Chapitre 44

78 6 13
                                        


D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été une très mauvaise perdante.  Je pouvais taper une crise pour un +4 au Uno ou renverser la table au Monopoly lorsque je tombais sur la case prison. Mais jamais je ne me serais dis que j'étais une mauvaise gagnante.

J'ai pourtant eu ce que je voulais : nous n'irons pas risquer notre vie dans ce bourbier que papa décrétait comme la meilleure des solutions. Nous avions tout tenté pour sauver le monde et rien n'y faisait alors il était enfin temps de se laisser aller. À chaque tentative, la situation empirait, j'en avais assez de me battre et de risquer ma peau pour un rien.

Mais cette victoire ne me laisse qu'un goût aigre dans la bouche.

Un soupir douloureux quitte mes lèvres alors que je me laisse tomber sur l'une des nombreuses chaises du bar. Mon regard se pose sur les bouteilles, délicieuses et tentatrices, et je laisse mon crâne cogner contre le bois du bar pour me sortir cette mauvaise idée de la tête. Pourtant, elle ne me lâche pas d'une semelle, et c'est comme si je mourais de l'intérieur.

J'aurais voulu passer mes derniers jours avec mes frères et ma sœur. Avec ma belle-sœur, avec Lila, avec Ange... Mais la vie a décidé de me faire chier jusqu'au bout, apparemment !

— Oh, Gaby...

Je n'ai pas besoin de relever la tête pour savoir à qui appartient ce timbre sucré. Klaus vient s'asseoir à côté de moi, enroulant son bras autour de mes épaules, et je n'hésite pas une seconde avant de me laisser tomber contre son torse. Je suis épuisée. Epuisée de me battre, épuisée de tout cela.

— T'es venu me faire changer d'avis ? Je crache plus froidement que je le voudrais.

Mais il secoue la tête, ses doigts cheminant entre mes boucles emmêlés et mal définis. Il ne dit rien, mais je peux presque entendre ses pensées. Je sais de quoi j'ai l'air et ça me détruit, putain. J'ai l'air d'une alcoolique en manque, à deux doigts de se jeter sur les bouteilles en face d'elle.

J'ai l'air pathétique.

— Tu sais bien que non. Peu importe le résultat, je m'en foutais un peu.

— Tu t'es mis de son côté.

Celui de notre père. Le monstre de mes cauchemars, le monstre des siens. Bordel, je n'arrive pas à me faire à cette idée ! Klaus a choisi notre père, et ça me détruit plus que tout autre chose.

— Gaby...

— À Dallas, je reprends sans lui laisser l'opportunité de parler, t'étais prêt à abandonner Viktor. T'étais si terrifié que tu voulais abandonner, le laisser causer une nouvelle fin du monde. Et maintenant, le vieux débarque et te v'là plein de courage ?

Je suis horrible, méchante et injuste, je le sais. Mais c'est plus fort que moi : je lui en veux de s'être rangé de son côté alors que j'ai passé mon enfance à m'élever contre papa pour lui. Pour eux tous.

Toute ma vie, je me suis battue pour nous. Pour ne jamais n'être qu'un simple numéro, pour rappeler à  notre père que nous étions avant tout des humains. Et jamais l'un d'eux n'a daigné se lever avec moi. Je me suis battue seule, et ça me fait si mal de voir que rien n'a vraiment changé, bon sang...

— Il n'est pas le même !

Je me redresse, croisant ses pupilles verdâtres, et ce que j'y vois manque de me faire penser qu'il dit vrai. Elles brillent de douceur, de compassion... Comme celles d'un enfant. Un enfant qui a trop souffert, qui ne cherche qu'une chose : l'affection de celui qu'il appelle "papa".

— Il m'a aidé à comprendre mes pouvoirs, poursuit-il en posant sa main sur sa propre poitrine, à ne plus avoir peur des défunts ! Gaby, il m'a montré que je pouvais être extraordinaire, moi aussi ! Tu y crois, toi ? Pour la première fois, on m'a considéré comme un miracle !

Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\Where stories live. Discover now