— Je ne...

— Oh, pitié. T'es aussi cabossé que moi. La différence, c'est que tu m'utilises pour oublier que toi aussi, tu as une vie de merde. Et tu as toujours été comme ça. Mais là, tout de suite, je ne suis vraiment pas d'humeur. J'ai perdu quelqu'un de très chères à mes yeux, et j'ai besoin de tranquillité...

C'est comme un coup de poignard. Le truc, c'est qu'il n'a pas tout à fait tord, et c'est peut-être ça qui me fait si mal. Pour me perdre, je me plonge dans les problèmes des autres, jusqu'à enfouir les miens. Quand je ne bois pas, je me sers des autres pour aller bien, par le biais du sexe ou de l'entraide. Mais, avec Klaus, c'est différent. J'ai toujours pris notre relation pour du 50/50 et j'ai vraiment mal de savoir qu'il pense la même chose que moi à mon propre sujet. Que je suis une égoïste, une cause perdue, et que je ne vaux sans doute même pas la peine.

Je suis la copine de beuverie. Pas celle que l'on appelle pour se confier.

— OK, je souffle en laissant le gant de toilette tomber dans l'eau.

Sans un mot, le cœur à vif, je quitte la salle de bain et fonce jusqu'au mini bar du salon. Mes pensées se chevauchent les unes aux autres et ma migraine vient s'implanter en mon sein.

Maman est morte. Par ma faute.

Klaus a été kidnappé. Et je ne m'en suis pas rendue compte.

Je termine la première bouteille qui me tombe sous la main, les yeux fermés pour échapper à la réalité. La brûlure délicieuse de l'alcool vient m'anesthésier l'œsophage et je continue encore, et encore - et encore...

Je bois jusqu'à ce que tout tourne autour de moi. Jusqu'à ce que plus rien ne compte ou ne fasse mal. Je bois jusqu'à ce que je me sente bien, même un peu.

Soudain la porte de l'académie s'ouvre, et je souris douloureusement en y trouvant Cinq et Diego. Mes lèvres s'étirent et j'ai l'impression de me faire charcuter le visage. 

— Hé, les gars, je chantonne en levant ma bouteille. Salut, vous deux !

— Qu'est-ce qu'elle fout ? Grommelle Cinq, visiblement rétabli de sa cuite.

Les sourcils froncés, Diego tourne son regard vers les quelques bouteilles entassées autour de moi, dont je ne connais même plus le nombre, et je souris plus fort. L'alcool remplace presque mon sang, à ce rythme, et je profite de cet idylle que je me suis crée. Loin de tout. Loin de la douleur.

— J'ai retrouvé Klaus, d'ailleurs, j'annonce en tentant de me relever du canapé, penchée sur le dossier. Il a pas l'air bien, le coco. Il tapait sur une mallette en pleurant.

— Une mallette comment ? S'enquit soudainement Cinq.

Je ricane sans même savoir pourquoi et me penche davantage, plongeant dans le vide. Mon corps perd l'équilibre et je tombe tête la première sur le parquet, ma bouteille en main. J'écarquille les yeux et pousse un cri étouffé en protégeant son contenu pour lequel j'ai bien trop besoin pour tenir. Un soupir leur échappe et Diego s'avance vers moi tandis que Cinq effectue un saut dans l'espace pour partir je-ne-sais-où, là où je n'ai sûrement pas lieu d'être.

— Je t'avais dis de ne pas boire, me gronde-t-il en m'arrachant ma bouteille des mains.

— Mais je m'en contre fous, je rétorque dans un sourire amère. Et tu sais pourquoi, tête de gland ?

Il fronce les sourcils, irrité, et je poursuis. L'alcool atténue trop mes pensées pour que je m'arrête, et j'en ai assez de retenir ma douleur pour le bien des autres. J'ai l'impression de prouver à tout le monde, à notre père plus particulièrement, qu'il avait tous raison à mon sujet : je suis une cause perdue.

Ꮜꮇᏼꭱꭼꮮꮮꭺ Ꭺꮯꭺꭰꭼꮇꭹ ///Terminée\\\Where stories live. Discover now