Chapitre XXXI

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Au palais Duncan rien ne s'arrangeait, au contraire. Salim ruminait dans son coin tentant de se convaincre de partir voir Saphira en sachant qu'il blesserait Elizabeth avec son départ. Cette dernière assistait régulièrement au conseil des ministres avec son père à Macan car la guerre s'approchait dangereusement. Elle n'en parlait pas à Salim car sa culpabilité était si forte que chaque fois que la guerre était évoquée, il retenait un sanglot. Elle n'aimait pas le voir ainsi. Cette mauvaise posture diplomatique avait paradoxalement rapproché le couple. Elisabeth ne s'était jamais sentie plus proche de Salim que depuis leur dispute il y a plusieurs jours, ils osaient tout ce dire à présence, sans aucune gêne. Peut-être finiraient-ils par s'aimer réellement ? Néanmoins la conjecture actuelle empêchait la discussion à ce sujet. Vladimir, trop occupé à vérifier l'état de l'armée, ne parlait plus d'héritier ou d'enfant impérial pourtant nécessaire à la survie de sa lignée. Olga était, elle aussi, occupée à vérifier les hôpitaux militaires. Tout devait être prêt quand le Nouveau-Duché déclarera la guerre à l'Allénie. Vladimir avait écrit à Cyril dans ces termes :

Fils,

Reste à Manâm le temps du conflit, tu seras en sécurité là-bas. La guerre, si elle éclate, sera courte mais rude, car chaque pays déploiera les forces en présence. Tout n'est que mensonge autour de nous. La Garmanie veut sa vengeance et le Nouveau-Duché veut Salim. C'est n'importe quoi ! Moi qui pensais que les guerres pour une histoire de cœur étaient révolues ! Reste là-bas, sois fort !

Je t'embrasse. Que Rey veille sur toi.

Ton père, Vladimir.

Et ce qui devait arriver arriva. Salim prit sa décision. Il annonça à l'Empereur son désir express de partir converser solennellement avec Saphira. Dans le grand bureau du palais, Vladimir écouta le jeune homme plein de détermination. Il ne supportait plus cette duplicité, dormir chaque nuit avec Elizabeth et savoir que Saphira était en train de commettre l'irréparable pour lui :

-Je ne suis pas sûr que ton intervention nous soit favorable. Dit Vladimir. Et Elizabeth ne sera jamais consentante.

-Je ne pense pas avoir besoin de son consentement. Répliqua Salim.

-Je pense le contraire. Allons-bon, imaginez un instant que Saphira vous retiens prisonnier, nous serons obligés d'attaquer le Nouveau-Duché pour vous libérer. La guerre est inévitable, alors restez ici.

Salim se mit à réfléchir brusquement et demanda une ultime faveur à l'Empereur. Il y avait dans cette demande une certaine mélancolique et une définition de l'amour selon Salim. Vladimir lui accorda cette faveur et le laissa regagner ses appartements. Elizabeth s'apprêtait à se coucher lorsque Salim arriva. Il tourna le dos quand il la vit en chemise de nuit. Elle se clissa rapidement dans les draps et lui autorisa à se retourner vers elle. Elle vit qu'il était tracassé. Il ne dit mot, déambulant dans la chambre les mains dans le dos. Il en était persuadé demain la guerre éclatera, l'émissaire du Nouveau-Duché faisait route vers Rebourg, tout le monde le savait, celui de Garmanie ne devrait pas tarder. Elizabeth lui somma de se coucher, elle avait du mal à dormir quand il n'était pas là. Il fit la moue avant de passer dans une autre pièce pour se changer. Il réapparu en pyjama et dit :

-Tu me détestes n'est-ce pas ?

Elizabeth haussa un sourcil d'étonnement et ne répondit pas, préférant dire :

-Au conseil ce matin, la ministre de l'Education m'a fait entendre que malgré toute cette affaire, elle te trouvait particulièrement à son goût. Cela m'a fait rire. Je l'apprécie beaucoup.

Les Seigneurs de Fallaris   Tome 1: AllénieWhere stories live. Discover now