Chapitre XXIII

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Elle cria de douleur, serrant la main du pauvre général Colpaille qui transpirait autant qu'elle. Saphira accouchait enfin de cet enfant tant désiré. La sage-femme lui demanda de pousser encore, car c'était un gros bébé. Elle obéit et donna tout ce qu'elle pouvait. A chaque instant elle pensait à Salim, juste à lui, imaginant qu'elle tenait sa main à lui et non au peu séduisant Colpaille. Un petit cri se fit entendre, Colpaille se pencha pour avoir connaissance du sexe de l'enfant :

-C'est un garçon ! S'excita-t-il.

-Donnez-le-moi ! Ordonna Saphira. Vite !

La sage-femme déposa le bébé dans les bras de sa mère. Saphira embrassa le crâne chaud de son fils. Colpaille sortit une liste de prénom mais sa Reine déclara :

-Il se nomme Rafael-Salim Auguste du Nouveau-Duché.

La pluie tombait sur Lebel, capitale mondialement connue du Monterre, pays d'accueil des réfugiés politiques par excellence, séparé de l'Allénie par le Romaland seulement. La ville, au centre du pays, était réputée pour sa culture et ses monuments impressionnants, quant au pays il était l'un des seuls à pratiquer une vraie démocratie républicaine comme aimaient le désigner les Montois, si fiers de leur pays. Les gouttes de pluies foutaient les vitres de la résidence où vivait Saphira depuis la chute de Diavie. Elle enfouit le petit Rafael dans une couverture et ne cessait de lui baiser le crâne où apparaissait déjà quelques cheveux bruns et fins. L'enfant ouvrit les yeux, Saphira eut un sursaut de surprise. Ces yeux ! Elle les connaissait si bien ! Ceux de Salim, exactement ceux de Salim, ceux qui se contrôlaient si bien, ceux qui communiquaient chaque sensation ressentie. Ses yeux qui avaient su aimer Saphira durant des années. Saphira ne put que s'en réjouir. Elle embrassa encore et encore le nouveau-né. Elle aura sa vengeance, ne cessait-elle de penser, ce n'était qu'une question de détermination, de temps. Avec cet enfant, elle récupérait son trône, son amour, et tout ce qui lui était cher. Bientôt son rôle de Reine prit le pas sur son bonheur naissant. Elle avait certes, gagné un enfant, mais aussi perdu son pays :

-Colpaille, annoncez au monde la naissance de mon héritier, et réclamer le trône du Nouveau-Duché, nous allons nous battre !

-Vous avez raison. Je vais écrire à la presse. Dès demain, le Prince Rafael sera connu dans le monde.

Colpaille se retira et alla accomplir ce à quoi il était destiné.

La nouvelle ébranla toutes les royautés et empires du monde, surtout celui d'Allénie. Salim avait un fils et Elizabeth n'arrivait pas à digérer l'information et surtout à la cacher. Cet enfant, ce « démon » ou « monstre » était une véritable catastrophe. Depuis la révolution, c'était l'une des pires crises que traversaient les Moscov, la mort de Vladimir, la mort d'Aryna, la détresse de Cyril et Olga l'impopularité d'Elizabeth et l'enfant illégitime de son mari. Que pouvait-il arriver de pire ? Rien, pensa l'Impératrice seule dans son immense bureau du palais Semaine. Devant tous ses dossiers à lire et signer, elle se demandait si son rôle n'était pas de régler tous ses problèmes plus que de donner son accord à quelconque loi nouvelle. Elle voulait remettre de l'ordre dans le pays, montrer sa toute-puissance profondément ébranler par la mort de Vladimir, plus qu'un homme, un symbole. Brusquement elle se leva de sa chaise, traversa la pièce et ouvrit la porte :

-Vous ! Allez me chercher le Ministre de l'Intérieur ! Au plus vite !

Elle donnait cet ordre à un des secrétaires qui officiaient dans l'antichambre qui précédait la pièce où se prenaient les plus grandes décisions de l'Empire. Au bout de deux longues heures, le Ministre apparut. Il était vieux, chauve, petit, mais avec un regard vif qui trahissait sa détermination et son obéissance. Il s'inclina devant Elizabeth. Celle-ci debout, l'invita à s'asseoir sur un sofa près d'une baie vitrée où pénétrait le soleil de cette après-midi :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieWhere stories live. Discover now