— Hé, c'est ma sœur que tu mates, là, grince virulement Diego en ouvrant la porte du café. Dégage ou je te fais la peau !

Un sourire vient dessiner mes commissures tandis que j'offre un regard amusé à mon frère. À l'instar d'un chien atteint de la rage, il fixe le quinquagénaire aux yeux apparemment baladeurs comme s'il allait le tuer.

— C'est bon, je le rassure en passant l'entrée du bar, laisse tomber.

— Allez, allez, nous presse Klaus en se tournant vers nous. On se dépêche, les amis !

Résigné, Diego hoche la tête et pénètre à l'intérieur du bâtiment, refermant la porte derrière lui. Je capte sans soucis la silhouette de Luther, voûté au dessus de son verre, et m'y avance précipitamment.

— Regarde, nous le pointe du doigt Klaus.

Je passe la première pour rejoindre sa table, étalant un sourire sur mes lèvres devant ses iris orageux. Rapidement, je m'assois à sa table, imitée par Diego, tandis que Cinq et Klaus choisissent de rester debout.

— On combat le mal par le mal ? Lui lance Klaus avec une certaine perfidie.

— Laissez-moi tranquille, grommelle-t-il.

— Laissez-nous une minute, ordonne Diego en balayant sa main devant nous.

— Tu recommences à te la jouer commando ? Je questionne avec amertume.

— D'accord, acquiesce pourtant Klaus en prenant mon bras avec douceur. Allez, venez, ils vont essayer de s'entre tuer à coup d'idées noires.

Suivant ces mots, mon frère m'offre une grimace dégoûté qui m'arrache un gloussement. Je hausse les épaules, marquant mon indifférence, et me lève de ma chaise pour suivre mes frères jusque une table plus à l'écart, sur laquelle nous nous adossons pour écouter leur conversation.

Le regard rivé sur Diego, je concentre toute mes forces dans le cas où ils en viendraient aux mains et où je devrais intervenir. Cinq n'est pas encore parfaitement remit de sa blessure et Klaus, quant à lui, n'a pas la force nécessaire pour supporter les bagarres incessantes de nos deux frères. Il ne reste alors plus que moi, et je ne suis pas la meilleure des solutions, loin de là.

— Papa n'aurait jamais dû te mentir, ni à toi ni à aucun de nous, commence calmement numéro Deux.

— Ecoute, j'ai assez donné je pense. J'ai passé quatre ans là-haut à attendre et à observer parce qu'il a dit que tout le monde avait besoin de moi.

En entendant ces mots, je ne peux qu'haïr d'autant plus notre père. Il nous a détruit, nous a classé comme de simples numéros, a fait de nous ses marionnettes. S'il n'était pas mort, je pense sincèrement que je serais partie lui faire la peau.

— Quatre ans sans rien appart de la pâte de soja et de l'oxygène recyclé parce que j'ai été assez naïf pour croire que les pères ne mentent pas à leurs enfants. Mais devine quoi ? Il s'est foutu de moi.

L'air si détruit que j'en ai moi-même mal, Luther prend une gorgée de sa boisson. Le regard de Diego se tourne vers nous, comme pour rechercher de l'inspiration, et je hoche la tête pour l'inviter à poursuivre.

— C'est terminé, annonce Luther. J'veux plus entendre parler de lui, de toi ou de toute cette famille.

Aïe.

Les mots de Luther sont aussi durs que du papier de verre. Il est clair que nous n'avons jamais été très 'famille', cependant nous être retrouvés ranime en moi ce que je pensais mort depuis des années. Mon amour pour ma fratrie.

C'est vrai, nous sommes tous bien loin de la famille modèle. Nous sommes perchés, toujours à nous envoyer des piques, et les insultes fusent plus vite que les mots d'amours mais nous sommes une famille. Atypique, oui, mais c'est la mienne, et j'aime chacun de mes frères et sœurs. Je ne pourrais définitivement plus rester si longtemps loin d'eux, et ça me fait assez mal d'entendre que ce n'est pas le cas de tous.

Soudain, m'arrachant à mes pensées, le regard pressé de Klaus croise le mien. Il tapote sur son poignet, comme pour marquer le temps qui file, et je roule des yeux sans pour autant cacher le rictus qui me chatouille les commissures.

— Tu veux sauver le monde ? Poursuit-il, Fais-toi plaisir. Moi, ça me va très bien de rester assis là à finir ma bière. Et à me saouler...

— T'as envie de me laisser tomber, rétorque Diego sans une once agressivité, ce qui m'étonne assez je dois l'admettre, de laisser les gars et Gaby. Je comprends. Mais Allison mérite mieux que ça.

Il m'est impossible de retenir le sourire qui fleurit sur mes lèvres. Allison est la corde sensible de Luther, et c'est bien trop malin de l'utiliser pour le réveiller.

— Allison ? De quoi tu parles ?

— Gaby a déjà du te le dire, mais on a mit la main sur le dossier d'Harold Jenkins. Il se trouve que le petit copain de Vanya a été condamné pour meurtre. Je l'avais pas vu venir, celle-là. Faut jamais faire confiance à un gars qui porte du velours côtelé... 

— Et alors, elle est où, Allison ? 

— Elle essaie de retrouver Harold Jenkins. Toute seule.

Les yeux de Luther s'écarquillent presque immédiatement. Il entrouvre la bouche, la referme, puis la rouvre avec panique.

— Pourquoi tu l'as pas dis tout de suite ? Nom de Dieu !

J'étouffe un gloussement contre mon poing tandis qu'il se lève d'un bond, courant vers la sortie. Il manque de bousculer Cinq dans sa précipitation et nous le suivons tous d'un pas tout aussi vif. 

— Merde.

Aussi vite que nous le pouvons, nous fonçons jusque ma voiture pour s'y faufiler. Cinq prenant le volant, nous démarrons ainsi les recherches, mais la tâche me semble être tout sauf aisé. Harold n'est plus chez lui, Vanya non plus et Allison n'ayant pas de téléphone sur elle, impossible de la géolocaliser. En bref, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

La nuit est déjà tombée lorsque nous trouvons une piste quant à l'endroit où Vanya et Harold se trouvent. Postée à l'arrière entre Diego et Luther, je fixe mon attention sur la route pour ne pas paniquer.

— Tu peux aller plus vite ? Demande pour la énième fois Luther. 

— Si tu redemandes encore une fois, je t'enfonce l'allume-cigare dans l'œil.

Le silence est pesant, terrifiant même. Je me base sur le vrombissement du moteur afin de ne pas paniquer, mais le son n'est pas assez puissant pour calmer ma peur du silence. Et, lorsque nous arrivons enfin, Luther est le premier à sortir de la voiture, moi sur ses talons. Mon cœur manque d'exploser dans ma poitrine tandis que je gravie les marches de cette maison de campagne. Luther ouvre la porte dans un fracas, et mon organe vital semble s'arrêter en même temps.

— Allison ! Non !

Je rentre à sa suite et écarquille les yeux face au corps de ma sœur, dont le sang continue de s'échapper de sa plaie. Sa jugulaire a été tranchée et une marre de sang se forme sous elle.

— Allison ! 

Luther la prend dans ses bras aussi doucement qu'il le peut, passant ses mains dans ses cheveux, et je m'approche au plus près pour tenter de voir si elle va bien. Ses yeux papillonnent, et je passe une main tremblante sur sa peau pour prendre son cou.

— Elle perd trop de sang, je bégaie avec terreur. 

Putain de merde, c'est un cauchemar, c'est forcément ça !

— Allison, sanglote Luther dont la panique a prit le contrôle.

— On doit la ramener à la maison, ordonne Cinq dans un timbre calme qui ne trahit en rien son inquiétude et sa terreur. 


Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\Where stories live. Discover now