Le Murmure du Silence [en pause]

45- Le coeur qui n'écoute plus

Chanson : Breakeven - The Scripts

"Si tu n'as aucune raison
de rester, c'est une bonne
raison pour t'en aller"

Gabriel se raidit tandis qu'il sentait les bras de sa copine lui enlacer la taille. Chaque contact physique avec elle le dégoutait profondément, s'il n'était pas douté d'un certain civisme, depuis longtemps qu'il aurait abandonné la jeune fille sur le coin d'une rue pour finir seul sa balade en scooter. Le seul problème, c'est qu'il se détestait de penser ainsi, il se répugnait lui-même à un point même qu'il n'était plus en mesure de regarder son reflet dans les yeux.

Il y a quelques mois, tout allait pour le mieux pourtant. Il avait une copine qu'il aimait tendrement, une jambe en bonne voie de réhabilitation, des notes en Français supérieurs à la moyenne et de bons rapports avec tout le monde de sa classe. Pourtant, tout semblait lui être arraché petit à petit. Il faut dire que Gabriel ne faisait strictement rien pour l'aider; s'il était incapable de dire à son amie d'enfance de lui laisser un peu d'air, comment pourrait-il être en mesure de prouver sa détresse à qui que ce soit?

C'était inconcevable pour lui de rester plus longtemps dans cette situation. Il en était au stade d'avoir envie de simuler une maladie contagieuse pour tenir Daphné éloigner de sa personne, sachant qu'elle avait une peur bleue de tomber malade. C'était pathétique à quel point son existence ne tournait plus qu'autour d'un seul et même point; survivre une journée de plus.

Que ne donnerait-il pas pour pouvoir passer ses journées entières avec sa mère et sa sœur, sans le moindre souci à l'horizon? Il voudrait partager ses problèmes avec elles, mais, pour une fois qu'elles allaient bien, il n'allait pas leur enlever cette joie. Gabriel culpabiliserait beaucoup trop de les inculper d'une charge en plus. Il était grand, il pouvait supporter. Il devait supporter.

Le grand brun se sentait de la même manière vis-à-vis de Lou. Il avait l'impression que, pour une fois, tout allait pour le mieux dans la vie de son meilleur ami. Cet instant de répit et de bonheur, le grand brun l'avait bien mérité et ce ne serait pas Gabriel qui le lui enlèverait, ce serait trop injuste.

Perdu dans ses pensées, Gabriel manqua de peu de brûler une lumière rouge. Il freina en catastrophe, faisant sursauter Daphné qui déjà, n'était pas très à l'aise depuis le début de leur virée en motorisé. Cela n'avait rien à voir avec le fait qu'elle se trouvait sur une mobylette, elle adorait ses bolides. La jeune fille avait simplement l'impression que son copain aurait souhaité être partout ailleurs que là où il était. Le fait qu'il ait presque grillé un stop ne faisait que renforcer cette impression. Gabriel était irrévocablement dans la lune, chose qu'il s'évitait d'habitude à tout pris lorsqu'il conduisait.

Un peu après le redémarrage, alors qu'ils approchaient du phare, Daphné ordonna à Gabriel de se garer. Celui-ci s'exécuta, croyant sincèrement qu'il y avait urgence vu le ton de voix qu'avait employé sa copine. Elle ne haussait jamais le ton avec lui, jamais. La dernière fois que cela s'était produit, c'était avec la fameuse histoire du retard dans ses règles. C'était d'ailleurs Gabriel qui avait commencé l'engueulade.

Il ne put s'empêcher de penser que s'il n'y avait pas eu cette fameuse dispute qui persistait à le ronger de l'intérieur, il serait probablement toujours amoureux de Daphné à l'instant même. Bien qu'en cette journée, ses mots aient largement dépensé sa pensée, Gabriel ne pouvait s'empêcher de constater la vérité dans ceux-ci. Sans cette friction entre sa copine et lui, Gabriel n'aurait jamais pu se permettre de faire entrer Ray dans sa vie.

Bien que lorsqu'il a rencontré le grand brun, le malentendu avec Daphné s'était dissipé, Gabriel se posait toujours des questions. Il se demandait si son amour pour Daphné aurait réellement pu survivre à l'épreuve qu'est d'être parent en si bas âges. Il se demandait si son couple avait des chances de survivre encore longtemps s'il se disputait comme cela de nouveau.