Chapitre 38

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Avez-vous eu la sensation de goûter au Paradis ? D'avoir trouvé la paix, la vraie, celle que l'on peut voir dans les contes de fées ?

J'ai toujours cru que le bonheur, la paix, étaient des choses irréalistes que l'on ne verrait jamais dans la vie réelle. Petite, mon enfance a été une véritable expérience et, en grandissant, je n'ai jamais été rien d'autre que le numéro Huit de la célèbre 'Umbrella Academy', ou la mannequin volage. Pour moi, la paix ne m'était pas permis : j'étais née avec des facultés, c'était ma malédiction à moi.

Mais en ce moment même, allongée à même le sol dans ses bras puissants, une simple couverture couvrant ma peau brûlante, je n'ai jamais eu une meilleure impression du bonheur.

Là, en ce moment-même, plus rien ne compte appart lui. Appart Ange. Plus de fin du monde, plus de combats ridicules entre les Sparrow et nous, plus de Kugelblitz. Juste lui et moi.

C'est si réconfortant. Si terrifiant. Si... Addictif.

— Je t'aime.

Sa voix, murmurée à mon oreille, réveille tout un tas de papillon au fond de mon estomac. Je souris, ses lèvres embrassant ma tempe dans une tendresse brûlante, et lâche l'un de ses gloussements que je n'arrive jamais à contenir lorsqu'il est question de lui.

— Oh, pitié, pas de "je t'aime" après une partie de jambes en l'air.

— Aïe, tu es vraiment vilaine, tu sais ! Tu préférerais peut être que je dises "bordel, ce que tu étais bonne", hein ?

Dans un geste maniéré, Ange désigne les armoires renversées et les nombreux bibelots au sol. Je glousse, observant le bazar que notre union a pu laisser. Tout ce qui reste, c'est cette radio des années 60 que j'ai matérialisé pour un tant soit peu cacher le bruit de nos ébats, la musique grésillante sortant toujours de cette dernière.

 Cela n'avait rien à voir avec notre première fois ensemble, douce et rassurante. Là, c'était brutal, animal. Tout ce dont j'avais besoin pour tenir, ne pas craquer après tout ce qui vient de se passer en si peu de temps.

— Après tout, ce ne serait qu'affirmer la vérité.

— Tellement modeste, ma beauté. Apprends-moi ce tour.

Je ricane, loin d'être vexée. Parce qu'il a raison. Je ne suis pas quelqu'un de modeste : si je sais que j'ai été bonne, pourquoi mentir ou le cacher ? J'ai suffisamment d'expérience pour savoir où je suis douée et ce que je sais faire, et je n'ai jamais eu la prétention de dire que je n'étais que "bien".

— Pour ça, angelo mio, il faut avoir eu la même enfance que moi.

Être constamment surveillée, jugée et notée. N'être rien d'autre qu'un numéro, une expérience ridicule pour soulager l'ego surdimensionné d'un homme horrible.

J'ai été élevé en me sachant spéciale. Je n'ai donc jamais appris ce que l'on appelle "la modestie".

— C'était comment ? Me demande-t-il dans un soupir. La vie en tant qu'Umbrella.

Un soupire m'échappe avant même que je ne le sens quitter mes lèvres. Les doigts rassurants de Ange dessinent des petits cercles sur ma peau, et mes mots se délivrent d'eux-mêmes, pour la première fois.

Je n'ai jamais parlé de mon enfance au sein de l'académie. Ni des expériences, de la charge mentale ou de ma terreur du silence. Ce qu'il y avait à dire, Viktor l'avait balancé dans son bouquin. Et le reste, me livrer ne m'est simplement jamais venu en tête. Je ne suis pas du genre à me plaindre de mes souffrances ou de mes traumas : ça ne serait que balancer ma faiblesse au monde, et j'ai assez de défauts pour ne pas avoir à rajouter 'faible' dans la liste.

Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\Where stories live. Discover now