Chapitre XIX

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Le navire impérial de vacances longeait la baie de Rebourg avec une lenteur maitrisée et agréable. Elizabeth montrait du doigt à Salim telle ou telle minuscule île et parlait de son utilisation. Souvent elles servaient de conservation de la faune et la flore précieuse pour l'Allénie. Voilà ce qu'elle aimait de son pays, Elizabeth, ses endroits inhabités, calmes, beaux et inaccessibles. Il fallait les contempler de loin et rêver de leur profondeur réelle. Accoudé à la rembarre du navire, Salim s'étonna de cela. Elizabeth aimait ce qui était inaccessible. Le fait qu'elle ait toujours eu tout ce qu'elle voulait, avait-il renforcé ce trait de caractère ?

-Elizabeth. Tu te rends compte que demain nous nous marions ?

-Non.

-Comment ça non ?

-Non, je ne me rends pas compte, pas encore. Je m'étais juré de ne pas t'épouser alors je n'arrive pas en prendre conscience du fait que j'ai cédé.

Elle s'éloigna du rebord et gagna l'intérieur du bateau où sommeillait Cyril bercé par les mouvements du navire sur les flots. Il dormait mal et cette sortie lui avait permis d'oublier un peu ce quotidien si navrant. Salim rattrapa Elizabeth et lui attrapa le bras. Elle se retourna vivement vers lui :

-Pourquoi avoir cédé ? Demanda-t-il en chuchotant à cause de Cyril.

Elle ôta son bras de la main du jeune homme avec hâte et dans un mouvement saccadé. Encore une fois, le regard du jeune homme exprimait tout ce qu'il pensait : la crainte de la réponse. Mais de quoi avait-il peur ?

-De quoi as-tu peur Salim ? Pourquoi me regardes-tu ainsi ?

Elle était fâchée, sa question n'en était pas une, elle savait exactement de quoi avait peur son fiancé en cet instant. Il baissa les yeux et rougit comme un enfant auquel on reprochait une bêtise. Ridicule, pensa Elizabeth en se détournant brusquement de lui :

-Cyril ! Cria-t-elle. Debout !

Elle le poussa du canapé. Il sursauta et tomba à plat ventre sur la moquette. Salim l'aida à se lever alors qu'Elizabeth quitta précipitamment la pièce en tapant des pieds :

-Que lui arrive-t-il ? S'enquit son frère en baillant.

-Je crois que ma question l'a bouleversé.

-Quelle question ?

-Pourquoi a-t-elle accepté de m'épouser ?

-Pour satisfaire notre père, et pour les besoins politiques qui accompagnent notre rang. Argumenta Cyril sûr de lui.

-Votre sœur est plus déterminée que n'importe quel empereur ou raison politique. Je pense qu'il y a plus que cela, mais la vérité m'effraye.

-Alors oubliez la vérité et laissez le monde vous mariez. Se désola Cyril.

Il avait raison. Salim se laissa porter par le navire qui le ramenait à Rebourg afin qu'il se lie à jamais à Elizabeth Moscov.

L'effervescence gagnait l'ensemble du pays. Après un mois de préparatif intense, le grand jour était arrivé pour la nation allénienne. Jamais, depuis le couronnement de Vladimir, un si grand événement n'avait eu lieu, un évènement qui réunissait l'ensemble de la population sous un même drapeau. Le protocole était stricte, l'organisation de la cérémonie aussi. Tout devait se dérouler comme le mariage d'Olga et Vladimir, dernière événement public avant la révolution. Au sein du Palais Duncan les futurs époux se préparaient avec leur famille. Salim n'ayant aucune famille sur place, Cyril fut réquisitionné. Il l'aida à se vêtir, comme le veut la tradition, car le marié ne devait fournir aucun effort, tout comme la mariée. Les habits officiels étaient resplendissants. Les vestes d'une blancheur extrême, brillaient de leurs médailles en ors, de leur boutons scintillants et les pantalons noirs droits étaient enfoncés dans des bottes noirs cirées et neuves, dans lesquelles Salim pouvaient presque voir son reflet. Cyril attacha un à un les boutons de manchettes de son beau-frère et lui donna sa casquette. Elizabeth faisait de même dans ses appartements où l'agitation régnait. Des femmes, habilleuses pour la plus part, l'aidèrent à se vêtir, car il était loin d'être facile de mettre une robe de mariée aussi grande et somptueuse. Des diamants recouvraient le col, celui-ci partait bas des épaules et laissaient ses dernières à la vue de tous. Une broche fut fixée sur ses cheveux parfaitement coiffé en un magnifique chignon, une autre fut placée sur le buste de la robe en dessous des diamants. Enfin le bas de la robe était composé de tissus de longueurs différentes. Lorsqu'elle bougeait, Elizabeth avait l'impression qu'elle faisait un bruit de frou-frou. L'ensemble d'un blanc immaculé, faisait ressortir la beauté de la jeune femme :

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz