Séparés en trois groupes, je m'efforce à rester près de Luther pour ne jamais avoir à croiser le regard de Allison. Noël approche à grand pas et les ruelles sont pleines à craquer de décorations ou de chants tout simplement ridicules. De ce fait, mon frère est comme un fou, parcourant chaque magasin qu'il peut trouver en s'émerveillant sur ces derniers. Je n'arrive pas à comprendre son enthousiasme. Après tout, ce n'est qu'une fête comme les autres. Les familles se regroupent, me rappelant que la mienne est détruite, et l'on chante pour cacher la douleur de chacun. Un jour de plus avec un masque.
— Sloane l'aurait adoré ! S'exclame-t-il en me pointant du doigt la ville entière.
Je grimace, les poings enfoncées dans ma veste. Je n'arrive pas à comprendre comme il y arrive. Comment il peut avancer, le sourire aux lèvres, alors que sa femme a été effacée de l'univers. Comment il peut parler d'elle, les yeux brillants d'amour, sans fondre en larmes juste derrière. Comment il peut vivre sa vie alors qu'il a été ressuscité à ses dépends. Ça dépasse tout ce que je peux penser ou espérer pour moi. Parce que je n'ai pas cette force. Cette force de vivre là où ma vie aurait dû se stopper.
Alors, comme un gamin, Luther se jette sur l'un des fourre-tout qu'une boutique présente. Je roule des yeux, tout à la fois amusée et agacée par ce comportement enfantin, alors qu'il soulève vers nous une sorte de cadran abîmé par le temps.
— Oh ! Ces finitions sont vraiment incroyables ! Nan, sérieux, regarde !
Je hausse les épaules, sans même prendre la peine de faire semblant de m'y intéresser, et il retourne à nouveau son attention sur ce dernier, l'analysant sous tous les angles. Je souris malgré moi, heureuse de le voir si vivant après tout ce qui nous est arrivés, et tend les mains vers ce dernier.
— Fais voir. J'essayerais de t'en faire une copie en rentrant.
Ses yeux s'agrandissent d'émerveillement. Il me regarde, la bouche grande ouverte, et je suis à deux doigts de retirer mon offre, juste pour ne plus voir ce regard.
— Sérieux ?
— Me force pas à regretter cet élan de gentillesse et passe-moi cette merde.
Il acquiesce vivement, comme s'il craignait me voir exploser, et me le donne enfin. Je m'y penche alors, les sourcils froncés, et tâte le bois pour en deviner la composition
Ça me rappelle ces foutus entraînements avec papa, les heures passées à tâtonner divers objets pour en reconnaître la composition sans même le regarder, rien qu'au toucher.
— OK, je marmonne, plus pour moi que pour lui. Ça devrait être facile.
— Oh, Gaby, je pourrais t'embrasser !
Lorsqu'il ouvre les bras, prête à mettre ses menaces à execution, je me recule d'un pas, grimaçant vulgairement.
— Abstiens-toi, mon gros.
Soudain, attirant mon attention, la vendeuse sort enfin de son magasin, le bruit mécanique de sa chaise roulante me parvenant presque trop fort.
— Nous pouvons expédier vos achats dans tout le pays, nous annonce-t-elle dans un immense sourire.
— Oh ! S'exclame mon frère, Super, merci !
Alors que j'observe Luther s'émerveiller sur chacun des petits objets qu'il aperçoit, un soupir agacé m'échappe. J'ai si froid que mes oreilles commencent à me brûler et je suis à deux doigts d'égorger le prochain passant qui osera chantonner un air de "Vive le Vent" devant moi.
Bordel, cette ville est un putain de cliché ambulant, c'en est flippant.
— Tu crois qu'il y a un marché pour la danse érotique dans une ville de cette taille ? Nous demande justement ce dernier.
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Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\
FanfictionÀ la douzième heure du premier jour d'octobre 1989, quarante trois femmes à travers le monde donnèrent naissance à un enfant. Le seul facteur commun était qu'aucune de ces femmes n'étaient tombés enceintes auparavant. Sir Reginald Hargreeves, millia...
