Magie complémentaire

Grimoire

Severus se maudissait alors qu'il pénétrait dans la réserve de la bibliothèque en pleine nuit.

Bien entendu, il avait parfaitement le droit de pénétrer dans la réserve et d'y consulter tous les ouvrages qui s'y trouvaient. Il était un professeur, et il n'avait pas besoin de se cacher.

Mais il avait décidé de se montrer discret, bien plus discret qu'à son habitude.

Madame Pince avait un regard d'aigle et notait chaque allée et venue, durant le temps où elle se trouvait à son bureau. Il n'y avait que la nuit que la bibliothèque était laissée sans surveillance, bien que les portes soient verrouillées.

Mais un simple alohomora permettait l'accès aux ressources... Il pourrait toujours prétendre avoir eu une recherche urgente à faire s'il se faisait prendre.

Le cœur battant, il se sentait comme un élève violant le règlement, lui l'espion aguerri. Il avait beau vanter son sang-froid à toute épreuve, il avait un mauvais pressentiment. Et suivre ses pressentiments par le passé lui avait plusieurs fois sauvé la vie.

Il passa plus d'une heure à compulser les grimoires devant lui. Les yeux plissés à la mauvaise lumière de la lanterne qu'il tenait, il tournait les pages jaunies, rassemblant autant d'informations que possible sur la magie noire et plus particulièrement sur les horcruxes.

Il fit une pause en se frottant les yeux. Severus était horrifié de ce qu'il avait découvert. Il se serait bien passé d'en savoir plus sur la création des monstruosités comme Voldemort l'avait fait.

Malgré tout, une part de lui-même se demandait comment celui-qui-fut Tom Jédusor avait eu l'idée de diviser son âme ainsi, tuant sans hésiter pour créer des objets aussi maléfiques.

L'immortalité était bien entendu comme le chant des sirènes, terriblement attirante tout en étant dangereuse. Mais le sacrifice consenti était disproportionné...

Avec un soupir fatigué, le cœur au bord des lèvres, Severus reprit ses recherches, creusant un peu plus dans la folie de Voldemort au fur et à mesure qu'il compulsait les livres anciens à l'aura maléfique.

D'un coup il se stoppa, horrifié.

Il venait de trouver la raison de son pressentiment, celui qui lui avait serré le cœur depuis qu'il était arrivé dans la réserve de la bibliothèque. Sans plus hésiter, il s'empara du grimoire, et sortit à grands pas de la réserve, se moquant des conséquences si quelqu'un le croisait.

Il rejoignit les cachots à grands pas, perdu dans ses pensées, ne cherchant même pas s'il y avait des élèves en dehors de leurs maisons après le couvre-feu. Il était pressé de retrouver ses appartements pour relire ce fichu livre tranquillement. Peut être que dans l'atmosphère sécurisante de ses appartements, bien éclairé par des lampes, installé dans son fauteuil confortable, le sens des mots changerait pour n'être pas aussi sinistre que ce qu'il avait compris dans la réserve sombre et oppressante de la bibliothèque.

Il fut heureux de ne plus être espion, de ne plus avoir à répondre aux appels de Voldemort. Dans son état d'esprit actuel, il aurait été incapable de cacher ses pensées. De la même façon, il était satisfait que Dumbledore l'ait mis à l'écart. Il ignorait si le vieux sorcier était au courant de ce qu'il venait de lire, mais il n'aurait pas pu le lui cacher.

Et pour l'instant, il devait réfléchir à tête reposée pour trouver ce qu'il devait faire des informations qu'il venait de trouver.

Une fois dans ses appartements, Severus prit le temps de se servir un verre de Whisky pur feu, qu'il sirota devant la cheminée. De temps à autre son regard se perdait sur le grimoire aux pages jaunes, mais il l'ignorait volontairement pour le moment. Il avait besoin de quelques instants avant de relire le passage qui l'avait interpellé.

Finalement, décidant qu'il ne pouvait plus repousser l'échéance, il ouvrit le livre sur ses genoux.

Il resta plongé dans sa lecture un long moment, relisant encore et encore les mots jusqu'à leur retirer tout leur sens.

Puis il jura avant de boire un nouveau verre, comme si l'alcool pouvait changer les choses.

Il devait avouer qu'au fond de lui, il n'était pas réellement surpris. Il avait deviné dès le début que la mort des Potter n'avait pas été sans conséquences.

Il avait cru Albus quand celui-ci avait assuré que le sacrifice de Lily avait protégé Harry tout au long de ces années... Mais il n'avait pas assez creusé pour en savoir plus.

Et voilà que toutes les pièces du monstrueux puzzle venaient de se mettre en place. Voldemort avait tenté de tuer Harry Potter après avoir tué Lily. Le sort avait ricoché et le bébé avait été le seul être vivant à survivre à un Avada de toute l'Histoire.

Mais... Mais les circonstances avaient été particulières. Lily venait de se sacrifier, de son plein gré pour sauver son fils, lui offrant une protection.

Voldemort avait d'ores et déjà créé des horcruxes, morcelant son âme, non pas une fois, mais à six reprises. Six horcruxes, six objets maudits.

Lorsque l'Avada avait touché le jeune garçon, le sort avait ricoché. Harry aurait du mourir quand même.

Mais l'âme de Voldemort avait été affaiblie par toute cette magie noire. Et l'impensable s'était produit : un fragment d'âme s'était logé en Harry lui sauvant la vie et Voldemort avait été réduit à néant.

Harry Potter était un horcruxe.

Severus se frotta les yeux, en repensant à tout ce qui aurait pu les mettre sur la piste : le Gryffondor parlait le fourchelang, et voyait au travers des yeux de Voldemort à certains moments.

Il allait devoir annoncer au jeune homme qu'il portait en lui un morceau de celui qui avait tué sa famille.

Le maître des potions se redressa d'un coup, les yeux écarquillés. Il allait devoir annoncer à Harry qu'il devait mourir. Qu'il ne pourrait pas survivre, quoi qu'il fasse. Depuis le départ, il avait été destiné à succomber, et Dumbledore l'avait offert en sacrifice sans le moindre remord.

En fermant les yeux, Severus revit le visage de Lily, et il eut l'impression que tout s'écroulait autour de lui. Il s'était attaché à son fils, malgré sa ressemblance physique avec James. Il avait appris à l'apprécier. Et maintenant, il allait devoir lui ôter tout espoir d'être heureux un jour.