en poste à la caserne, adieu les traitements de faveur.

Cyril se tourna vers Lana et fit un signe de tête pour qu'elle le suive jusqu'à l'extérieur de la gare. Dehors, une voiture noire attendait. Un chauffeur immobile comme un piquet patientait près de la portière arrière. Il s'inclina devant la jeune femme et, d'un geste saccadé, avec une absence d'humanité, baissa la poignée. Lana se faufila à l'intérieur du véhicule. Le chauffeur ferma la porte et, pendant qu'il grimpait à son tour dans l'habitacle, Cyril frappa doucement à la vitre de la portière. La jeune femme la baissa :

-Vous aviez une chose à me dire ? Rappela-t-il en se courbant vers elle. Je vous écoute.

Elle soupira. Le chauffeur fit gronder le moteur :

-Je suis Lana Ronor. Vous comprenez ce que cela signifie ?

Cyril se figea de stupeur. Oui, il comprenait. Il laissait filer la fille de Charles Ronor. L'ennemi numéro un de son père. Il laissait partir la seule personne qui savait où il se cachait depuis près de vingt ans. La surprise de l'annonce passée, il affirma à Lana qu'elle n'avait rien à craindre de lui :

- Vous êtes bien bête. Soupira-t-elle avec gentillesse toutefois. C'est vous qui devez me craindre.

Elle releva la vitre et le véhicule s'ébranla subitement, emmenant la fille de Ronor avec lui. Cyril n'en revenait pas. Combien de chance avait-il de rencontrer un jour au détour d'un bois, dans un village perdu, la fille de Charles Ronor ? Et pourquoi a-t-il fallut qu'elle soit comme cela ? Si belle et inoubliable. Le Prince sentit une main sur son épaule. C'était Auguste. Il était tard et temps de rejoindre la caserne. Cyril traina les pieds jusqu'au bâtiment qui faisait face à la gare. C'était le quartier général. Là où pendant la guerre contre la Garmanie son éminent père avait donné des ordres et où il en avait reçu. Là où il s'était forgé une si belle réputation de combattant patriote que son arrivée sur le trône fut le Salut de tout un peuple. Justement une immense photographie le représentant devant son avion trônait au beau milieu d'un mur du hall d'entrée. Cyril savait que son père allait lui faire de l'ombre durant tout son service militaire, s'il était possible de faire de l'ombre à un fantôme, pensa-t-il. Auguste le mena au dernier étage, les dortoirs, en marchant il lui indiqua la chance qu'il avait :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieWhere stories live. Discover now