Suivant Ange à travers la rue quasi déserte, nous arrivons enfin dans un bar, l'un de ceux que j'appréciais tant fréquenter dans ma ligne temporelle, quand j'étais ado. Le genre à vous laisser boire sans vous demander votre pièce d'identité, le genre à avoir une batte derrière le bar pour s'attaquer au moindre fouteur de trouble. En somme, l'endroit rêvé pour moi, s'il n'a pas changé dans cette ligne-ci. La musique vient chatouiller mes oreilles, me sauvant d'un possible silence terrifiant que je ne supporterais pas d'entendre, et Ange vient alors tirer une chaise pour m'inviter à m'asseoir, souriant comme un idiot.
— Madame.
Un sourire moqueur aux lèvres, je prends un malin plaisir à choisir la chaise qu'il s'était choisi, le laissant tirer une chaise sur laquelle personne ne compte s'installer. Il glousse, loin d'être vexé, et se jette sur cette dernière comme le ferait un gamin impatient de dévorer sa glace. Je me pose alors sur chacun de ses tatouages, tout particulièrement celui à l'intérieur de son poignet : un corbeau dans un rond. Tout comme notre parapluie, à mes frères et moi. Ce fichu rappel n'acerbe davantage la situation dans laquelle nous nous trouvons : notre maison est la leur, désormais.
— Vous avez foutu un sacré boxon, la dernière fois, m'intime-t-il soudainement, d'une voix joueuse.
Je lâche un rire nasal, amusée par sa manière de décrire notre arrivée plus que fracassante, il faut bien l'admettre.
— C'est un truc courant avec nous, vous vous habituerez.
— J'espère pas ! J'aime être surprit, tu vois.
— Oh, vraiment ?
— Ouais, c'est que ça peut être barbant d'être un Sparrow, tu vois. Je ne suis jamais parti plus loin que cette ville de merde.
J'hausse un sourcil, surprise. Il est évident que, contrairement à nous, les Sparrow ne se sont jamais séparés. Ils font tout ensemble, comme nous le faisions avant la mort de Ben. Pour ma famille, il nous a fallut deux apocalypses pour nous rapprocher.
— Alors, ma beauté, me coupe-t-il dans mes songes, que commandes-tu ?
— Un Diabolo cerise, ça sera tout.
Les sourcils froncés, le Sparrow m'offre une moue dubitative qui m'arrache un gloussement amusé. Comme s'il s'agissait d'un sacrilège de ne pas boire d'alcool. Exactement ce que je pensais, avant de tomber dans l'addiction.
— Quoi ? Même pas un petit verre ?
— J'ai arrêté. Du moins, j'essaye.
Il hoche la tête, marmonnant un 'cool' à peine audible, et soulève alors ses doigts pour interpeller un serveur.
— Deux Diabolo cerises, mec !
Alors, suivant ses mots, son regard aussi sombre qu'il me paraît vide s'abat sur le mien, et il m'offre l'un de ses sourires dont je pourrais rapidement finir accro si je n'étais pas habituée à être la méchante des histoires. Apparemment, Ange et moi partageons un plaisir commun à détruire les cœurs des autres.
— Alors arrêtons à deux, Gabriella.
Qui aurait pu croire que je finirais par me délecter des paroles d'un homme ?
— Gentleman, effectivement, je me moque gentiment.
— Comment pouvais-tu en douter, je suis le meilleur de ma fratrie !
— Leur numéro Un, je présume, je lance dans un sourire moqueur.
— Numéro Huit. Le meilleur pour la fin, chérie.
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Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\
FanfictionÀ la douzième heure du premier jour d'octobre 1989, quarante trois femmes à travers le monde donnèrent naissance à un enfant. Le seul facteur commun était qu'aucune de ces femmes n'étaient tombés enceintes auparavant. Sir Reginald Hargreeves, millia...
